Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, a déclaré mercredi à l’AFP, au cours d’une brève visite à Bissau, qu’une dévaluation du franc CFA n’était « pas encore à l’ordre du jour » mais qu' »en soi » elle n’était « pas une mauvaise chose si elle est bien préparée ».
Cette déclaration survient alors que l’euro, monnaie de référence du franc CFA commun à quatorze pays africains, a récemment enregistré des records historiques face au yen et au dollar, largement due à l’embellie économique de la zone euro.
« La dévaluation (du FCFA) n’est pas encore à l’ordre du jour. Notre monnaie est couverte à 120%. C’est une monnaie assez solide. C’est peut être la monnaie la mieux couverte au monde », a dit M. Wade à l’issue de l’inauguration du siège à Bissau de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO).
Pour rappel, l »euro est monté vendredi jusqu’à 1,3682 dollar, son plus haut niveau jamais atteint depuis son premier jour de cotation en 1999.
« Il ne faut pas voir la dévaluation comme une mauvaise chose en soi. Quand la monnaie se détériore dans un pays, alors pour pousser l’exportation, on la dévalue. On peut aussi dévaluer parce que si la monnaie est très forte, on ne peut pas bien vendre, parfois on perd. C’est notre cas aujourd’hui », a ajouté, Abdoulaye Wade. Selon le président sénégalais, qui est notamment économiste de formation, « une dévaluation préparée est une excellente chose ».
Les quatorze pays africains ayant le franc CFA en commun forment la zone franc. Ce sont ceux de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), dont l’institut d’émission est la BCEAO, qui regroupe le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, la Guinée-Bissau, le Togo et le Sénégal.
A ces huit Etats, s’ajoutent six autres de la Banque des Etats d’Afrique centrale (BEAC) formant la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC): Cameroun, Congo, Gabon, Guinée-équatoriale, République centrafricaine et Tchad.
Cependant, selon Les Echos, les pays africains qui ont en commun le CFA répondent à des dynamiques économiques différentes. Les pays producteurs de matières premières facturées en dollars (café, coton, cacao) souffrent évidemment de la parité actuelle. Les exportateurs de bananes, Cameroun et Côte d’Ivoire traditionnellement, subissent la concurrence, sur les marchés européens, de la « banane dollar » importée d’Amérique centrale ou du Sud. Cela a conduit la Compagnie Fruitière à pousser les feux sur le Ghana, dont la monnaie n’est pas arrimée au CFA.
Certains estiment néanmoins que la hausse de l’euro a permis d’amortir, au cours des dernières années, la flambée de la facture pétrolière pour les pays importateurs d’énergie, notamment en Afrique de l’Ouest.
Certains, dont la Banque Africaine de Développement, avancent que la hausse des cours du brut depuis le début des années 2000 a quasiment effacé tout le bénéfice des annulations de dette dont ont bénéficié les pays les plus pauvres en Afrique. Les conséquences auraient été pires sans la hausse de l’euro.
Inversement, si on isolait le CFA pour les seuls pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), dont la plupart sont des exportateurs pétroliers, une réévaluation pourrait se justifier amplement.
Pour rappel, la parité FCFA/euro, héritée de l’indexation sur le franc français, garantit la convertibilité du CFA dans toutes les monnaies étrangères. La dernière dévaluation du Franc CFA, de 50%, alors qu’elle était rattachée au franc français, remonte à 1994.
Sources : AFP, Les Echos