Colombie : révolte paysanne, avant révolte minière ?

Futurs troubles d’ampleurs à prévoir en Colombie, à moins d’un an des prochaines élections législatives et présidentielles  ?
Plusieurs dizaines de milliers d’agriculteurs et d’éleveurs se sont réunis lundi, dans manifestations, rassemblements et barrages routiers à travers l’ensemble du pays. Leurs revendications : des aides gouvernementales ainsi qu’un meilleur accès à la propriété.

Selon Eberto Diaz, porte-parole de la Table nationale de dialogue agraire, qui coordonne le mouvement, 150.000 à 200.000 paysans participent aux vagues de protestation.  Ajoutant que les camionneurs et les mineurs – lesquels exigent depuis un mois une réglementation de leur travail – devraient les rejoindre dans les prochains jours.

Les agriculteurs souhaitent obtenir l’ouverture de négociations nationales avec le gouvernement en place sur la question agricole.
Le 8 août dernier, les syndicats agricoles avaient présenté au gouvernement une liste de requêtes auxquelles, il n’a pas été répondu si l’on en croit Mr Diaz. Parmi les principales demandes : l’établissement de prix planchers pour certains produits et la baisse des prix des intrants agricoles.  Les petits agriculteurs souhaitent obtenir pour leur part des garanties en matière d’accès à la terre, la constitution de réserves paysannes ainsi que des meilleurs services publics.
Précisons depuis 1994, une loi autorise la création de réserves paysannes pour les communautés indigènes, les descendants d’Africains et les agriculteurs, prévoyant un certain degré d’autonomie et de sécurité.
Mais le texte n’a jamais été mis en application, certains redoutant que la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) puisse par ce biais faire sa loi sur une superficie de quelques millions d’hectares. Les pouvoirs publics ont ainsi manifesté leur méfiance envers ce schéma, ces zones étant perçues comme des espaces enclins à se soumettre à l’influence de la guérilla.

C’est dans un tel contexte que lundi, les Farc ont apporté leur soutien à la journée de protestation, appelant le gouvernement à ne pas criminaliser les mouvements de contestation. Selon les syndicats, les manifestations les plus importantes ont été enregistrées dans le sud, dans les provinces de Putumayo, Nariño, Cauca, Valle del Cauca et Caqueta, considérées comme des fiefs de la guérilla. Des rassemblements ont également eu lieu dans la région de Sucre.

« Nous n’accepterons pas l’anarchie », a prévenu quant à lui le ministre de l’Intérieur Fernando Carrillo. Son ministère indiquant parallèlement que des leaders paysans et indigènes seraient reçus mardi.

A noter que ces mouvements interviennent alors que deux guérilleros colombiens membres des Farc ont été abattus dimanche par les forces de sécurité colombienne. « Un autre chef -front 6 des FARC – et son second ont été abattus par notre force publique. Félicitations, l’ordre est de continuer! », a commenté le président Santos sur son compte Twitter.  Fondées il y a 49 ans à la suite d’une insurrection paysanne, la plus ancienne rébellion d’Amérique latine, compte encore selon les autorités, quelque 8.000 combattants, repliés essentiellement dans les régions rurales.

Précisons également que la  semaine dernière, le président colombien a changé l’état-major du dans sa totalité. Un remaniement qui vient mettre en doute la cohésion des forces armées, alors que le gouvernement est engagé dans un processus de paix avec la guérilla des FARC, les discussions à ce sujet ayant repris le 18 aout à La Havane.

Parmi les « remerciés » figurent le général en chef de l’armée de terre et le directeur de la police, lesquels avaient exprimé leur désaccord avec l’actuel ministre de la Défense, Juan Carlos Pinzon, et la stratégie du gouvernement. La mise en place de discussions de paix avec les FARC semblant créer quelques dissensions au sein de l’armée.  Une partie des officiers mettant en doute le bien-fondé de ces pourparlers, privilégiant au contraire la politique d’absolue fermeté menée jusqu’en 2010 par l’ancien chef de l’Etat Alvaro Uribe, lequel est aujourd’hui tête de file de l’opposition au gouvernement.

Il y a quelques mois, les Farc ont proposé un cessez-le-feu bilatéral, mais  Juan Manuel Santos refuse catégoriquement toute idée d’arrêt des hostilités avant la signature d’un accord global. En mai dernier, les parties s’étaient toutefois mises d’accord sur la réforme agraire, laquelle prévoit de favoriser l’accès à la terre pour les populations tout en promettant de mettre en œuvre un programme de développement afin que soient créées des infrastructures permettant de stimuler la production agricole des petits exploitants. Cette dernière rentre en concurrence avec les grandes exploitations productrices d’huile de palme, souffrant parallèlement de l’appropriation forcée  de millions d’hectares de terre ces vingt dernières années.

Le 9 août dernier, les Forces armées révolutionnaires de Colombie ont proposé des « mesures extraordinaires » pour les régions les plus pauvres du pays, via la mise en place d’un fonds de compensation visant à réduire les inégalité. « Il faut prendre des mesures immédiates pour affronter les problèmes de faim, de pauvreté extrême et de misère des départements de Choco, Cauca, Cordoba, La Guajira et Magdalena », considérés comme les plus pauvres du pays, avait alors affirmé à la presse Rodrigo Granda, un des délégués des FARC. « Dans cet objectif, des ressources provenant d’un fonds de compensation seront affectées pour réduire les inégalités régionales, la pauvreté et la misère », avait ajouté le délégué.

Sources : AFP, RTL, RFI, Le Figaro

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 19 aout 2013

(3 commentaires)

  1. Encore une « démocratie en devenir » et des « élections » dans l’air !!
    Il est bien évident que toute l’Amérique Latine n’a d’avenir que dans un refus des « règles économiques » imposées par le « grand frère du Nord » et non pas dans la résolution partielle du problème que posent les USA, comme ici en Colombie !!
    La déconfiture financière et énergétique promise à la planète par la FED n’a aucun avenir.

  2. Pour préciser: »déconfiture financière et énergétique promise à la planète par la FED ».
    Le premier élément de cette déconfiture est certainement que, de fait, les indices boursiers sont considérablement truqués par les émissions massives de la FED.
    Pour retrouver une crédibilité aux indices et en particulier au CAC 40, il faut revenir à leurs valeurs avant les émissions massives de la Banque Centrale US.
    Que chacun face pour lui même une petite recherche avec sa calculette!! C’est particulièrement instructif.

  3. « les indices boursiers sont considérablement truqués par les émissions massives de la FED. » : tout à fait d’accord

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