Parité yuan/euro : une erreur de cible ?

Europe_chine_2Comme ils l’avaient annoncé début octobre, les représentants de la zone euro se sont rendus mardi à Pékin pour aborder les questions monétaires avec les dirigeants chinois. Après Nicolas Sarkozy lundi (« Dans son propre intérêt, la Chine devrait accélérer l’appréciation du yuan vis-à-vis de l’euro »), le président de la BCE, celui de l’Eurogroupe et le commissaire européeen aux affaires économiques plaideront, à l’occasion du 10ème sommet annuel UE-Chine, en faveur d’un taux de change plus favorable au rééquilibrage des échanges commerciaux entre les deux zones économiques.

Le jeu en vaut apparemment la chandelle : le déficit commercial bilatéral se creuse au rythme inquiétant de 15 millions d’euros par heure, et après 128 milliards d’euros en 2006, devrait atteindre plus de 170 milliards d’euros en 2007. En ajoutant sa voix à celle des Etats-Unis, l’Europe espère augmenter la pression sur des dirigeants chinois à qui l’on reproche de maintenir le yuan à un niveau artificiellement bas dans le but de doper les exportations.

Jean-Claude Trichet, Jean-Claude Juncker et Joaquim Almunia ont-ils une chance de se faire entendre ? La tentative de Nicolas Sarkozy n’a pas, c’est le moins qu’on puisse dire, été couronnée de succès. Le président français a essuyé un refus poli mais ferme de son homologue chinois Hu Jintao, qui a indiqué que la Chine réévaluerait sa monnaie « à son propre rythme ».

Il faut dire que les relations sino-européennes traversent une période difficile, faite de tensions, de méfiance et de « frustration » (comme l’a dit Peter Mandelson). Après des années de complaisance, le Vieux Continent manifeste une irritation croissante envers son partenaire chinois. Outre les traditionnelles atteintes aux droits de l’Homme en Chine et au Tibet, toujours dénoncées mais qui ne semblent pas devoir reculer, les récentes affaires d’espionnage industriel, de piratage des systèmes informatiques (en Allemagne et en Angleterre notamment) et de violation délibérée des droits de la propriété intellectuelle ont refroidi les ardeurs européennes. S’ajoute le fait que la Chine reste un marché excessivement fermé, et ce malgré son adhésion à l’OMC en 2001. Un certain nombre de barrières tarifaires ont été démantelées, mais il reste de nombreuses barrières non-tarifaires : procédures d’attribution opaques, normes sanitaires et phytosanitaires exorbitantes, homologations et contrôles de conformité lourds et coûteux, non-reconnaissance des standards internationaux, etc. Sans oublier la protection du capital : il est par exemple interdit à un investisseur étranger de posséder plus d’un certain pourcentage (variable selon les secteurs) d’une entreprise chinoise.

Présent à Pékin ce mercredi, le président de la Commission européenne, José Barroso, a illustré ce protectionnisme en soulignant que la Chine est le premier fournisseur de l’Europe mais lui achète moins que la Suisse !

Comme Nicolas Sarkozy l’a rappelé à ses hôtes, la responsabilité de la Chine en matière de protection de l’environnement et de développement durable devient également cruciale. Or les contraintes qu’elle s’impose dans ce domaine sont encore modestes, pour ne pas dire ridicules. Il s’agit là d’un défi pour l’avenir de la planète, mais aussi d’un enjeu dans la lutte contre le dumping, qui prend en Chine des formes très variées : dumping  monétaire, fiscal, social, environnemental…

Dans ce contexte, on peut s’interroger sur l’importance attribuée au paramètre monétaire. Une réévaluation du yuan serait-elle vraiment de nature à modifier les équilibres commerciaux ? Il faudrait déjà qu’elle soit très forte pour compenser l’avantage compétitif des produits chinois sur les produits européens. Or on a vu que les Chinois n’ont pas l’intention d’aller plus vite que la musique. Jean-Claude Trichet ne saurait d’ailleurs le leur reprocher, lui qui a maintes fois déploré les « brusques mouvements sur les marchés des changes ».

A supposer même que les autorités chinoises accèdent aux voeux pressants des Américains et des Européens, il n’est pas dit non plus qu’ une appréciation rapide et substantielle du yuan aurait un effet réellement positif. A en croire certains économistes, ce serait même le contraire. « La Banque centrale européenne et l’Union européenne demandent à la Chine « d’apprécier le renminbi (yuan) » : posée ainsi, cette demande est imprécise et dangereuse », estime par exemple Patrick Artus. Dans une étude publiée mardi, l’économiste de Natixis affirme que la Chine n’est pas responsable de la hausse de l’euro. Selon lui, la politique de changes de Pékin réussit même à éviter que la monnaie européenne ne grimpe davantage face au dollar, car elle empêche l’effondrement ce dernier. L’étude rappelle que jusqu’en 2005, la Chine a maintenu une parité fixe entre le dollar et le renminbi (ou yuan), en achetant massivement des bons du Trésor américains. Depuis cette date, sa monnaie a été réévaluée et arrimée à un panier de devises. Ses achats d’actifs se sont diversifiés, au profit notamment de l’euro.

« L’arrêt du soutien du dollar par les banques centrales conduirait à un effondrement du dollar, y compris par rapport à l’euro. Il n’est donc pas du tout dans l’intérêt des Européens de réclamer une plus grande flexibilité du régime de change en Chine », indique Patrick Artus. Qui considère même que « la seule contribution efficace de la Banque centrale de Chine serait d’acheter moins de titres en euros et davantage de titres en dollars, c’est-à-dire de cesser de traiter l’euro comme une monnaie de réserve ». En clair, de revenir à la situation antérieure…

Comme on le voit, plutôt que de se focaliser sur les questions de change, l’Europe serait mieux inspirée en s’attaquant aux véritables facteurs de déséquilibre. L’utilisation par la Commission européenne d’instruments existants comme les clauses de sauvegarde ou l’antidumping exercerait une pression bien plus efficace que ces appels vains et répétés à une réévaluation de la monnaie chinoise.

Source : AFP

(10 commentaires)

  1. Autrement dit, on assiste à une gesticulation totalement improductive.
    Que vont faire les chinois des paquets de dollars
    US, dont la majorité se trouverait dans les bas de laine des petits épargnants locaux ?

  2. Ils vont les placer à l’étranger via leurs fonds d’investissement (dits souverains).
    Ils vont aussi continuer à les échanger discrètement contre de l’or, des euros… toutes les sortes de devises ou d’actifs qui ne risquent pas de se déprécier…
    Ca les protègera contre l’érosion du dollar qui se profile à l’horizon, même si cette diversification risque d’accélérer davantage encore l’effondrement du billet vert.
    Leur stratégie consiste apparemment à compenser la baisse du dollar par la hausse de l’euro, et le (relatif) rééquilibrage des échanges commerciaux avec les Etats-Unis par des excédents supplémentaires avec l’Europe.
    La France sera certainement la première victime de cette offensive.

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