Airbus:vente des usines remise en cause par l’euro fort ?

Dollar_plane_travel_bargains05Le groupe européen d’aéronautique et de défense EADS pourrait revenir sur sa décision de vendre des usines de l’avionneur Airbus, et décider au contraire de continuer à les gérer en les regroupant dans une nouvelle entité, rapporte vendredi la Süddeutsche Zeitung.

Argument principal invoqué : la faiblesse du dollar par rapport à l’euro.

Signe des temps, l’Allemagne emboîte désormais le pas à la France pour tirer la sonnette d’alarme, redoutant les effets néfastes du contexte monétaire.

– La vente des usines freinée par la faiblesse du dollar

Si le quotidien allemand, qui ne cite pas ses sources, indique qu’EADS pourrait renoncer à la vente de « trois usines Airbus », sans préciser lesquelles, l’information a été rapidement démentie par Airbus. « Ce sont des spéculations qui n’ont pas lieu d’être. Le processus suit son cours« , a déclaré une porte-parole, à Toulouse.

La direction d’Airbus, filiale d’EADS, envisageait de choisir en juillet les repreneurs de six sites, Filton (Grande-Bretagne), Nordenham, Varel et Laupheim (Allemagne), Meaulte et Saint-Nazaire Ville (France). Elle a ensuite repoussé ce choix à septembre, puis à octobre, en rajoutant un septième site, l’usine allemande d’Augsbourg, qui appartient à la division défense d’EADS.

Mais la cession d’usines serait, selon le quotidien, compromise par la flambée de l’euro face au dollar, qui pèse sur la rentabilité d’Airbus. L’avionneur produit en effet en Europe, avec des coûts de production libellés en euro, mais vend en dollars, ce qui entraîne un effet de change très défavorable.

Le 17 octobre dernier, les syndicats européens d’EADS, réunis à Séville, avaient estimé qu’il était « urgent d’attendre » avant de procéder à la cession de sept sites industriels d’Airbus. « L’américain Spirit est le mieux placé en prix, la direction (d’Airbus, ndlr) est gênée et appelle les Européens à faire des efforts, car confier toutes les aérostructures d’avions au groupe américain préparerait la déconstruction de l’aéronautique européenne, au lieu de la renforcer », précisait alors un des membres du comité européen. Mais le cours du dollar renchérit de plus en plus l’opération.

De même source, on estimait que « l’aide éventuelle des gouvernements européens au développement des matériaux composites ne serait pas suffisante pour prendre le pas sur les propositions américaines, car après le retrait de l’allemand Voith, le français Latécoère, l’anglais GKN et l’allemand MT Aerospace ne font pas le poids« .

Du côté d’Airbus et de repreneurs potentiels, on évoquait récemment la possibilité d’un choix des « partenaires préférés » pour la fin de l’année et une finalisation à l’été 2008. « On ne donne plus de date, tout est en cours de négociation, il n’y a pas d’urgence, l’essentiel est de choisir dans chaque cas la meilleur offre », assurait à cette date un porte-parole d’EADS.

– Thomas Enders : la limite du supportable est dépassé

Dollar_plane Le patron d’Airbus Thomas Enders avait estimé jeudi devant des syndicalistes allemands que le cours de l’euro avait « dépassé la limite du supportable ».

La baisse continue du dollar met en danger la survie d’Airbus, a-t-il ainsi alerté, brandissant à nouveau la menace de nouvelles économies. « Nous devons revoir notre modèle industriel. Tel qu’il est, il n’est plus assez résistant », a déclaré M. Enders, lors d’une réunion des comités d’entreprises d’Airbus jeudi à Hambourg (nord de l’Allemagne). « Il s’agit de mesures radicales« , a insisté M. Enders, indiquant que tous les postes de dépenses devaient être passés en revue.

Airbus, qui a enclenché un vaste programme de restructuration nommé Power8 le 28 février sur la base d’un euro pour 1,35 dollar, se trouve de nouveau en difficulté, la monnaie européenne s’approchant vendredi du seuil psychologique de 1,50 dollar.

Mais pire encore pour l’avenir, les dépenses recherches et développement, auxquelles Airbus consacre environ 2 milliards d’euros par an pourraient se trouver sur la sellette. Selon une porte-parole d’Airbus, M. Enders a indiqué qu’il ne savait pas s’il pouvait maintenir ce niveau.

Les propos de M. Enders ont fait monter au créneau le puissant syndicat allemand de la métallurgie, IG Metall, qui n’a pas exclu des actions de protestation. « Si nous pensons que nous devons agir, nous le ferons », a déclaré une responsable syndicale, Jutta Blaukau, au quotidien allemand Hamburger Abendblatt paru vendredi.

Dans un entretien au Berliner Zeitung vendredi, le président du conseil d’entreprise d’Airbus a quant à lui exprimé son désaccord avec les propos jugés alarmistes d’Enders. La vigueur actuelle de l’euro est certes un problème pour Airbus mais elle ne remet pas en cause son existence, a estimé Rüdiger Lütjen.

« L’alerte de M. Enders n’est pas neutre. Il faut qu’il y ait un front commun de la chancelière allemande Angela Merkel et du président français Nicolas Sarkozy contre la BCE. C’est une sonnette d’alarme« , a estimé Françoise Vallin, du syndicat français CGC de Airbus.

Il vient en écho aux propos tenus par le président exécutif du groupe européen d’aéronautique et de défense EADS, maison mère d’Airbus, Louis Gallois, qui affirmait récemment dans le quotidien français la Tribune: « l’Europe doit se réveiller » et dire dans toutes les instances internationales que « la glissade du dollar doit s’arrêter ».

Le gouvernement allemand monte au créneau

Prié vendredi matin de se prononcer sur les propos d’Enders, une porte-parole du ministère de l’Economie a déclaré qu’il appartenait à Airbus, et pas au gouvernement allemand, de juger des conséquences de l’euro fort sur la performance de l’avionneur. « C’est au groupe d’évaluer la situation », a-t-elle dit.

« La faiblesse du dollar constitue un problème de taille pour Airbus et pourrait entraîner de graves difficultés à moyen voire à long-terme au sein de l’avionneur européen« , a néanmoins affirmé vendredi Peter Hintze, le responsable du secteur aéronautique et spatial du gouvernement allemand.

« Même s’il l’on suppose que la faiblesse du dollar ne pèse pas encore pleinement sur la performance de l’entreprise grâce aux couvertures mises en place contre les effets de change, des difficultés considérables pourraient émerger à moyen voire à long-terme », a poursuivi Hintze, qui est également secrétaire d’Etat parlementaire relié au ministère allemand de l’Economie.

La chancelière allemande Angela Merkel a estimé dans une interview diffusée jeudi par la chaîne télévisée N24 que l’euro fort « posait naturellement aussi problème » pour les exportateurs allemands. « Nous sommes bien sûr satisfaits d’avoir une monnaie solide. Mais pour les exportations, cela pose naturellement problème », a dit Mme Merkel. « Nous travaillons au niveau international pour que les monnaies s’équilibrent de manière raisonnable », a-t-elle ajouté.

Vendredi, Matthias Wissmann, le président de la Fédération de l’industrie automobile VDA, l’un des piliers de l’économie allemande, a indiqué que « l’évolution des taux de change rendait l’activité plus difficile et ne facilitait pas la tâche pour les exportations en zone dollar », c’est-dire aux Etats-Unis, mais aussi dans une bonne partie de l’Asie et de l’Amérique latine.

En début de semaine, l’économiste renommé Peter Bofinger, l’un des conseillers économiques du gouvernement allemand, avait interpellé directement la Banque centrale européenne (BCE), pour l’appeler à enrayer la hausse de la monnaie unique.

A Bruxelles, la porte-parole du commissaire aux Affaires économiques et monétaires Joaquin Almunia a estimé qu’il fallait regarder l’économie dans son ensemble, et pas seulement le cas particulier d’Airbus, pour appréhender les tendances actuelles du marché des changes.

De son côté, la VDMA, association allemande des industries de construction mécanique, a prévenu que la vigueur de l’euro face au dollar entraînait un tassement des nouvelles commandes et des prévisions de bénéfices du secteur.

Sources : AFP, Reuters

A lire également :

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(5 commentaires)

  1. Airbus ne représente qu’une toute petite partie du commerce extérieur européen, même pour la part franco-allemande.
    Hors énergie la part du commerce européen en dollar n’arrête pas de décroître.
    Près de la moitié de la production d’airbus est déjà un coût en dollar (royalties des brevets, motorisation, usines en zone dollar, accords de sous traitances, etc).
    Airbus bénéficie donc de plus en plus du dollar faible pour une bonne part de ses coûts (cet avantage s’accroit),
    … sauf les coûts de production en europe !
    Solution 1: délocaliser cette production en zone dollar ou « dollar-pegged », ce qui est en cours depuis longtemps et à continuer. Ainsi fait aussi Boeing à l’échelle du monde …
    Parallèlement ne peut on organiser une sorte de « zone franche » en dollar ici même ? (les zones franches portuaires ne sont pas rares en France, le concept est à adapter)
    Solution 2: arriver à commercialiser en euro et moins en dollar: l’euro devient un atout. De plus en plus de clients ont et veulent des réserves de change en euro: la tendance converge positivement.
    Mais EADS préfère se plaindre … pour EADS accuser la baisse du dollar sert d’abord à se défausser d’une gestion partiellement catastrophique !
    Les vrais coûts sont dans les erreurs et elles dépassent de loin les coûts de change …

  2. Pour rappel :
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    May 28, 2004
    Airbus aims to boost the number of its jet supplier contracts in dollars to 90 percent with the introduction of the A380 superjumbo, a top procurement executive at the plane maker said on Friday.
    Claude-Henri Hereus said at an investment conference on the western coast of France that supplier contracts for the A380 would be entirely in dollars, dragging up the overall percentage of deals in the US currency and *** providing the company with a better hedge against exchange rate fluctuations.****
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    « We’re going to increase the overall percentage of contracts in dollars, and that will automatically provide a hedge, » said Hereus, vice president and head of procurement strategy at Airbus.
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    « At the moment, 60 percent [of plane supplier contracts] are in dollars… It should go up to 90 percent with the A380. »
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    Hereus said Airbus had identified the full 1.5 billion euros in savings it is aiming to lock in by 2006 as part of a program to offset its exposure to moves in the euro/dollar rate. He said one billion of that total would come from suppliers.
    Airbus is particularly sensitive to fluctuations in the euro/dollar rate because all its revenues are denominated in the US currency, while about half of its costs are in euros.
    That forces its parent company EADS, to hedge roughly 10 billion euros in sales annually. Boosting its dollar costs is one way to reduce its hedging requirement.
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    Hereus said that supplier contracts for Airbus’s A400M military transport plane would also be mostly in dollars, as many of the products being used for the plane were similar to those used for the A380.
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    Airbus’s European suppliers have complained about being asked to do A400M contracts in dollars, because unlike Airbus commercial airliners, payment for the military plane will be made in euros by European governments.
    Separately, Hereus also expressed concerns about the financial health of smaller Airbus suppliers, notably in the UK, saying the planemaker could be forced increasingly to turn to larger, established players in the future.
    Some Airbus suppliers have predicted a shake-out in the industry, with larger groups taking control of smaller companies that are finding it increasingly difficult to compete.
    (Reuters)

  3. Pour rappel aussi
    Petit résumé de la chaise musicale.
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    Je n’avais pas « percuté » que CH Hereus revenait à ses fonctions initiales.
    http://www.leblogfinance.com/2007/03/airbus_changeme.html
    Airbus a annoncé mardi deux changements au sein de son comité exécutif, avec la nomination de Gérald Weber, 57 ans, au poste de chef des opérations, et Tom Williams, 54 ans, comme responsable des achats, dans un communiqué.
    M. Weber succède à Karl-Heinz Hartmann (56 ans) qui était à la tête des opérations depuis juillet 2005, tandis que M. Williams, assurera les fonctions de directeur des achats jusqu’ici occupées par Henri Courpron (54 ans).
    La Dépêche du Midi prétend quant à elle que ce dernier souhaitait démissionner.
    En 2004, l’Expansion « intégrait » Henri Courpron parmi les membres du « réseau » de Noël Forgeard. Démission volontaire ou département forcé, la question peut se poser.
    Tom Williams conserve par ailleurs ses fonctions de responsable des programmes. Ces fonctions sont au coeur du plan de restructuration « Power 8 » annoncé le 28 février aux organisations syndicales. Il prévoit notamment une réorganisation industrielle en profondeur ainsi qu’une refonte des relations avec les fournisseurs.
    Pour rappel, : Henri Courpron, proche de Noël Forgeard avait lui-même remplacé Claude-Henri Héréüs en tant que Vice-Président et responsable de la direction des achats d’Airbus durant la période estivale de 2005.
    A noter qu’en mai 2004, CH Héréüs avait annoncé qu’avec l’arrivée de l’A380, les contrats d’Airbus seraient désormais à 90 % libellés en dollars.
    Claude-Henri Héréüs avait alors précisé que les contrats fournisseurs concernant l’A380 seraient réglés exclusivement en dollars, préservant alors ainsi selon lui la compagnie des fluctuations des taux de change. Jusqu’alors, seuls 60 % des contrats fournisseurs étaient libellées en dollars.
    Cependant, selon la « Dépêche du Midi » du 23/03/07, Henri Courpron, vice-président exécutif aurait souhaité démissionner.
    En 2004, l’Expansion mentionnait dans un article intitulé « les réseaux de Noël Forgeard », que ce dernier n’oubliait pas qu’avant d’être patron d’EADS, il avait dirigé sa plus grosse filiale, Airbus Industrie – 80 % du chiffre d’affaires du groupe – pendant sept ans.
    Le journal économique précisait également qu’ l y avait laissé « une bande de fidèles » : John Leahy, le supervendeur, Charles Champion, le chef de projet de l’Airbus A380 devenu le n° 2 de l’avionneur, ou Henri Courpron, le directeur des achats. « Avec lui, l’amitié ne peut être que de raison », résumait alors cinglant, l’un des anciens cadres d’Airbus. « J’ai des ennemis et il est préférable d’apprécier ses ennemis », assurait, grand prince, Noël Forgeard. Jürgen Schrempp, l’ancien président de DaimlerChrysler, qui ne voulait « même pas le rencontrer », a été démis par son conseil d’administration.
    Philippe Camus, son rival à la présidence du conglomérat franco-allemand, est parti développer la branche médias du Groupe Lagardère aux Etats-Unis.
    Lors de la récente réunion débat qu’a tenu le syndicat CFTC-Airbus à Toulouse, parallèlement à un Comité syndical européen, Joseph Crespo, Président de la fédération CFTC de la Métallurgie avait d’entrée vivement mis en cause la rivalité Camus/Forgeard pour expliquer la situation actuelle d’Airbus.
    Alors simple départ d’Henri Courpron ou coupure du lien symbolique avec le « réseau Forgeard » ?
    Rédigé par: Chaise musicale suite | 18 oct. 07 01:14:46
    Eh voilà, petit retour au source pour l’ancien/nouveau Directeur Stratégie Achat d’Airbus, Claude-Henri Héréüs qui a repris sa place , occupée quelques temps par Courpron
    http://www.smartmoney.com/news/pr/index.cfm?story=PR-20071004-000627-0800

  4. Ls pbs d’Airbus ont donc eu lieu pdt « règne » de Courpron et « éviction » temporaire de CH Héréus ….
    Ce n’est pas le tout de placer ses copains … faut-il encore qu’ils soient réellement à leur place …

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