Le spectre tenace d’une récession aux USA plombe le cours du pétrole

RecessioncartoonLes cours du baril de brut ont fortement baissé mardi à New-York, perdant près de 2 dollars.

Le secteur américain des services a subi en janvier une contraction d’une ampleur inconnue depuis les attentats du 11 septembre 2001, confirmant les craintes de ceux qui prédisent une récession.

Les raisons de voir apparaître une telle situation s’accumulent désormais, laissant envisager une diminution de la demande énergétique.

Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de « light sweet crude » pour livraison en mars a fini à 88,41 dollars, en retrait de 1,61 dollar par rapport à lundi. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour échéance en mars a cédé 1,65 dollar à 88,82 dollars.

Le marché a été sous pression en raison du faible niveau de l’indice ISM qui laisse transparaître que la situation économique se dégrade, et que par conséquent la demande énergétique devrait diminuer.

En janvier, l’indice ISM mesurant l’activité dans les services a baissé à 41,9%, passant sous la barre des 50% (signe d’une contraction de l’activité) pour la première fois depuis mars 2003. Or, le secteur des services représente plus des quatre cinquièmes de l’activité économique aux Etats-Unis, premier consommateur mondial d’énergie.

Certains analystes estiment même que le niveau de l’indice tend à démontrer que la récession à venir pourrait être que celle de 2001. Ils font ainsi observer que l’activité non manufacturière a subi une contraction de taille comparé au « simple » fléchissement observé en octobre 2001, juste après les attentats du 11 septembre, alors qu’il n’y avait pratiquement plus d’activité aux Etats-Unis.

Pour rappel, l’ascension historique du cours du pétrole le 3 janvier dernier à 100,09 dollars le baril le 3 était due en majeure partie par une explosion de la demande face à une offre de brut peu satisfaisante en terme de volume. Certains experts du marché estiment désormais qu’il sera difficile d’éviter un recul des prix vers une zone de consolidation, qui se situe aux alentours des 80 dollars le baril.

A la veille de la publication du rapport hebdomadaire du département américain à l’Energie (Doe), les marchés pétroliers ont aussi commencé à intégrer une quatrième hausse consécutive des réserves de brut aux Etats-Unis la semaine dernière. Les stocks de brut devraient notamment avoir progressé de 2,2 millions de barils de brut, selon les prévisions des analystes.

Enfin, le redressement du dollar, monnaie dans laquelle sont libellés les prix du pétrole a pu également peser sur les cours. Le billet vert valait environ 1,46 dollar pour un euro mardi contre 1,48 dollar la veille.

Les prix du pétrole ont perdu plus de 11% à New York par rapport à leur record historique.

Si la situation reste ainsi, « l’Opep décidera, lors de sa prochaine réunion le 5 mars, de maintenir inchangée sa production de pétrole », a déclaré pour sa part le Libyen Abdallah el-Badri, secrétaire général du cartel pétrolier, lors d’un point avec la presse à Londres mardi.

L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a décidé vendredi de maintenir inchangée sa production, tout en ajoutant qu’elle pourrait réviser ses quotas lors de sa prochaine réunion ordinaire, qui se tiendra à Vienne début mars. « Le marché est stable, les stocks se situent à des niveaux confortables », il n’est donc pas nécessaire actuellement d’augmenter ou de baisser la production de l’Opep, a insisté M. el-Badri.

S’agissant de la réunion de mars, « il est encore trop tôt » pour savoir ce que le cartel décidera, mais « si la situation reste ainsi, le cartel maintiendra à l’identique sa production », a-t-il ajouté. « Notre principale préoccupation est l’économie américaine », a-t-il précisé. Le cartel pétrolier craint en effet qu’une entrée en récession du principal consommateur d’or noir ne provoque un affaissement de la demande d’hydrocarbures.

Mais selon M. el-Badri, l’Opep se veut optimiste et pense que l’économie américaine devrait connaître « un ralentissement économique plutôt qu’une récession« . « La grande inconnue est de mesurer quel sera l’impact d’un ralentissement américain sur l’économie mondiale, et notamment sur la Chine et l’Europe, » a-t-il néanmoins poursuivi.

La production totale de l’Opep a progressé de 100.000 barils par jour entre décembre et janvier, a affirmé par ailleurs le secrétaire général de l’Organisation, passant de 32 à 32,1 millions de barils par jour.

En réponse à des questions sur les prix élevés du pétrole, le secrétaire général du cartel a rappelé que les revenus des pays exportateurs étaient très érodés par la dépréciation du dollar. « De nombreux pays vendent en dollars mais achètent en euros, une monnaie très forte », a souligné M. el-Badri.

« Quand on regarde les prix, il faut regarder les coûts », a-t-il par ailleurs remarqué, précisant que « les coûts d’exploitation – matériel, matières premières et main d’oeuvre – ont augmenté de 53% en deux ans ».

Intéressant comme remarque, car c’est la première fois ou presque qu’il en est fait état, mais très certainement pas la dernière … Si « même » les pays producteurs de pétrole mettent en avant les coûts de production, c’est que nous sommes bel et bien passés dans une nouvelle ère, assurément.

Interrogé sur l’intégration possible du Brésil ou du Gabon dans l’Organisation, le secrétaire général a affirmé que le cartel n’avait pour l’instant « aucun plan d’élargissement » et n’avait reçu officiellement aucune candidature.

Sources : AFP, Reuters