Dans le cadre d’un tour d’horizon de l’actualité aurifère mondiale, revenons aujourd’hui sur la situation de quelques compagnies occidentales travaillant sur des gisements bien éloignés de leur pays d’origine. Et des problèmes de relations qui se posent entre nombre d’Etats émergents, dans notre article du jour l’Indonésie et la Mongolie, et les compagnies exploitantes, qui ici sont nord-américaines.
Retour sur deux évènements récents, peut-être symptomatiques d’une reprise en main – progressive, très progressive – par les pays producteurs de leurs richesses naturelles.
Nous poursuivrons demain cette thématique en faisant le point sur le cas du Zimbabwe, qui a fait parler de lui à ce sujet ces dernières semaines.
Photo : manifestation d’étudiants hier dimanche à Jakarta ; partie du cortège opposée à Freeport McMoran.
Indonésie : la situation des minières américaines ne cesse d’empirer
Nous avons déjà évoqué dans ces colonnes l’agitation grandissante de mouvements indonésiens, avec le soutien d’une partie de la classe politique, contre la répartition des profits que les compagnies minières étrangères réalisent sur son sol. Notamment avec Freeport McMoran, le bras de fer qui entourait sa mine géante de Grasberg et des manifestations qui avaient fait plusieurs morts le 16 mars dernier dans la capitale de l’Irian Jaya, province orientale de l’Indonésie.
Nous avions également relevé que, lorsque le mineur américain Newmont Mining avait publié ses résultats 2005, il avait dû provisionner 18 millions de dollars au T4 2005 « au titre de l’indemnisation de l’Etat indonésien pour les nuisances de sa mine locale de Bati Hinjau, près Buyat Bay. Il s’agit du prix de la transaction évitant un procès pour pollution », écrivions-nous le premier mars dernier. Ces 18 millions représentaient une partie des 85 millions de charges qui avaient causé la chute de 67% du bénéfice net de Newmont au T4, à 62 millions de dollars.
Eh bien les choses ne s’arrangent pas : dimanche 19 mars au matin, selon le porte-parole local de Newmont Kasan Mulyono interrogé par l’Australian Broadcast Corp. (ABC), des centaines de personnes ont déferlé et mis à sac un site de Newmont sis sur une des îles de la Sonde, l’île de Sumbawa (voir la carte, cliquez dessus pour l’agrandir). Le site en question est situé à 60 kilomètres à l’Est de la mine de Bati Hinjau pré-citée. Avertie la veille, Newmont avait évacué ses 135 salariés avant l’arrivée des protestataires. Le camp a été détruit « à 80% », selon une reconnaissance par hélicoptère effectuée par Mulyono. Le porte-parole déclare également qu’il n’a aucune idée des intentions et de l’identité des protestataires.
Selon le journal local Koran Tempo, 500 personnes seraient impliquées. La police a arrêté 3 personnes, selon le journal. Ce conflit n’est pas récent : la semaine passée déjà, des barrages sur la route menant à la mine avaient été érigés. Les Indonésiens vivant autour de la mine demandaient des compensations ainsi qu’une association aux travaux d’exploration de la mine. Selon The Australian, « les manifestants demandent que la compagnie mette de l’argent dans un fonds de développement communautaire ». En rapportant que dans la province d’Irian Jaya, Freeport McMoran « donne 1% de ses profits à un fonds contrôlé par les tribus locales ».
Ce nouveau mouvement de violence contre les compagnies minières étrangères s’inscrit visiblement sur une pente ascendante : même s’il n’y a pas eu de morts cette fois-ci, les manifestations contre les conditions d’exploitation et le partage des résultats avec les populations locales fait débat dans toute l’Indonésie. Que ce soit en Irian Jaya, dans les îles de la Sonde et toujours à Jakarta, la capitale indonésienne.
Et un conflit entre Jakarta ( via Pertamina) et ExxonMobil !
Jakarta, ville qui a connu ce week-end des manifestations contre le choix de la major pétrolière américaine Exxon Mobil comme opérateur d’un champ gazier et pétrolier de Cepu, propriété conjointe d’Exxon et de la compagnie pétrolière d’Etat Pertamina, selon BBC News.
Selon le média australien ABC, le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono a remplacé le 8 mars dernier le président et CEO de Pertamina, Widya Purnama. Il a été remplacé par le directeur des ventes et du marketing, Ari Soemarno. La raison de cette redistribution des cartes ? Purnama voulait que Pertamina l’indonésienne soit l’opérateur du champ de Cepu, une des plus importantes découvertes d’hydrocarbures du pays de ces dernières années qui devrait produire 170.000 barils par jour. Purnama était également en butte avec des affaires de corruption, et est présenté comme le point de blocage des négociations avec Exxon.
Pertamina avait proposé que les deux compagnies soient tour à tour opérateurs du champ, ce qu’Exxon comme Jakarta ont refusé. L’américaine ExxonMobil veut opérer seule le champ, et elle a donc obtenu gain de cause dans la première manche qui l’oppose à Jakarta.
Pour l’instant du moins, car le gouvernement cherche actuellement à ce que les deux compagnies soient co-opérateurs du champ de Cepu, ce qu’ExxonMobil refuse également. Un peu de pression de la rue ne peut fondamentalement lui déplaire… Car le gouvernement actuel se montre sensiblement plus soucieux de ses intérêts, du moins financiers, que les militaires du régime de Suharto, qui a pris fin en 1998.
Freeport McMoran, Newmont, ExxonMobil… Fidèle allié du bloc des Etats-Unis pendant toute la guerre froide – au prix de répressions sanglantes -, cette sorte de Turquie asiatique qu’est la fédération indonésienne serait-elle sur le point de réviser sa manière de gérer ses intérêts ? Par exemple en faisant en sorte que l’industrie minière, par nature d’autant plus rentable qu’elle supporte peu de coûts (main d’oeuvre, dépollution…), profite davantage aux populations environnantes. A suivre…
En Mongolie, le groupe aurifère Ivanhoe en butte à des contestataires
Selon le site Mongolia Web en date de ce matin, le mouvement mongol « Réforme résolue » (« Resolute Reform ») a fait part de son intention de porter en justice un accord conclu entre l’Etat dont la capitale est Ulan Bator et la compagnie minière basée à Vancouver, Ivanhoe Mines. Qui est Ivanhoe ? Une compagnie minière dont le principal actif est le « projet d’Oyu Tolgoi« , ou Turquoise Hill, un terrain aurifère de 130.000 kilomètres carrés, situé en Mongolie non loin de la frontière chinoise. En outre, Ivanhoe possède 50% des parts d’un actif minier situé au Myanmar, pays plus connu sous son ancien nom officiel de Birmanie.
Selon Mongolia Web, « Resolute Reform » a l’intention de traîner devant les tribunaux locaux l' »accord de stabilité » entre Ulan Bator et Ivanhoe sur le projet d’Oyu Tolgoi. Cet accord porte sur les conditions d’exercice de la compagnie dans un territoire étranger : il comporte donc toutes sortes de dispositions pratiques. Carte : les projets cupro-aurifères d’Ivanhoe en Mongolie, et les grands axes du transit des minerais vers la Chine. Source : Ivanhoe.
« Réforme résolue » dit ne pas être opposé à l’accord de stabilité en tant que tel, mais à la manière de faire. Mais il se trouve que la loi mongole sur la gestion des ressources naturelles est en cours de refonte en Mongolie, et que la nouvelle loi sera probablement plus équilibrée quant au partage des fruits des gisements entre la compagnie exploitante et l’Etat.
« Réforme résolue » a indiqué que « elle va poursuivre M. Enkhbold [le Premier ministre, NDLR] devant le département de la Police criminelle, puisqu’il a ordonné à ses vice-ministres de finaliser l’accord urgemment ». Autant dire juste avant que la loi ne change, ce qui selon le mouvement revient à méconnaître les intérêts du peuple de Mongolie.
Soutenant « Réforme résolue », G. Arslan, qui est partie indique à Mongolia Web que « sous le régime de la loi actuelle, les investissements étrangers sont exempts de charges fiscales les 5 premières années, et ne sont redevables que de la moitié du taux normal d’imposition les 5 années suivantes ». G. Arslan prend l’exemple de la mine d’or de Boroo, située au Nord du pays (voire la précédente carte). Selon le Globe & Mail, cette mine est la propriété d’une autre compagnie canadienne Centerra Gold, basée à Toronto.
Citons un article datant du 5 août 2005 sur le sujet, écrit par Geoffrey York, bien connu d’Ivanhoe… « (…) La mine d’or de Boroo [est] un chef d’ oeuvre d’opération minière qui produit presque 10% du produit intérieur brut de la Mongolie ». Il indique que l’investissement étranger de Centerra est le plus important jamais réalisé dans le secteur industriel du pays depuis 1979. Autant dire qu’il s’agit en Mongolie d’un actif déterminant.
Eh bien selon G. Arslan, l’accord entre Centerra Gold et le gouvernement d’Ulan Bator a été conclu pour une durée de quinze ans. Pendant les cinq premières années, selon lui, la mine a exporté 43 tonnes d’or par an. « Tax free ». Or selon le site internet d’Ivanhoe, le site Oyu Tolgoi devrait permettre de produire annuellement 1 milliard d’onces de cuivre (environ 30.000 tonnes/an) et 330.000 onces d’or (10,2 tonnes/an) pendant 35 ans environ. Le tout suivant une exploitation à ciel ouvert (« open pit »), avec des coûts relativement faibles. Photo : « carrotage » d’essai destiné à sonder la richesse du gisement d’Oyu Tolgoi, ou « Turquoise Hill ». Source : Ivanhoe.
Selon les calculs de G. Arslan, l’exploitation de la mine d’Oyu Tolgoi d’Ivanhoe sous le régime de l’ancienne loi minière ne permettrait à la Mongolie que de récupérer 2,5% de la valeur de la production totale de la mine pendant toute la durée de sa vie. Ce chiffre est difficile à vérifier, et n’est pas contrebalancé par une estimation de ce que le projet de loi permettrait d’atteindre. Mais il donne cependant un ordre de grandeur des plus parlants.
Rapports conflictuels avec les médias ? Pour la petite histoire, Ivanhoe s’est fendu le 13 mars dernier d’un communiqué de presse « furibard » contre le journal que nous avons cité, le Globe & Mail, tout spécialement contre son reporter Geoffrey York et un de ses derniers articles sur le sujet, « For Ivanhoe, new questions in Mongolia« . Dans cet article, le journal évoquait les nouveaux hommes politiques de Mongolie et leurs intentions en matière de ressources minérales.
Selon le journal canadien, la Mongolie pourrait reprendre des participations majoritaires dans les grands gisements du pays, après les privatisations à la va-vite qui ont suivi la fin de l’empire soviétique. Ivanhoe se défend avec véhémence et estime que son projet d’Oyu Tolgoi n’est pas menacé par les nouvelles lois en cours de préparation, puisque l’accord de stabilité du site serait sur le point d’être validé.
En même temps, selon le quotidien mongol en langue anglaise Ulan Bator Post (UB Post), les choses ne semblent pas si claires : en dépit de l’intervention du Premier ministre pré-citée, selon un article du 16 mars, l’accord de stabilité n’est toujours pas signé. « Interrogé sur l’imminence de la signature de l’accord de stabilité avec Ivanhoe Mines, le ministre [Jargalsaikhan, ministre de l’Industrie et Finances ; cf. photo], il a déclaré que le moment n’est pas approprié pour conclure le pacte ». En début d’article, il déclarait que « la mine de Boroo est largement bénéficiaire d’un vide juridique de la loi sur l’imposition des sociétés de Mongolie. Ce trou ne profite pas seulement à Boroo ; de nombreuses compagnies sont dans le même cas, et cela a peut-être contribué à faire venir tant d’investissements miniers en Mongolie ». Peut-on être plus clair ?
C’est ce même ministre qui avait déclaré voici trois semaines que l’Etat devait conserver ou acquérir la majorité absolue des parts dans les exploitations minières mongoles. Celle d’Ivanhoe était nommément citée.
Difficile de ne pas voir le poids des accointances politiques dans les projets miniers, notamment aurifères, à l’étranger. Et que dans nombre de cas, s’assurer les services d’un interlocuteur dévoué permet de maximiser le retour sur investissement…
Demain, nous tenterons d’y voir plus clair sur un sujet du même tonneau, tout aussi récent : la tentative de reprise en main des ressources minières du Zimbabwe par son président-dictateur Robert Mugabe. Un pays très bien doté en platine, notamment.
je vois que les pays « ENFIN » commencent à comprendre que leurs richesses leurs appartiennent
C’est un bon avancement pour ces pays qui sont la plus part trés corrompus par ces sociétés internationales qui les volent
Quel travail !!!
merci Emmanuel de nous en faire partager.
Voilà qui permet d’espérer une Indonésie de plus en plus maître de ses richesses, et espérons le aussi le début d’une longue série de lutte contre l’intolérable dictature des marchés des compagnies étrangères, responsables de la corruption et notemment de la destruction des forêts Indonésiennes.
Vive l’Indonésie.
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