Musharraf autorisé à se présenter à la présidentielle

Pakistans_president_pervez_musharra La cour suprême du Pakistan a autorisé l’actuel président du pays à se présenter à l’élection présidentielle du 6 octobre tout en étant chef des armées, ce qui a donné lieu à de violentes échauffourées entre la police et les avocats qui contestent la décision. La Constitution affirme que tout citoyen qui occupe des fonctions officielles doit attendre deux ans avant de pouvoir se présenter à une élection, alors que les partisans de Musharraf indiquent que cette loi ne s’applique pas à l’actuel président. Dans cet environnement politique instable, la décision de la cour suprême vise à éviter une crise constitutionnelle qui pourrait entraîner l’imposition de la loi martiale. Les députés de l’opposition menacent néanmoins de démissionner, ce qui risque de bloquer l’élection car le Parlement élit le président.

Au Pakistan, les partisans de la démocratie sont les milieux progressistes, journaliste et avocats notamment, qui ne veulent plus voir le pays dirigé par des militaires. D’un autre côté, le Président Musharraf ne bénéficie pas d’une base politique solide et sa principale force est de diriger l’armée, poste qu’il propose néanmoins de quitter s’il est élu président. Mais au delà des ambitions personnelles du Président, se pose la question des alternatives politiques si Musharraf devait quitter le pouvoir.

Nawaz Sharif et Benazir Bhutto ont eu un rôle déstabilisateur sur la vie politique pakistanaise lorsqu’ils se sont succédés en tant que premier ministre entre 1988 et 1999. L’un était proche des militaires et des islamistes, et l’autre était considérée peu compétente et accusée de corruption. Le crédit de Musharraf réside dans sa gestion des affaires économiques. Il a nommé un premier ministre, Shaukat Aziz, compétent sur les dossiers économiques et apprécié des milieux d’affaires. Le pays croît à plus de 7% par an depuis 5 ans et l’endettement du pays a largement diminué.

Mais la santé économique du pays n’est pas indépendante du soutien de Musharraf à la politique américaine de lutte contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre. Cela a entrainé l’annulation d’une partie de la dette externe du Pakistan et la renégociation en des termes plus favorables du restant de la dette. Ce rapprochement, que Musharraf n’a d’ailleurs pas pu éviter par crainte de bombardements, a amorcé la rupture avec les islamistes dans son pays.

L’insistance de Washington pour obtenir un accord entre Musharraf et Bhutto est une mascarade visant à montrer au monde que les Etats-Unis promeuvent la démocratie. On peut se demander si la démocratie est le meilleur remède aux maux d’un pays qui a eu une histoire tourmentée depuis sa naissance dans le sang en 1947. La menace islamiste est sérieuse, et Musharraf semble désormais s’attaquer au problème après avoir mené pendant des années une politique accommodante envers un groupe d’influence indissociable des fondements religieux du pays. Aucun gouvernant n’arrivera à satisfaire les demandes d’une société si hétérogène, avec d’un côté une demande d’ouverture de la part des milieux progressistes et de l’autre une volonté de renforcer les valeurs religieuses fondamentalistes. A ce stade, seul un pouvoir central fort peut contenir les diverses aspirations et fixer une voie intermédiaire qui maintiendra un équilibre précaire. Le chemin vers la démocratie est long et graduel et on ne peut qu’espérer que Musharraf sera en mesure de poser les fondements solides de cette transition.