La compagnie minière sud-africaine AngloGold Ashanti (cotée à Paris, mnémonique : VA), troisième producteur mondial d’or après Barrick-Placer Dome et Newmont Mining, est au coeur de l’actualité du secteur ces derniers temps. Sa maison-mère, AngloAmerican, sort progressivement de son capital, même si elle déclare vouloir conserver dans AngloGold « une part substantielle à moyen terme ». Si la sud-africaine n’a pas gagné son indépendance, elle est désormais autonome.
Reste à savoir ce qu’elle fera de sa liberté toute neuve, d’autant que selon son président Bobby Godsell, les perspectives de l’extraction minière d’or ces prochaines années sont orientées à la baisse. Et que les rumeurs de concentration qui entourent AngloGold se précisent…
Photo : la mine de TauTona exploitée par AngloGold Ashanti à une cinquantaine de kilomètres à l’Ouest de Johannesbourg (crédits : AngloGold Ashanti).
AngloGold Ashanti s’attend à une baisse de la production minière d’or
Dans une interview accordée dimanche 2 avril à Rebecca Bream, du Financial Times, Bobby Godsell donne sa vision de l’offre d’or dans les années qui viennent. Mot d’ordre : scarcity (‘pénurie’). Il n’y aurait donc pas que le pétrole qui se fait rare…
Précisons d’emblée qu’AngloGold, que sa maison-mère AngloAmerican est en train de céder par petits morceaux (la participation de la maison-mère dans AngloGold n’est plus que de 41% depuis ces dernières semaines), a produit 6,2 millions d’onces d’or en 2005 (192 tonnes), mais n’envisage que d’en extraire de 5,8 à 6,1 millions en 2006. En milieu de fourchette, cela représente pour 2006 une baisse anticipée de 4% de la production.
Cette prévision d’une des majors du secteur corrobore d’ailleurs les chiffres officiels du marché de l’or fournis par le World Gold Council, dominé par Barrick-Placer et Newmont, que nous reprenons ci-dessus (cliquez sur le tableau pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre) : la production minière d’or a bien du mal à se maintenir, puisqu’en 2005 elle était inférieure de 99 tonnes (soit 3,8%) à ce qu’elle était en 2003.
Cela n’est pas sans rappeler les résultats et prévisions d’une autre major aurifère, l’américaine Newmont Mining (mnémonique, New York : NEM), que nous avions évoqué dans ces colonnes : en 2006, le groupe de Denver s’attend à produire 7,98 millions d’onces d’or, soit un recul de 6,7% par rapport à sa production 2005 – qui elle même reculait de 3% par rapport à 2004…
Les grands producteurs seraient-ils frappés par une malédiction ? Bobby Godsell (photo, source : AngloGold) donne un début d’explication : « toutes les grandes compagnies minières ont du mal à remplacer leurs réserves. La production minière à venir sera stable, puis déclinante ». Ce que confirme un analyste interrogé par le FT : « il n’y a pas eu de découverte majeure de gisement aurifère depuis des années ». Bref : les gisements en exploitation s’épuisent, les découvertes ont été rares . Quand bien même l’exploration aurait trouvé des veines aurifères tout dernièrement, à la faveur de la hausse de l’once, il faut de 8 à 10 ans pour passer d’un projet à une mine en exploitation…
Des facteurs de risques pour les minières : d’abord, un risque pays en hausse
En outre, la « part de marché » des grands pays aurifères traditionnels se réduit. « L’or est précieux car il est rare. Il y a 20 ans, la plupart de l’or était extrait de quatre pays de « l’ancien monde » : l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada et les Etats-Unis. A l’avenir, la situation sera toute autre. Les onces d’or de demain proviendront d’autres pays, plus intéressants à cet égard ».
AngloGold a d’ailleurs anticipé le mouvement : seule la moitié de sa production vient d’Afrique du Sud, son bastion historique (voir le graphique ci-contre, cliquer dessus pour l’agrandir).
Le groupe s’est lancé dans une campagne massive de diversification de ses gisements, à coups de campagnes d’exploration dans des pays à fort potentiel. Mais il s’agit aussi de pays politiquement instables : l’ex-Zaïre dit « Congo démocratique« , la Colombie, la Mongolie et la Russie.
Pour un groupe minier international, le risque de se voir rembarré par un gouvernement local soucieux de tirer un meilleur parti des ressources que renferme son sol est donc de plus en plus important. Dans certains pays, c’est d’ailleurs plus qu’un risque : nous avons vu qu’un tel mouvement était en gestation en Mongolie et en Indonésie pour les mines d’or, de même que Chavez le fait avec le pétrole du Venezuela, suivant les traces de Vladimir Poutine en Russie. Ces jours derniers, il est question que le Pérou suive la même voie, si Ollanta Humala, un des candidats les mieux placés pour la prochaine présidentielle, était élu. Comme Chavez, Humala est un ancien militaire. Même au Zimbabwe, avec la brutalité coutumière du président à vie Mugabe, bien que dernièrement les choses semblent prendre une autre tournure.
Et il en va de même pour les coûts d’exploitation
Voilà qui est fâcheux : nous savons déjà que les coûts d’exploitation des minières augmentent rapidement, notamment du fait du renchérissement du diesel utilisé par les engins. Nous savons aussi que les minières se répartissent entre deux grandes familles : les majors, grosses entreprises solidement établies autour de gros gisements ; et les juniors, ces valeurs montantes qui tirent parti de dépenses d’exploration massives leur permettant d’afficher un taux de croissance élevé des réserves.
Ce que confirme Bobby Godsell au FT, tout en apportant un bémol : « Les juniors ont une meilleure expérience dans la découverte de gisements de minerais [que les majors], mais aujourd’hui, pour lancer une nouvelle mine, il faut compter environ 500 millions de dollars pour un mine à ciel ouvert [‘open pit’] et au moins 1 milliard de dollars pour une exploitation souterraine« .
Mobiliser de telles sommes peut être problématique pour des entreprises de taille moyenne. D’autant que ce coût élevé se double d’un risque : si un changement de gouvernement propulse au pouvoir des dirigeants politiques de plus en plus durs en affaires, adieu les dépenses engagées par la minière…
Une question à 500 millions de dollars
Même pour AngloGold, c’est une somme, mais il faut bien la mobiliser pour préparer l’avenir. Dans une émission radio organisée par le site sud-africain Mineweb.net, Bobby Godsell déclarait le 25 mars dernier que « nous connaîtrons cette année et l’année prochaine les plus importantes dépenses en capital jamais réalisées, un peu au-dessus de 800 millions de dollars ».
Mais il ne s’agit pas forcément de dépenses destinées à accroître la production, même si Godsell ne parle avec précision que de celà. Mineweb a bien tenté, lors de cette interview, de faire dire à Godsell à quoi allaient servir les 500 millions de dollars qu’il était en train de lever, et qui sur le papier sont justifiés par des projets miniers que Mineweb déclare anciens et déjà financés. Le CEO d’AngloGold n’a rien lâché, sans pour autant démentir que les projets justifiant tous ces millions étaient déjà financés.
Que peut bien faire une minière de 500 millions de dollars si ce n’est des dépenses d’exploration ? Racheter une autre société minière, par exemple. Ou organiser une fusion. Allez savoir…
Une solution : la poursuite du mouvement de concentration
Tiens, tiens… D’autant que face à la hausse des coûts et des risques, une des solutions qui s’offre aux entreprises pour maintenir leurs marges est de recourir à la « mutualisation ». En ce moment, dans le secteur aurifère, cela passe par des concentrations et des rachats en tout genre, que ce soit de juniors par des majors pour augmenter leurs réserves. Ou par les ‘grandes’ entre elles, dont le dernier exemple de taille est l’absorption de Placer Dome par un autre canadien, Barrick Gold.
En fin d’interview dans les pages du Financial Times, le sujet ne manque pas d’être évoqué. Plus franchement que sur Mineweb ; les choses auraient-elles avancé entre temps chez Anglo Ashanti ? En tout cas, Bobby Godsell évoque la question sans détours, le 2 avril dernier : « nous étudions toutes les hypothèses et des discussions exploratoires sont en cours, mais nous ne pouvons rien annoncer ».
D’après le journal O Estado de Sao Paulo en date de la semaine passée cité par l’agence Reuters, le groupe brésilien Companhia Vale do Rio Doce, ou CVRD (coté à Madrid sous le mnémonique : XVALP), numéro un planétaire du minerai de fer et acteur de classe mondiale dans les minéraux industriels (bauxite, cuivre, kaolin, manganèse, nickel, potassium principalement), a déclaré qu’il étudiait une prise de participation dans AngloGold. « Tout dépend du prix », a déclaré Roger Agnelli, président de CVRD, au journal brésilien à propos d’AngloGold. Mais Agnelli a immédiatement tempéré tout enthousiasme excessif : le modèle de développement de son groupe privilégie toujours la croissance interne au détriment des acquisitions, a-t-il rappelé.
Quelque part, CVRD suit une stratégie exactement inverse de celle d’AngloAmerican, alors que les deux groupes sont pourtant des concurrents directs en tant que spécialistes des métaux et minéraux industriels. Le brésilien CVRD cherche à se diversifier dans des secteurs où il est encore peu présent, par exemple l’or ; alors que le sud-africain AngloAmerican, déçu et désorienté par les multiples de valorisation des groupes aurifères, a choisi de se concentrer sur les matières premières industrielles – tout en conservant les métaux platinoïdes (via sa filiale AngloPlat) et les diamants (avec une autre de ses filiales, la célèbre De Beers).
D’ailleurs, l’hypothèse CVRD n’est pas la seule, ni même la plus commentée dernièrement : des rumeurs de marché évoquent une offre d’AngloGold sur Gold Fields of South Africa (coté à Paris, mnémonique : DC), quatrième mineur d’or au monde, qui est aussi sud-africain et avait fait l’objet en 2005 d’une tentative manquée de rachat par son compatriote Harmony Gold (coté à Paris, mnémonique : HG) soutenu par le russe Norilsk Nickel. Comme son nom ne l’indique pas, le groupe russe ne produit pas que du nickel, mais aussi du cuivre et des métaux platinoïdes. Après cet échec, Norilsk s’est séparé de sa filiale aurifère Polyus et de sa participation de 20% dans Gold Fields. Norilsk semble avoir renoncé au champ de bataille des aurifères.
Bobby Godsell prend le parti de commenter cette rumeur devant le Financial Times le 2 avril, alors qu’il s’était refusé à le faire sur Mineweb le 25 mars : « il y a des synergies, nous avons tous deux [AngloGold et Gold Fields, NDLR] des mines en Afrique du Sud, au Ghana, et en Australie. Si nous pouvions mettre au point ensemble un bon accord qui serait dans l’intérêt des actionnaires, ce serait une très bonne chose« . Mais lui aussi tempère : « la plupart des fusions et acquisitions sont destructrices de valeur, ce qui pourrait se révéler particulièrement vrai dans le secteur aurifère où les actions se négocient avec des primes ».
Peut-être les 500 millions de dollars ont-ils quelque chose à voir avec tout cela… A suivre, définitivement.
Et merci encore !
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Accident à Tautona , on en reparle