Euro fort… Europe faible !

Bce_logo2 La glissade continue du dollar par rapport à l’euro ne laisse pas d’inquiéter. De plus en plus nombreux sont ceux qui s’alarment des conséquences pour la croissance et la compétitivité d’un taux de change pour le moins déséquilibré. En 1999, sur les fonts baptismaux, un euro valait 1,17 dollar… chutant même à 0,83 deux ans plus tard. Or, ces derniers jours, on a franchi 1,42 dollar et certains observateurs pronostiquent 1,45/1,50 à court ou moyen terme. A moins que la Fed, ô surprise, décide soudain de resserrer la vis pour s’attaquer à l’inflation plutôt qu’à la récession…
Olivier Demeulenaere
Cette situation, au-delà des inquiétudes légitimes qu’elle suscite (« Chaque fois que le dollar perd 10 cents, nous perdons 1 milliard d’euros par an », a souligné Louis Gallois, le président d’EADS), est surtout révélatrice des contradictions et des faiblesses de l’Union européenne. Face aux Américains, aux Chinois et aux Japonais qui usent depuis des années de l’arme monétaire pour relancer leurs exportations ou alléger le fardeau de leur dette, les Européens peinent à parler d’une seule voix.

D’un côté les tenants de la maîtrise de l’inflation, Allemagne et BCE (Banque centrale européenne) en tête, minimisent l’impact d’un euro surévalué et rejettent toute idée de baisse des taux. Ils font valoir que les déficits commerciaux de pays comme la France sont davantage dus à l’absence de réformes structurelles qu’à l’euro fort, lequel reflèterait plutôt une économie européenne en bonne santé. D’ailleurs, comme l’a rappelé Valéry Giscard d’Estaing, « une dévaluation se traduirait irrémédiablement par une hausse des prix en France – du fait du renchérissement du coût de nos importations – et, au bout du compte, par une baisse du pouvoir d’achat des Français ». Quant aux exportations, le même VGE estime qu’ « une baisse de l’euro serait sans effet sur nos exportations vers les pays membres de l’Union européenne, dont l’Allemagne, qui est notre premier partenaire économique » et qu’elle « aurait peu d’impact sur notre déficit commercial avec l’Asie. Les produits que nous y achetons sont ultra-compétitifs et bon marché : ils le resteront, quelle que soit la valeur de notre monnaie ».

D’un autre côté, les partisans d’une relance de la croissance soulignent qu’après avoir retrouvé de la vigueur l’an dernier et au début de 2007, celle-ci commence à donner des signes de faiblesse. Par la bouche de Nicolas Sarkozy, ils ont donc trouvé curieux que la BCE injecte des liquidités dans le système financier sans aider en même temps les entreprises alors que l’euro ne cesse de s’apprécier : « On a fait des facilités pour les spéculateurs, mais on complique la tâche pour les entrepreneurs ». Tout en se défendant de porter atteinte à l’indépendance de la banque centrale, Ils réclament une baisse des taux d’intérêt pour que nos entreprises puissent lutter à armes (plus) égales avec leurs concurrentes.

Dans le camp de la stabilité monétaire, sans aller jusqu’à leur donner raison, on se met cependant à multiplier les déclarations « préoccupées ».

Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe, a ainsi indiqué le 28 septembre que les pays de la zone euro envisageaient d’interpeller le G7 à la mi-octobre au sujet des taux de change, qui commencent à les « préoccuper beaucoup ». « Nous allons sans doute renforcer le message que nous avons adressé à nos partenaires lors des réunions précédentes », a déclaré M. Juncker. Le même jour, le commissaire européen aux affaires économiques, Joachin Almunia, a lui aussi reconnu que la perte de valeur du dollar le « préoccupait ». Il s’était jusqu’ici toujours voulu rassurant.

Ces propos empreints de diplomatie auront-ils l’effet escompté ? On peut en douter. Le ministre japonais des finances avait déclaré la veille ne pas s’attendre à ce que des discussions spécifiques aient lieu sur les parités monétaires lors de la réunion des ministres et banquiers centraux du G7. Son homologue allemand a quant à lui affirmé que l’Allemagne ne ferait rien pour qu’on engage un débat sur l’euro lors de cette même réunion.

Faut-il alors traiter le mal par le mal ? Répondre à l’effondrement programmé du dollar par une succession de dévaluations de l’euro ? Nous ne le pensons pas. Cela ne ferait qu’ajouter à la crise monétaire internationale et à l’hyperinflation. Même en Europe, l’inflation réelle ou « cachée » est déjà forte… Et puis il faudra bien qu’un jour ou l’autre cette bulle du crédit éclate ! En attendant, le mieux serait que les Européens travaillent à rapprocher leurs points de vue. Ce sera difficile : d’une part, sur le plan politique, les intérêts souverains des uns et des autres s’affrontent au coeur même de l’Europe et celle-ci est toujours, selon la célèbre formule, « un géant économique et un nain politique ». D’autre part, sur le plan économique, l’Union n’est pas encore parvenue au stade dit de la zone monétaire optimale. Cette dernière requiert un certain nombre de critères (intégration financière, convergence des politiques économiques, mobilité du facteur travail, flexibilité des salaires et des prix…) qui doivent lui permettre d’absorber sans dommage d’éventuels « chocs asymétriques ». Parmi ceux-ci de fortes et brutales variations du taux de change : la monnaie unique interdisant par définition un ajustement par les taux de change internes, l’Union ne peut y résister que si elle est homogène. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui si l’on considère par exemple le niveau d’endettement des Etats ou la mobilité des travailleurs européens.

Une fois de plus, il faudra que le volontarisme politique et la capacité de compromis de l’Union européenne l’emportent sur les particularismes nationaux. En espérant que la conjoncture internationale ne se dégrade pas trop… Faute de quoi, certains pays pourraient être tentés de faire cavalier seul pour affronter les turbulences qui pointent à l’horizon.

Sources : AFP, Reuters, Le Figaro

(11 commentaires)

  1. On n’arrivera trés certainement pas à trouver une solution. Chacun a ses intérêts partculiers et je pense qu’on voit la principale faiblesse de l’UE.

  2. L’Euro fort n’est un problème que si l’on achète en Euro et vend en Dollars. Il faut être quand même un peu masochiste pour procéder ainsi.
    Il n’y a que les multinationales pour avoir ce problème, qui reflète de plus une mauvaise gestion.

  3. C’est plutôt un problème quand on vend ses produits en euros alors que d’autres les vendent en dollars !
    Voir Airbus/Boeing mais pas seulement : toutes les PME qui luttent sur les marchés extérieurs

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