Nouveau record pour le cours de l’once d’argent, porté comme prévu par une nouvelle étape dans le processus qui débouchera sur le lancement de l’Exchange Traded Fund (ETF) de Barclays Global Investors, l’iShares Silver Trust, sur le marché américain. On en connaît maintenant le code mnémonique : SLV. Mais il faut encore que la SEC américaine se décide à en autoriser le lancement. On y est presque, mais ce n’est pas encore l’heure.
Coup de projecteur sur les derniers développements du facteur haussier le plus important pour le cours du métal précieux gris.
Photo : avers d’une pièce frappée par la Monnaie royale du Canada et destinée à ceux qui veulent investir dans l’argent. Calquée sur la version en or, plus ancienne, cette « Feuille d’érable » contient une once ‘troy’ d’argent (31,10 grammes). Frappée depuis 1988, elle a une valeur faciale de 5 dollars canadiens. Voir le revers en fin d’article.
Des records et une annonce : bientôt un ETF de plus sur l’Amex !
Lundi dernier 20 mars 2006, le cours de l’argent a encore atteint un sommet de plus de 22 ans à plus de 10,40 dollars l’once ‘troy’ de 31,10 grammes, les investisseurs pariant sur un accroissement de la demande et la validation prochaine de l’ETF de Barclays par la SEC. Comme d’habitude, en somme. Hier en cours de séance, le cours ‘spot’ de l’argent a même touché les 10,60 dollars. Cliquez sur le graphique pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre.
Que s’est-il donc passé ? La SEC aurait-elle donné son feu vert ? Non, toujours pas, mais on progresse. La SEC a fait savoir qu’elle avait approuvé un changement de règles pour l’iShares Silver Trust, actuellement sous revue. Conséquence immédiate : l’ETF sur argent de Barclays pourra être coté sur le marché Amex. On connaît même le mnémonique qui permettra aux boursiers d’appeler la valeur sur le marché américain : SLV.
Pourquoi cette décision ? Car selon le fil Dow Jones du 21 mars, « la SEC a déclaré qu’elle reprenait à son compte la position de l’Amex selon laquelle, comme les autres produits dérivés, l’ETF sur argent va améliorer l’efficacité et la transparence du marché de l’argent. Pour cette raison, la SEC a déclaré le changement de réglementation ‘dans l’intérêt du public’, indiquant qu’elle ne croit pas que cet ETF ‘soit de nature à provoquer de sérieux problèmes de liquidités sur le marché de l’argent’« .
Sur ce point de la liquidité, John Reade, stratégiste en métaux précieux pour UBS Investment Bank, écrit dans sa note du 22 mars qu’il s’agit d’une réponse cinglante au principal argument des détracteurs de l’ETF.
Cliff Weber, senior vice-président d’Amex ETF MarketPlace, s’est déclaré « heureux de constater que la SEC a fait un pas important vers la mise à disposition du public d’iShares Silver Trust ».
Mais toujours pas de date pour le lancement d’iShares Silver Trust
Mais il n’est pas encore question du lancement de l’ETF. Comme le précise Christine Hudacko, porte-parole de Barclays Global Investors, « le S-1, le formulaire de déclaration d’enregistrement soumis [à la SEC] par BGI, n’est pas encore effectif. Nous sommes donc toujours dans la « période silencieuse » de l’enregistrement et une date de lancement ne peut encore être déterminée« . Rappelons que la « quiet period » de la procédure de la SEC suit la phase de consultation des investisseurs préalable au lancement d’un produit.
Durant cette phase, la SEC a reçu 255 courriers, dont 248 étaient favorables au changement de réglementation, et 7 opposés. Parmi les opposants, on retrouve la Silver Users Association, association américaine des industriels consommateurs d’argent, qui ne souhaitent pas que des millions d’onces d’argent soient « stérilisés » dans des coffres-forts. Et fassent ainsi grimper le cours d’un métal dont le marché est peu liquide.
Rappelons que l’iShares Silver Trust de Barclays nécessite l’enregistrement de 13 millions de titres reposant sur 129 millions d’onces d’argent, soit la bagatelle de 4.000 tonnes. Chacune des parts de l’ETF vaudra l’équivalent de 10 onces d’argent. Selon TheStreet.com, 129 millions d’onces d’argent représentent « environ 16% de la production annuelle mondiale de métal et 21% des réserves connues et inventoriées de lingots d’argent ».
Sans surprise, « les actions des minières d’argent ont progressivement grimpé depuis la mi-janvier, quand les premiers signes d’un mouvement sur l’ETF ont été portés à la connaissance du marché », rappelle Gregg Greenberg, dans un papier de TheStreet.com publié le 21 mars.
Quelques commentaires prospectifs sur les « commodities ETFs »
Basée à San Francisco, Barclays Global Investors (BGI), la filiale du groupe bancaire britannique chargée de l’iShares Silver Trust, a fait parler d’elle dans la presse ces jours-ci. Son directeur exécutif Lee Kranefuss a accordé le 20 mars dernier une interview au site spécialisé américain MarketWatch.
Les questions portaient sur les ETF en général, dont MarketWatch rappelle que Barclays Global Investors propose 101 modèles différents capitalisant près de 184 milliards de dollars à fin janvier. Bref, la part de marché de Barclays sur le marché des ETF, estimé à un total de 313 milliards de dollars, est de l’ordre de 60%.
Après s’être félicité que les ETF, initialement destinés aux investisseurs institutionnels, rencontrent aussi un franc succès auprès des particuliers, l’interview avec MarketWatch a brièvement évoqué le sujet qui nous intéresse. Extraits :
Interview de MarketWatch du 20/03/2006, par John Spence
Bond, commodity ETFs on deck, Barclays executive says
Lien vers le texte complet de l’interview
MarketWatch : Le premier quasi-ETF fond répliquant un indice large de matières premières, le Deutsche Bank Commodity Index Tracking Fund (mnémonique, sur l’Amex : DBC), a récemment été lancé. Quels seront vos prochains produits dans le domaine des ETF sur ‘commodities’ ?
Lee Kranefuss (BGI) : L’enregistrement de notre ETF sur l’argent est en cours, nous sommes dans la période d’observation. Nous proposons aussi un ETF sur l’or, l’iShares Comex Gold Trust (mnémonique, Amex : IAU), qui cote déjà. Nous sommes également en train d’enregistrer un fonds liés à l’indice Goldman Sachs Commodity Index.
En général, les ETFs sont dominés par les fonds en actions, mais les investisseurs nous disent qu’ils ont besoin de plus de fonds sur les produits de taux, les matières premières et les investissements alternatifs comme l’immobilier. Le défi, là encore, est d’ordre réglementaire. Il y a beaucoup de travail pour introduire des ETFs dans certains de ces nouveaux domaines, mais dans les prochaines années vous verrez arriver plus de fonds sur les obligations et les matières premières.
Après le lancement de l’ETF, quelles perspectives pour le cours l’argent ?
D’un point de vue technique, Wolfgang Wrzesniok-Rossbach écrit dans la dernière livraison du rapport hebdomadaire sur les métaux précieux du fondeur allemand Heraeus Metallhandelsgesellschaft GmbH (ouf !) : « ce niveau [des 10,44 dollars, NDLR] constitue un nouveau record de 22 ans, et en termes techniques, il y a maintenant de la place pour plus de hausse, peut-être aussi loin que 10,75 dollars ».
Mais à plus long terme, le spécialiste d’Heraeus se montre beaucoup mois optimiste. « D’un autre côté, il y a peu de preuves que le rally de 16% que nous avons connu cette année est véritablement justifié d’un point de vue fondamental. Cette hausse est plutôt le résultat de la progression de la demande spéculative, principalement dans la perspective du lancement de l’ETF sur l’argent aux Etats-Unis. Nous ne sommes pas convaincus que le métal s’envolera après la – probable – approbation de ce produit d’investissement ». Wolfgang Wrzesniok-Rossbach estime même que les fonds d’investissement pourraient alors prendre leurs bénéfices. Et lui de rappeler que le support technique initial se situe à 9,75 dollars.
Une opinion que John Reade, d’UBS Investment Bank, ne partage pas vraiment : dans sa note du 21 mars, il ajoute qu' »au-delà des premières réactions à l’effet d’annonce [de la décision de la SEC, NDLR], la direction ultime que prendra l’argent dépendra de l’importance de l’investissement en ETF sur argent. L’idée d’investir dans l’argent aujourd’hui a ses « pros » comme ses « antis ». Les baissiers diront que l’argent a déjà plus que doublé par rapport aux 4 dollars l’once qu’il cotait voilà quelques années, et que l’arrivée de l’ETF est déjà largement intégrée dans les cours. Les haussiers mettront en avant que l’argent ne vaut que 25% de son plus haut historique de 50 dollars l’once atteint en 1980, quand l’or cote actuellement les deux tiers de sa valeur maximale à cette époque (…) ».
On sait que l’intérêt des investisseurs pour les ETF sur or a été tel qu’il explique, en partie, la hausse enregistrée par le métal à la fin de l’année dernière. En sera-t-il de même pour l’argent ? John Reade est prudent : « bien qu’il soit impossible de préjuger de l’intérêt des investisseurs, en comparant avec le lancement des ETF sur or en 2003-2004 (…), nous ne serions pas surpris que 50 à 100 millions d’onces d’argent soient achetées en l’espace d’environ un mois après que l’ETF ne trouve le chemin de la cote ». Si cela se réalise, John Reade estime que l’argent pourrait dépasser les prévisions à trois mois d’UBS sur l’once d’argent.
Dans la note suivante de ce 23 mars 2006, John Reade note que le gain de 4%, ou 44 cents, par l’once d’argent depuis l’annonce de la SEC est « une performance plutôt décevante », puisque la SEC a « déclaré expressément qu’elle ne voyait pas de menacer à la liquidité du marché de l’argent dans le lancement de ce produit ». Alors qu’il s’agissait de l’argument principal des détracteurs.
UBS pense toujours que l’ETF sur argent sera définitivement validé. « Même si nous considérons l’affaire entendue, le manque de détermination de l’approbation pourrait retenir certains investisseurs (…). Nous continuons à croire que l’argent se négociera plus haut qu’aujourd’hui, et que notre prévision de 11 dollars à trois mois pourrait s’avérer conservatrice. A la lumière de cette annonce sur l’ETF, nous avons placé nos prévisions de plus long terme sur l’argent – qui ont été réalisées en excluant tout impact de l’ETF – sous revue ».
Serait-ce les prémisses d’une révision en hausse des objectifs ? En tout cas, certains prévisionnistes s’agitent déjà. Le bureau d’études sur actions Salman Partners, basé au Canada, a voilà quelques semaines révisé en hausse de 7,75 à 11 dollars sa prévision pour l’argent en 2007. Et pense que l’argent pourrait toucher les 12 dollars dans les deux ans qui viennent… Une prévision que partage James Moore, analyste et commentateur pour le site TheBullionDesk.com.
Déjà paru sur l’argent dans Le Blog Finance :
- L’argent dépasse les 10 dollars l’once ! (3 mars 2006)
- Un ‘tracker’ sur l’argent à Londres dès avril ? (7 mars 2006)
- Débat d’experts sur les stocks d’argent (13 mars 2006)
- L’argent, un petit métal devenu grand ? (17 mars 2006)
Avers et revers de la pièce canadienne citée en tête d’article :
Tojours informatif ton blog Emmanuel ; as-tu des nouvelles de la fameuse (fumeuse) bourse iranienne du pétrole ?