FASB 157: retour vers le monde de Barbie

Barbie_rainbow Certains lecteurs se souviennent peut-etre de cette réforme de l’an passé intitulée mystérieusement FASB 157, et qui stipulait que dorénavant, on abandonnait le mark-to-model pour revenir au plus traditionnel mark-to-market; voir ici. Ce passage fut particulièrement douloureux pour ce que l’on appelait encore à l’époque les level 3 assets (titres illiquides, par opposition aux level 1 assets, très liquides et très faciles à pricer): depuis, ils ont été rebaptisés troubled assets, voire actifs pourris. Mais, o miracle, voila que la Securities Exchange Commision a décrété qu’il fallait remettre en cause cette réforme et ré-imposer le mark-to-model autant que possible pour éviter que le mark-to-market continue à laminer les actifs polluant le bilan (et le hors-bilan) des banques de par le monde … En gros, ce qu’il faut retenir de la reforme de la réforme, c’est que « le marché se trompe »; c’est-à-dire que l’on est en train de passer du dogme « Mr. market is always right » à l’opposé « Mr. Politician is never wrong« . On appelle ca un retour au dirigisme, et le bon peuple gavé de discours creux sur l’absence de règlementation applaudit des 2 mains, tout convaincu qu’une bande de guignols à cravatte secondés par des spin doctors le traitera infiniment mieux que des banquiers d’affaires.

Alors, pour ce qui en est de la réforme de la FASB 157, je m’en vais reprendre une partie d’une note de Barry Ritholtz, parce que c’est tellement bien expliqué que je ne vois pas l’intéret de l’altérer (à part souligner les passages qui me semblent importants):

« Misinformation, bad dope, and spin seem to be dominating the current discussion on Mark-to-Market accounting. Let’s see if we cannot simplify the arcane complexity of the accounting rules regarding FASB 157. Understand why this is even an issue: Many banks, brokers, and funds chose to invest in certain « financial products » that were difficult to value and were at times thinly traded. If you are looking for the underlying cause of why some arcane accounting rule is an issue, this is it. In my office, we don’t buy our clients beanie babies or Star Wars collectibles or 1964 Ferrari 275GTBs. We purchase stocks and ETFs and bonds and preferreds for them (some clients also own options and commodities). Why? Because we believe — and our clients have insisted upon — the need for instant liquidity. […] While we may have been tempted by potential greater returns that some of these other products offered, we simply could not justify the risk of owning hard to value, thinly traded, hard to sell items. And, we never had to rely on the models of the individuals who created and sold us these products in the first place, to determine an actual price. If ever a product was rife with self-interested conflicts of interest, this one is it. That is one of the key elements of the current situation. A decision was made to bypass the broad, deeply traded traditional markets (Equities, Fixed Income, Commodities and Currency) and instead create new markets for new products. No one should be surprised that the net result was a flawed system of garbage paper, with too little room at the exits in case of emergency. […] Now that the garbage is on the books, no one wants to admit the original error of purchasing this class of assets. Its not just that the trade has gone bad, its the original buying decision was so flawed even if the trades were not such giant losers. Recent actions of corporate titans in the financial sector are essentially an admission that their business model was deeply flawed. […] They of course knew this — so they leveraged up 35X or so, creating the false appearance of more attractive returns. This higher risk, potentially higher return paper was part of that misleading process. Suspending FASB 157 amounts to little more than an attempt to hide this broken business model from investors, regulators and the public. It’s not just getting through the next few quarters that matters; Rather, it’s allowing the market place to appropriately reallocate this capital to where it will serve its investors best. That is what free market capitalism is, including Schumpeter’s creative destruction. If FASB 157 is suspended, I would advise the investing public that owning any financials that failed to disclose their holdings accurately were no longer investments — they were pure speculations, with more in common to spinning a roulette wheel than owning Berkshire Hathaway (BRK) or Apple (AAPL) or Google (GOOG). Indeed, I know of no faster way to end up on the DO NOT OWN list than to hide from your shareholders what is on your books. There are other alternatives for the institutions that now must deal with this discounted, thinly traded hard to value junk paper. They can sell it for whatever price a the market will bear, they can spin it off into a separate holding company, they can write it down to zero and reap the rewards of mark ups in future quarters. But suspending the proper accounting of this paper is the refuge of cowards. It reflects a refusal to admit the original error, it hides the mistake, and it misleads shareholders. I find it to be totally unacceptable solution to the current crisis. As Japan learned, not taking the write downs only delays the day of reckoning ».

Capito ?

(9 commentaires)

  1. Bonne ou mauvaise chose, le débat n’est pas si évident, quand on en voit les effets aujourd’hui. Je pense que la solution est entre les deux. En tout cas, si on en parle peu, c’est pour moi un des éléments clés de la déroute de la situation des financières ces derniers temps, obligées de valoriser à 0 ou presque des actifs peu liquides.
    C’est comme si on vous demandait de valoriser votre maison ou votre appartement au jour le jour : si aucun acheteur ne se présente un jour donné, votre patrimoine vaut 0 ?
    Sur ce, bonne nuit…

  2. je suis entièrement d’accord avec toi, laurent ! j’ai été incroyablement atterré d’entendre René Ricol, président de l’ordre des expert comptables (je crois) ce matin sur BFM qui voulait lui aussi imposer cette réforme !!!! et le commentateur, sans l’once d’un esprit critique abondait dans son sens ! je rêve ! les chiffres sont mauvais, donc changeons le mode de comptabilisation de ceux-ci… ils utilisent trop de drogues ! la réalité est mauvaise, changeons de lunettes, ou prenons un rail de coke, tout ira mieux!!!!!
    c’est exactement ça ! la politisation de la finance ! allons de la transparence à l’obscur le plus complet… Mais lorsque l’on aura des dépôts de bilans par manque de cash, on dira quoi ?

  3. Vincent Benard – Comptabilité des grandes banques américaines : pas fiable ?
    L’une des grandeurs que les investisseurs regardent pour savoir si le bilan d’une banque est solide est le µ, ou ratio des dettes sur capitaux propres.
    Le seul problème avec cette analyse : quelle est sa valeur si le calcul du total de bilan est biaisé par une grossière sur-évaluation des actifs ? Autrement dit, si une banque compte, par exemple, 10% de prêts non performants en valeur dans son bilan, mais qu’elle n’affiche que 1% de dépréciation, ses fonds propres réels sont nettement moindres que ce que son bilan affiche.
    « Pas de danger », direz vous. En effet, si les règles comptables « Mark To Market » ont été suspendues du 15 novembre 2008 au 1er janvier 2010, les règles comptables FASB 157 en vigueur aux USA depuis cette dernière date obligent les banques à déclarer trimestriellement une « fair value », une valeur « justifiée ». Donc, si des prêts non performants se trouvaient en masse dans les bilans bancaires, cela se verrait, non ?
    Sauf que… Bloomberg lève le voile sur une « échappatoire » comptable que nombre de banques auraient mis en oeuvre pour majorer fortement la valeur d’actifs de leurs prêts. La règle comptable 157 stipule que la Fair Value doit s’entendre comme un prix raisonnablement escomptable d’une vente dans des conditions « normales », ce que les anglo-saxons appellent une « exit value ».
    Cependant, certaines banques ont détecté la possibilité, en tirant par les cheveux le texte de la norme, la possibilité de calculer la valeur de leurs prêts en portefeuille légèrement différemment. Au lieu d’une « Exit Value », ils imputent à leurs prêts une « Entry Value », qui prend en compte non pas le prix auquel ils pourraient revendre un prêt, mais le taux auquel un prêt de montant similaire à un emprunteur de caractéristiques similaire pourrait être octroyé. Autrement dit, cette façon de procéder permet d’occulter le fait qu’un prêt lambda soit ou non « performant », puisqu’on lui substitue un « prêt équivalent ». Pire encore, cette « fair value » d’un genre un peu particulier n’est pas directement inscrite dans la partie principale du bilan présenté aux autorités mais dans les « footnotes », les appendices au bilan. L’investisseur doit donc fouiller des lignes écrites en petit dans les pages intérieures pour tenter de connaître la norme utilisée, et encore, en supposant qu’elle soit clairement indiquée.
    La manipulation a été découverte par l’analyste de Bloomberg, Jonathan Weil, en constatant qu’une banque, la banque Wilmington, du Delaware, avait été revendue à une collègue, la M&T bank, pour seulement 46% de sa valeur de marché. Oh Oh, comment cela est il possible ?
    Wilmington avait 8 milliards de prêts octroyés (valeur faciale selon tableau d’amortissement) à son bilan et déclarait joyeusement 40 millions de dollars de pertes sur ces prêts en utilisant la « entry value » fin juin, et moins de 6 millions il y a un an. Peu de choses, en vérité. Oui mais voilà, la banque M&T, qui connait le truc (entre collègues de beuverie…), a demandé une réévaluation des actifs comptables de Wilmington selon l’Exit Value, et a réévalué les pertes à plus de 870 millions, dont 365 d’ores et déjà inscrites au bilan du tout dernier trimestre publié.
    Autrement dit, les créances en portefeuille étaient surévaluées de plus de 10% (870-40=830 millions de pertes cachés sur 8 milliards d’actifs). Or, cette banque avait au total 80% de créances à son actif, soit au total 10 milliards d’actifs déclarés. Autrement dit, son actif était surévalué de 8%. Et donc son passif était surévalué de même…
    Les grandes banques font elles de même ?
    Jonathan Weil a entrepris de vérifier si les 24 grandes banques qui composent l’indice KBW utilisaient, comme définitition de la Fair Value, une « exit value » ou une « entry value ». Et le moins que l’on puisse dire est que le résultat est peu rassurant : Certaines banques, en fait, tentent de ne pas dire clairement quelle valeur elles utilisent. Mais J.Weill estime que CitiGroup et Wells Fargo n’utilisent pas une Exit Value. Les porte paroles de ces firmes interrogés par Bloomberg « se sont refusés à tout commentaire ».
    Bank of America et JP Morgan affirment utiliser une exit value. Mais est-ce exact ? JP Morgan prétend utiliser une exit value mais enregistre… Un gain sur son portefeuille de prêts. Pour sûr, les taux d’intérêt sont au plus bas, donc les « prêts équivalents », avec un taux plus faible, ont une valeur actualisée plus élevée que leur valeur faciale… Selon l’entry value du moins. Bank of America déclare une perte « minime ». La crise du crédit hypothécaire ? Connais pas*…
    Les quelques banques qui pratiquent l’exit Value « carte sur tables » semblent afficher des pertes sur créances comprises entre 5 et 13%, ce qui est compatible avec les 10% de la banque Wilmington, et avec les taux actuellement observés de prêts en retard ou en forclusion. Les déclarations de Bank of America et JPM peuvent donc ne pas inspirer toute la confiance souhaitable*.
    La brutalité de la déclaration de pertes de la banque Wilmington, et sa revente à la moitié de son cours de bourse à une consoeur, semble montrer que dans le cas de cet établissement, les accomodations comptables avaient atteint les limites de l’acceptable : passé un certain niveau de pertes, c’est la trésorerie qui commande.
    Comment donc ? Tout cela pour 8% de surévaluation des actifs ? Eh oui, car lorsque les niveaux de fonds propres sont aussi faibles qu’actuellement, cela peut être dévastateur. Voyons pourquoi.
    Que valent les µ déclarés par les banques ?
    Reprenons l’exemple d’une banque fictive déclarant 100 de capitaux propres et 1000 de dettes pour un total de bilan de 1100, soit un µ déclaré de 10.
    Si son actif comprend 60% de prêts à valeur faciale (soit 660), qu’elle déclare 1% de pertes sur pêts (cas de Wells Fargo) mais que sa perte réelle est de 5% (soit 33 au lieu de 6.6), une perte additionnelle de 26.4 devrait être portée sur ses comptes, et donc ses capitaux propres passeraient à 73.6, toujours pour 1000 de dettes, soit un µ de 13,6. Ennuyeux mais pas encore dramatique.
    Mais si cette banque a 80% de prêts dans son actif (soit 880), et que la perte réelle passe de 0.5% à 10% (cas de Wilmington), alors la dépréciation de son portefeuille atteint 83.6, ses nouveaux fonds propres fondent de 100 à 16.4, et son µ officiel passe de 10 à 61 ! Avec des niveaux de fonds propres aussi bas, une perte apparemment « raisonnable » peut se transformer en bombe comptable.
    Bref, l’incertitude sur la comtpabilisation des prêts à l’actif des banques est maximale, et si les craintes de Jonathan Weil se révèlent fondées, alors les analyses des bilans des banques américaines et de leur µ sont absolument sans valeur. Et si cette « niche comptable » perdure, les normes de Bâle III ne seront qu’une aimable plaisanterie de plus dans les conversations de machine à café du côté de Wall Street.
    Et compte tenu de ce que chaque jour révèle sur les banques depuis le début du foreclosuregate, il n’y a aucune raison de croire que Bloomberg se trompe gravement.
    http://www.objectifeco.com/economie/anticipations-tendances/article/vincent-benard-comptabilite-des-grandes-banques-americaines-pas-fiable
    L’article de Bloomberg :
    http://www.bloomberg.com/news/2010-11-18/mark-to-make-believe-perfumes-rotten-loans-commentary-by-jonathan-weil.html
    Et pour l’Europe ?

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