Réunis à Luxembourg, les ministres des Finances de la zone euro ont annoncé hier soir une visite au sommet en Chine « d’ici la fin de l’année » pour évoquer les questions de change avec Pékin. C’est une première. La délégation comprendra les trois principaux dirigeants économiques de la zone euro : le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker, le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet, et le commissaire européen aux affaires économiques Joaquin Almunia.
« Dans les économies émergentes disposant d’excédents importants et croissants, particulièrement en Chine, il est souhaitable que les taux de change réels évoluent pour que les ajustements nécessaires aient lieu », peut-on lire dans les conclusions adoptées par les treize ministres.
« La Chine et d’autres économies émergentes devraient introduire davantage de flexibilité dans leur gestion des taux de change », a déclaré ce matin M. Almunia. « C’est bon pour la croissance de la Chine, pour rééquilibrer la croissance, pour augmenter la demande intérieure. Et c’est bon pour la réduction des déséquilibres mondiaux, pour tout le monde, pour tous les acteurs majeurs de l’économie mondiale », a-t-il ajouté.
C’est donc sur la Chine que les Européens ont décidé de concentrer leurs critiques, reléguant au second plan les problèmes liés au dollar et au yen, pourtant eux aussi notoirement sous-évalués. Le yuan chinois est accroché au dollar à un niveau artificiellement très bas et accompagne sa chute, ce qui pénalise fortement les entreprises européennes au moment où l’euro est installé au-dessus de la barre de 1,40 dollar.
A quelques semaines du sommet entre l’Union européenne et la Chine le 28 novembre prochain, c’est la première initiative forte des Européens à l’égard de Pékin.
Le ton adopté à l’égard des Etats-Unis et du Japon est en revanche beaucoup plus nuancé, pour ne pas dire indulgent. Les dirigeants européens semblent se satisfaire des pieuses déclarations d’intention des autorités américaines, à l’image du secrétaire au Trésor Henry Paulson affirmant « qu’un dollar fort (était) dans l’intérêt de la nation ». Quant au yen, les ministres des finances européens mettent tous leurs espoirs dans la reprise économique en cours au Japon, qui devrait selon eux conduire à une appréciation de la monnaie japonaise.
Cette modération dans les propos s’explique pour l’essentiel par les divergences de vues entre la France et ses alliés (comme l’Italie) d’une part, l’Allemagne et les pays nordiques d’autre part. L’impact d’un euro fort n’étant pas le même pour tous, il n’y a pas pour tous la même urgence à agir. Surtout si c’est pour remettre en cause l’indépendance de la BCE comme le fait Nicolas Sarkozy…
D’où ce nouvel usage de la langue de bois chez les Treize, qui ont tout aussi courageusement refusé de commenter la genèse de leur difficile négociation. « Les termes de référence ont été convenus de manière entièrement consensuelle entre nous », a dit Christine Lagarde, le ministre français de l’Economie et des Finances.
Preuve de ce « consensus », son homologue allemand Peer Steinbrück a déclaré à Luxembourg : « J’aime le cash et l’euro fort »… Le ministre autrichien Wilhelm Molterer a renchéri : » Je suis content de la force de l’économie européenne et je pense que c’est aussi la raison pour laquelle elle peut supporter une situation comme celle-là ». Quant au ministre néerlandais Wouter Bos : « Je ne suis pas préoccupé. Toute l’idée de l’Union monétaire était de créer un euro fort. Maintenant que c’est un euro fort, je pense que nous devrions être contents »…
Dans ces conditions, on voit mal comment la réunion du G7 prévue du 19 au 21 octobre à Washington pourrait, sur ce sujet, ne pas accoucher d’une souris…
Sources : AFP, Reuters
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