Sur l »immobilier au Japon des années 80 et 90.
A la fin des années 70 et au début des années 80, les Japonais avaient une confiance inébranlable en leur modèle de société et en leur politique économique, extrêmement dirigiste, qu’ils jugeaient plus organisées et plus stables que les modèles occidentaux. Les Etats-Unis et l’Europe traversaient à l’époque une grave crise économique liée au choc pétrolier et à la faillite de l’Etat providence. De plus, le cours du yen était notoirement sous-évalué.
Tout le monde pensait à l’époque que le Japon allait devenir la première puissance économique mondiale, la mode était à l’apprentissage du Japonais. Vous vous souvenez de films comme « Soleil Levant », avec Sean Connery ?
Au milieu des années 80, le cours des actions à la bourse de Tokyo était largement surévalué car d’une part, les investisseurs étrangers considéraient que le yen devait s’apprécier un jour ou l’autre, et d’autre part, les salariés Japonais y investissaient massivement leurs économies, sous l’impulsion de quelques grands courtiers locaux étroitement liés au ministère japonais de l’économie.
Le foncier étant rare au Japon, les analystes locaux ont fini par intégrer aux actifs des entreprises la valeur de leurs biens fonciers et immobiliers, créant un cercle vicieux : le cours des actions montait à mesure que les actifs fonciers et immobiliers des entreprises prenaient de la valeur. Cela permettait aux entreprises, au travers d’augmentations de capital, d’investir dans le foncier et l’immobilier, ce qui conduisait à l’augmentation de leur valorisation boursière. La rentabilité des entreprises a naturellement décliné jusqu’à arriver proche de zéro.
Des actifs étaient vendus à l’étranger, qui combinaient obligations et actions. Espérant la réévaluation du yen, les investisseurs y souscrivaient massivement. Les liquidités affluant au Japon ont permis des surinvestissements délirants en capacités de production.
Les banques prêtaient massivement aux investisseurs locaux, au prorata de la valeur du portefeuille détenu, créant un effet de levier qui amplifiait la spéculation : les actions montaient car ceux qui en détenaient empruntaient pour en acheter toujours plus.
Après les crises boursières de la fin des années 80, la réévaluation du yen, et le retrait des investisseurs étrangers, l’afflux de liquidités s’est détourné de la bourse vers les tableaux et l’immobilier : les deux actifs n’existent qu’en quantité limitée, les investisseurs pensaient donc que leur valeur ne pouvait qu’augmenter à mesure des achats. Là encore, les banques ont largement prêté au prorata de la quantité d’actifs détenus.
La mafia et les hommes politiques japonais ont largement profité du système, ce qui a empêché le gouvernement japonais de prendre des mesures visant à réduire la spéculation. Le système était clairement de type pyramidal, il a fini par s’effondrer, au milieu des années 90. L’immobilier a baissé de manière continue, le cours des oeuvres d’art également, les banques se sont retrouvées avec des créances douteuses à ne plus savoir qu’en faire sur les bras, et les surinvestissements en capacité de production des entreprises ont plombé les entreprises japonaises pendant des années.
Le système a mis quinze ans à se purger, au travers d’une déflation continue.
Le bouquin de Chancellor, « Devil Take the Hindmost », raconte en détail l’histoire de ces quinze ans de spéculation.
Deago »
Japon : reprise immobilière, étouffée dans l’oeuf pour cause de démographie