Novartis pris en flagrant délit par la Grèce ? Alors que le géant pharmaceutique suisse fait l’objet d’une enquête dans la République hellénique depuis l’année dernière, le ministre grec de la Justice a estimé vendredi qu’il avait probablement soudoyé « des milliers » de médecins et fonctionnaires « pour promouvoir ses produits en Grèce ». Chose dont Athènes n’avait vraiment pas besoin, le budget de l’Etat étant pour le moins exsangue, compte-tenu de la grave crise financière à laquelle il doit faire face depuis de nombreux mois déjà.
S’exprimant aux journaliste de l’agence de presse grecque Ana, Stavros Kontonis a indiqué que les comptes-rendus laissent percevoir qu’un grand nombre de fonctionnaires d’Etat sont impliqués. Ajoutant même que « ceux qui ont dû être directement soudoyés depuis la Suisse se comptent par milliers ». Se voulant plus précis, le ministre a déclaré que « des médecins du service de santé publique et des fonctionnaires d’Etat ont été soudoyés pour promouvoir des médicaments de manière illégale et anti-scientifique ».
Ces déclarations voient le jour alors que de nombreuses personnes ont été interrogées dans le cadre de l’enquête. En début d’année, les magistrats anti-corruption ont perquisitionné les locaux de Novartis près d’Athènes. L’affaire a pris une telle ampleur … et les suspicions ont été d’une telle gravité que l’un des responsables du groupe en Grèce qui figurerait parmi les personnes interrogées, a tenté de se suicider à Athènes le jour de l’An.
Vendredi, Stavros Kontonis a également déclaré que Novartis a continué de vendre des médicaments à prix « trop cher » en Grèce, faisant fi de la grave crise économique empêchant de nombreux Grecs d’avoir accès aux soins. En janvier dernier, Novartis a publié un communiqué indiquant « être conscient des articles sur ses pratiques commerciales » en Grèce, et vouloir coopérer avec les autorités. « Novartis est attaché à respecter les critères les plus exigeants en matière d’éthique et de conformité à la réglementation, et prend très au sérieux toutes les allégations de mauvaises pratiques », assure ainsi le groupe.
Novartis est loin d’avoir une attitude exemplaire, puisque en novembre 2015, le groupe a fait l’objet d’une amende de 390 millions de dollars (366 millions d’euros) aux Etats-Unis, pour avoir incité des chaînes de pharmacie à recommander ses médicaments plutôt que d’autres aux patients. En 2014, le groupe suisse avait été dans le collimateur des autorités américaines pour corruption. L’affaire qui aurait dû coûter 3,3 milliards de dollars à Novartis, s’est finalement soldée en 2015 par une amende d’un montant nettement inférieur, Novartis ayant reconnu sa responsabilité. Novartis est habitué aux amendes outre Atlantique. Entre 2006 et 2015, il en a payé pas moins de six à l’échelle fédérale, pour un montant total de 1,1 milliard de dollars.
En mars 2017, Novartis a également payé 25 millions de dollars (22,4 million d’euros) dans le cadre d’une affaire de corruption impliquant cette fois-ci sa filiale chinoise. Depuis le 17 mars, les pharmacies de Corée du Sud ne vendent plus de boîtes d’Exelon. Ce médicament contre la maladie d’Alzheimer est en effet interdit à la vente durant trois mois, avec douze autres produits de Novartis. Les autorités de Séoul ont pris cette décision, en vue de punir le géant suisse de ses agissements. Au début du mois, la firme pharmaceutique a été condamnée à une amende de 175 000 dollars pour avoir incité des médecins à favoriser ses remèdes en échange de pots-de-vin. Une deuxième amende devrait être annoncée dans les semaines à venir.
En guise de défense, Novartis évoque pour sa part des écarts individuels, réfutant vouloir mettre en œuvre une politique systématique de cadeaux aux médecins. Comme le font les autres industries prises la main dans le sac, dans le cadre de telles affaires, le géant pharmaceutique souligne que la corruption faisait partie de la culture commerciale de l’époque et qu’elle était parfaitement tolérée par les autorités.
Mais depuis la crise des subprimes, la méfiance s’est installée, les banques n’étant pas les seules à être suspectées de pratiques douteuses. Selon les données de l’ONG Transparency International, début 2016, une enquête pour corruption sur dix menées par les autorités américaines concernait le secteur pharmaceutique, soit désormais bien plus que le secteur bancaire.
Sources : AFP, AWP, Presse suisse
Elisabeth Studer – 08 avril 2017 – www.leblogfinance.com
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