Ainsi donc, Jean-Claude Trichet a fini par céder. Les adeptes de l’euro faible peuvent savourer leur victoire. La banque centrale européenne, après avoir entamé le processus de baisse de ses taux, l’accélère (moins 0,75 point jeudi dernier) et rejoindra peut-être la Fed dans quelques mois sur ses niveaux planchers. Le spectre de l’inflation éloigné pour le moment, le président de la BCE s’est résigné à ouvrir un peu plus les vannes du crédit.
Ce changement de cap est paraît-il justifié par le souci d’épargner à l’Europe un scénario « à la japonaise ». Il faudrait relancer la machine à tout prix, quitte à la voir s’emballer de nouveau, plutôt que revivre ce qu’a vécu le Japon depuis les années 90 : non pas simplement une récession, mais une déflation dont il n’est parvenu à sortir que récemment…
L’exemple du Japon nous enseigne pourtant que les taux zéro ne servent à rien : comme nous, le pays du soleil levant a subi les affres d’une bulle spéculative, comme nous il a souffert d’un excès de crédit et non d’un manque. Ce ne sont pas des taux d’intérêt trop élevés qui ont été la cause de la crise, mais un surendettement engendré par une politique monétaire volontairement laxiste. Les baisses de taux décidées par la BOJ (certes tardivement) n’ont eu aucun impact, sinon le « yen carry trade ». Il faut dire que la bulle japonaise n’était que japonaise, tandis que nous flottons aujourd’hui sur un océan de dettes qui recouvre toute la planète.
Offrir davantage de crédit revient à vouloir faire boire un âne qui n’a pas soif. La peur et l’incertitude condamnent des agents économiques déjà lourdement endettés à la plus extrême prudence, pour ne pas dire au refus de s’engager : report des dépenses nouvelles, gel des investissements, la paralysie s’installe dans l’attente de lendemains plus riants.
Qui ne voit que l’interventionnisme étatique, loin de résoudre les crises, les provoque et les aggrave ? Des milliers de milliards de dollars et d’euros ont été injectés dans les circuits financiers, avec la complicité de banques privées trop heureuses de l’aubaine. Ils n’ont rien empêché ; ils ressortiront un jour sous la forme d’une nouvelle bulle, plus spéculative que productive.
La manipulation des taux d’intérêt, quant à elle, ne stimule pas le crédit mais le relance artificiellement. Le dumping monétaire favorise des projets d’investissement qui ne correspondent pas à l’état réel de la demande et des ressources disponibles. Qu’est-ce en effet que le crédit, sinon le prêt d’un surplus d’épargne, moyennant paiement d’un intérêt, au porteur d’un projet d’investissement ? Que l’intérêt soit artificiellement maintenu en-dessous de son niveau naturel (celui d’un marché libre du crédit), et c’est la nature des investissements qui change. Ce que les économistes de l’école autrichienne appellent mal-investissement (de l’anglais mal invest), c’est-à-dire l’inadaptation qualitative de l’offre à la demande. Les capitaux sont gaspillés car dirigés vers le financement de projets non rentables.
Le marché de l’immobilier est un bon exemple de mal-investissement. C’est le crédit bancaire, ou plus précisément une création monétaire excessive sur un marché particulier, qui a donné naissance à la bulle immobilière. L’expansion de la masse monétaire s’est faite sans contrepartie dans l’économie réelle. Elle a profité à certains secteurs comme la construction et l’immobilier, tandis que d’autres – comme les biens de consommation – ont stagné. Conclusion inévitable pour l’économie, la récession.
Inflation, déflation, stagflation ? Il est trop tôt pour dire quelle forme prendra in fine cette récession. On peut juste imaginer, compte tenu des partis pris de relance budgétaire et monétaire, que la toile de fond risque bien d’être fortement inflationniste à terme, avec sans doute des « poches » de déflation ici ou là.
Bravo pour votre analyse
Certes, si on « fabrique » l’argent avant de créer les richesses, la valeur des actifs finira toujours par s’envoler et la famille d’actif concernée se constituer en bulle, suivant la mode et l’époque.
Mais le scénario retenu par les banques centrales est du Keynes pur jus (désolé pour l’école autrichienne) : favoriser le travail et l’investissement, puis tuer la rente par l’inflation.
Le problème c’est que faire « du keynésianisme » avec des ressources naturelles illimitées (pétrole, gaz, charbon) ça peut marcher mais le faire pille sur le peak oil ça ne peut que mal finir. Il n’y aura jamais assez de ressources pour que la demande suive ……
Entièrement d’accord, Olivier.
Mais que faire d’autre ? Seul contre tous ?
A Dadounet : la situation est si grave que personne ne peut dire ni savoir avec certitude ce qu’il faudrait faire… Mais ni la « reflation » ni la « monétisation de la dette » (en clair, la planche à billets) ne sortiront à mon avis l’économie mondiale de la dépression. Ce genre de mesure n’est qu’un aveu d’échec, et nul ne sait ce qu’il en résultera réellement : inflation massive ? simple ralentissement de la déflation – auquel cas celle-ci pourrait durer des années ?
On n’est pas en présence d’une crise de liquidité, mais de solvabilité, liée à un profond déséquilibre entre capital et travail. Peut-être le mieux serait-il de laisser la purge aller à son terme pour que la croissance reparte plus vite. Ce qui signifie accepter les faillites, les fermetures d