Depuis quelques temps, un virage a eu lieu dans la programmation de la chaine France 5; elle est désormais devenue une chaine « de connaissances et de culture grand-public et non-élitiste ». Cette note vise a montrer à quel point cet objectif cher à Mme Albanel est abracabrant et susceptible de conduire à des dérives en ce qu’il incite des incompétents à traiter dans la mesure de leurs (faibles) moyens des sujets difficiles voire délicats avec le tact d’un éléphant dans un magazin de porcelaine. Vous l’aurez bien sur compris, je me réfère aux 2 émissions de la chaine ayant traité le « l’affaire SocGen/Kerviel » ce week-end: Revu et corrigé de Paul Amar et Ripostes de Serge Moati. Commencons tout de suite par le pire, à savoir le « direct » de Mr. Amar qui constitue à mon sens une jolie illustration des dérives de « la culture grand-public »: aucun des intervenants de ce plateau n’était compétent en économie ou en spéculation boursière.
L’émission ouvre sur une séquence d’une série TV intitulée Scalp, petit bijou de ringardisme ou l’on voit des simili-golden boys en sueur et dopés aux substances illicites s’agiter dans ce qui ressemble à la « corbeille » honnie par De Gaulle et qui disparut en … 1987! Bien entendu, il est hors de question pour nos intervenants TV d’expliquer ce qu’est un scalping en langage boursier, à savoir une série de trades (une opération achat/vente) très rapide: pour notre docteur Dafoirius-Amar, ceci devient une opération illégale … Pourquoi ? Comment ? L’effet de levier est-il puni par la loi ? (vite, un scalping-act!) Nous n’en saurons pas plus, car il faut « aller vite ». Voici l’immédiateté tant décriée par Alain Finkielkraut dans toute son absurdité: on prétend parler un langage élaboré dont on ne définit pas les mots par souci de précipitation, ce qui conduit tout droit au verbiage le plus creux. Plus avant, nous passons au cas de Mr. Kerviel, dont nous apprenons qu’il est « surement fou du jeu et de ce casino qu’est la Bourse ». Personne ne se fatiguera à expliquer pourquoi son cas et celui de Mr. Leeson n’ont que peu en commun (Leeson est à Singapour dans les années 90, Kerviel à Paris 10 ans plus tard), pas plus qu’aucun « spécialiste » (dont un intervenant de Charlie Hebdo, bonjour la référence!) ne saura nous dire ce qu’est un contrat Future ou une option (qui ne sont pas des inventions modernes, les options furent massivement utilisées par les nordistes pendant la Guerre de Sécession). Synthétiquement, nous avons eu droit à une litanie de lieux communs à la manière du café du commerce agrémenté d’un mépris absolu pour la présomption d’innocence de Mr. Kerviel (en l’absence de preuves apportées par les intervenants) et assaisonnées de pédance ou de clichés éculés pérorés arrogamment …
L’émission de Serge Moati, Ripostes, ouvrait de facon nettement plus sérieuse puisque son conducteur a longuement interrogé son invité pricipal, le ministre Eric Woerth, sur la présomption d’innocence mise à mal par les media publics (et pas seulement eux!) dans le cadre de l’affaire Kerviel. Las, notre ministre nous a expliqué non moins longuement que raison reste à Goliath contre David; les initiés comprendront entre les lignes que moins on en sait sur les péripéties des départements d’investissement des banques francaises aux pays des crédits hypothécaires, mieux c’est! Car il n’en reste pas moins que cette « fraude » (je note que les guillemets sont désormais à l’honneur depuis ce matin, voir ici) ressemble de plus en plus à un habillage de bilan 2007 confié à un jeune universitaire sacrifiable et ayant mal tourné. Les invités du show étaient mieux choisis: Colette Neuville dit des choses plutot pertinentes et Marc Touati a fait un effort appréciable pour laisser de coté son discours sur les taux d’intéret de la BCE qui commence à fatiguer ses auditeurs. Par contre, on peut déplorer que si la première intervention du has-been de service Henri Emmanuelli fit mouche (le budget 2008 est calculé sur des hypothèses irréalistes), la parole fut longtemps monopolisée par Woerth, Peyrelevade et lui-meme dans un affrontement politique des plus stériles … Donc au total, du mieux par rapport à Revu et Corrigé (notamment, Touati explique brièvement ce qu’est une couverture de portefeuille), mais on retrouve cet aspect « grand-public » avec un animateur se plaisant à répéter « je ne sais rien en économie » comme auparavant on se gargarisait à clamer « qu’on était nul en maths »! L’érudition est-elle à ce point haie par cette jet-set médiatique de la chaine de la connaissance ?
Comme toujours, un article interressant.
Je vous lis depuis plusieurs mois et j’apprécie vos analyses.
Merci.
J’apprécie vos articles et vos critiques de l’actualité cependant je pense que les spectateurs ont ce qu’ils désirent avec ce genre d’émission. A part ceux qui sont déjà intéressés et qui connaissent donc déjà les notions, qui veut savoir ce qu’est un Future ? Quand vous regardez une émission sur la hausse des matières premières qui pénalisent les boulangers, avez-vous besoin qu’on vous explique les détails de la fabrication de la baguette ?
Je suis d’accord avec vous. De plus en plus de rigolos (quelques dizaines qui cumulent… dont certains encore plus que d’autres…) interviennent dans tous les domaines des émissions dites d’informations sur toutes les chaînes qui trouvent la des économies conséquentes en faisant bavarder ces gens.
Seulement, dans la très grande majorité des cas, c’est au bénéfice de l’ordre établi, des politicards en place…
Lorsque vous faîtes référence à la guerre de Sécession, vous pourriez aussi expliquer que les Nordistes n’ayant pas les moyens d
@R. L. : vous semblez très bien placé pour le faire vous-même, cet article !
Bravo pour l’explication de l’assassinat de Lincoln ; quelques preuves ?
Article très pertinent.
Rappelons que c’est la masse profane addict à ce genre d’émissions qui met son bulletin dans l’urne, et donc gouverne.
Visiblement, ca s’améliore coté TV: le C dans l’air de ce soir a été nettement plus sérieux, puisque outre Marc Touati (qui par contre nous a refait son discours sur les taux de la BCE, bonsoir la répétition), on comptait un vrai trader sur le plateau et les mots « présomption d’innocence » et « délit d’initié » ont été prononcés.
Comme quoi il ne faut pas désespérer …
Laurent Gosse,
Dans un pays de 64,5 millions d’habitants qui est une des premières puissances économiques mondiales (5ème devant la Grande-Bretagne paraît-il à cause de la baisse de la livre sterling par rapport à l’euro) et qui pourtant ne compte que deux malheureux quotidiens économiques (« La Tribune » et « Les Echos ») il ne faut pas trop en demander.
L’économie en général et par extension la finance en particulier n’intéresse pas grand monde. Est-ce que vous connaissez d’autres pays où il y a si peu de quotidiens économiques? Même des petits pays du Golfe ont nettement plus de journaix.
Le trader invité était Thami Kabbaj, fils de Omar Kabbaj, conseiller du roi du Maroc. Voici son CV:
Agrégé de l’Université en économie et gestion, DESS de finance et magistère Banque Finance de l
Schwab Intelligent Portfolios invests in Schwab ETFs.
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