News Corp., le groupe du magnat de la presse Rupert Murdoch, a lancé une offre non sollicitée sur le groupe d’informations financières Dow Jones en proposant un prix supérieur de 63% au dernier cours de clôture du titre.
Dow Jones, groupe indépendant contrôlé par la famille Bancroft, publie notamment le Wall Street Journal, l’un des plus prestigieux quotidiens américains, ainsi que le fil d’informations financières Dow Jones et les indices boursiers Dow Jones.
Cette offre a fait s’envoler l’action Dow Jones de plus de 50 %.
News Corp. annonce avoir soumis à Dow Jones & Co, l’éditeur du Wall Street Journal, une offre de rachat non sollicitée d’environ cinq milliards de dollars, qui pourrait permettre au magnat Rupert Murdoch de prendre une position de premier plan sur le marché de l’information financière.
News Corp. propose 60 dollars par action, soit 5 milliards de dollars au total, alors que l’action avait terminé la veille à 36,67 dollars. C’est donc une prime de 23,33 dollars par action, soit 2 milliards de dollars supplémentaires par rapport à la valeur boursière du groupe Dow Jones lundi. L’offre de News Corp. représente pour Dow Jones une valeur d’entreprise de 15 fois le bénéfice avant impôt, charges financières, dépréciation et amortissement (Ebitda) estimé pour 2007, une valorisation bien supérieure à la moyenne des éditeurs de presse écrite, qui avoisine huit à 10 fois l’Ebitda.
Le groupe a précisé que la famille Bancroft, qui contrôle environ 62% des droits de vote, ainsi que son conseil d’administration « sont en train d’évaluer cette proposition » mais qu’il « n’y a aucune assurance que cette évaluation débouchera sur une transaction ». News Corp. a assuré pour a part que son offre était « amicale ».
L’action Dow Jones gagnait près de 60% en fin de séance à 57,82 dollars, tandis que celle de News Corp. cédait 3,4% à 23,18.
Le rachat de Dow Jones pourrait permettre à Murdoch d’améliorer son image de diffuseur d’information financière avant le lancement, prévu au quatrième trimestre, d’une chaîne câblée spécialisée dans ce domaine. News Corp. espère ainsi réitérer le succès de Fox News, sa chaîne d’information généraliste, qui reste en tête de l’audience sur le câble. Selon les analystes, cela lui apporterait instantanément de la crédibilité, des contenus et une marque.
Un rachat de Dow Jones entamerait aussi la position de leader de CNBC, propriété de General Electric, parmi les chaînes câblées d’information financière, a noté Harry Haverty, gérant associé de Gamco et actionnaire de News Corp. « CNBC dépend très fortement du Wall Street Journal », a-t-il expliqué.
Le groupe Bloomberg, qui possède lui aussi une chaîne d’information financière, a assuré que les spéculations évoquant la possibilité qu’il présente une contre-offre sur Dow Jones étaient infondées. CNBC, qui a la première fait état de l’offre mardi, a expliqué que d’autres offres pourraient émaner d’investisseurs comme Bloomberg. Judith Czelusniak a déclaré dans un courrier électronique que cette spéculation était dénuée de tout fondement.
Le Wall Street Journal s’est quant à lui aussitôt inquiété d’un rachat par M. Murdoch, dont l’empire de médias publie de nombreux tabloïds populaires en Grande-Bretagne et en Australie, et possède aux Etats-Unis les chaînes de télévision Fox, les studios de cinéma 20th Century Fox, ainsi que le site internet MySpace.
Outre le bouquet satellite BSkyB, qui compte plus de 8 millions d’abonnés, le magnat australien contrôle quatre grands journaux au Royaume-Uni: le quotidien The Times, le tabloïd The Sun, ainsi que leurs éditions dominicales, le Sunday Times et News of the World. Leur diffusion totale dépasse les 8 millions d’exemplaires par jour et représente 31,5% du lectorat de la presse quotidienne nationale.
Dans un article publié sur son site mardi, le Wall Street Journal écrivait que « la simple possibilité que Rupert Murdoch prenne le contrôle du Wall Street Journal déclenchera presque certainement un feu roulant de controverses. »
« Les critiques verront dans son acquisition potentielle de l’un des plus influents journaux américains une extension inacceptable de son poids médiatique déjà formidable », poursuit le WSJ.
L »entrée récente de Rupert Murdoch dans le capital d’une télévision du réseau hertzien est néfaste pour la pluralité des sources d’information au Royaume-Uni, a estimé pour sa part vendredi le régulateur des télécommunications. L’Ofcom a jugé que la participation de 17,9% du capital d’ITV acquise à l’automne par le bouquet satellite BSkyB, contrôlé par News Corp, la holding de Rupert Murdoch, posait « des problèmes d’intérêt public » quant à la pluralité des sources d’information dans le pays. Le ministère du Commerce et de l’Industrie avait demandé en mars à l’Ofcom de se pencher sur le dossier. Il doit rendre son jugement définitif dans cette affaire avant le 26 mai.
BSkyB, connu dans le monde entier à travers sa chaîne d’information en continu Sky News, est détenu à 39% par News Corp, la holding de Rupert Murdoch, et est dirigé par son fils cadet, James.
L’affaire a pris une tournure politique, dans la mesure où une décision du gouvernement défavorable à BSkyB pourrait avoir raison du soutien apporté par Rupert Murdoch depuis dix ans au parti travailliste au pouvoir, selon des experts.
Par ailleurs, selon le Wall Street Journal, l’offre de M. Murdoch « pourrait déclencher une bataille d’offres pour Dow Jones, l’une des plus anciens groupes de presse américain, avec des candidats comme le Washington Post, le New York Times ou l’agence financière Bloomberg ».
Selon la chaîne CNBC, les propriétaires de Dow Jones étaient depuis longtemps lassés du bas prix de l’action et souhaiteraient atteindre un cours de plus de 70 dollars.
Cette offre intervient alors que les journaux américains sont actuellement en déclin, perdant des lecteurs et des annonceurs au profit des sites internet, ce qui attire des chasseurs de bonnes affaires.
En mars 2006, l’agence financière Knight Ridder a été rachetée par son concurrent McClatchy pour 6,5 milliards. Le 2 avril dernier, le groupe Tribune, qui publie de nombreux grands journaux américains comme le Los Angeles Times et le Chicago Tribune, a accepté d’être racheté par le magnat immobilier Sam Zell pour 13 milliards de dollars, après avoir reçu les avances de nombreux investisseurs.
Source : AFP, Reuters
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