Sa très gracieuse majesté, qui est à la tête de l’un des plus beaux patrimoines immobiliers du monde, sera certainement très peinée de découvrir – en même temps que nous – la face cachée de l’hideuse bulle immobilière.
Une étude faite par Shelter sur les enfants et le logement nous fait découvrir une situation honteuse dans l’un des pays du G7, qui est si fier de son dynamisme économique et de ses golden boys.
En France, un million d’enfants vivraient sous le seuil de la pauvreté et souffriraient de la faim ou de malnutrition, souvenez-vous de cette enquête, n’oubliez pas cette enquête suis-je tentée de dire, tandis qu’au Royaume-Uni, selon Shelter c’est plus d’un million de charmantes têtes blondes qui seraient purement et simplement privées d’un logement décent ou d’un toit tout court, « sans domicile fixe, contraints avec leurs familles à passer de foyers en foyers ou à s’entasser dans des logements insalubres ».
L’association caritative Shelter (Abri) a été créée il y a 40 ans tout juste (le 15 février 1966) suite à la diffusion de « Cathy Come Home » (Cathy rentre à la maison), un documentaire choc de Ken Loach sur les Anglais sans logement fixe.
Shelter a célébré cet anniversaire avec une nouvelle étude qui dresse un portrait très cru de la situation de l’immobilier britannique. « Depuis 1960, le prix du pain a été multiplié par six, mais une maison est 60 fois plus chère », souligne Adam Sampson, président de Shelter.
« J’ai 13 ans, et je suis passé par 10 maisons, environ 6 à 7 +bed and breakfast+ et environ 5 foyers », explique ainsi un jeune Ecossais de Glasgow cité dans le rapport de Shelter: « En tout, j’ai déménagé 21 fois ». Le principal accusé : le manque cuisant de logement sociaux et une baisse inadmissible de 87% de la construction d’habitation à loyers modérés ces 30 dernières années, et de l’autre la vente de plus de 2 millions de logements sociaux en 20 ans. L’Etat anglais s’est désinvesti, totalement, de l’aide au logement des plus démunis.
Les conséquences sont affligeantes : des centaines de milliers de familles incapables d’accéder à la propriété vivent « dans des conditions qui ont plus à voir avec Dickens qu’avec une nation moderne et dynamique », accuse Shelter. Ainsi, « plus d’un million de foyers vivent dans des conditions insalubres », et plus de 500.000 familles « vivent officiellement dans des logements surpeuplés ».
Selon les estimations de l’ONG londonienne, quelque « 268.000 enfants sont ainsi contraints, faute de place, de partager la chambre de leurs parents ». Et ils sont « près de 100.000 à dormir dans une pièce qui n’est pas une chambre ». Pour Adam Sampson, c’est en fait « toute une partie de la population qui est sacrifiée ». Selon Shelter, « les enfants menacés de rater leur parcours scolaire en raison de leurs conditions de logement pourraient remplir 33.000 salles de classe ».
Quant au risque sanitaire direct vécu par les enfants SDF ou mal logés, « il est de la même ampleur que le risque dû au tabac et supérieur au danger de l’alcool », estimait l’association des médecins généralistes britanniques en 2003. 40 ans après, le film de Ken Loach est toujours d’actualité. « Aujourd’hui », regrette Adam Sampson, « Cathy a encore moins de chance qu’à l’époque de retrouver une maison ». Les enfants mal logés soufrent de nombreuses pathologies.
Et que pense de tout cela le très riche Harry Potter, qui est à l’abri du besoin grâce au magot déposé chez Gringott’s ? Il s’adresse plutôt aux bambins qui jouent à Harry Potter 1, 2 ou 3 dans leur chambre, c’est vrai. Et que fait J.K. Rowling, mère de trois enfants et la femme la plus riche d’Angleterre, et qui n’a pas de patrimoine à entretenir comme la reine Elisabeth II ?
Est-ce qu’une partie de la manne Harry Potter, qu’un marketing efficace nous soutire encore et encore, ne pourrait pas être réinjecté dans la construction de logements sociaux en Angleterre et ailleurs en Europe ? Un pourcentage des milliards pourrait atterrir directement dans les poches trouées des enfants moins fortunés plutôt que de s’évanouir comme le Hogward express dans la nébuleuse Warner Bross ?
Comment refuser à nos bambins le DVD, le jeu, le livre, les cassettes, le château, le costume, la baguette, les cartes, les potions, le balai, la cape magique de Harry Potter, ou encore les coûteux les legos, sans parler du choixpeau magique, des décors de Hogwart’s ou des accessoires de tous les autres personnages. Vous je ne sais pas, mais moi, j’ai le sentiment d’avoir payé une semaine de ski ou un cour annuel de golf à l’auteur et d’avoir contribué au florissant chiffre d’affaire de l’empire commercial Harry Potter & co. Et encore, je n’ai qu’un fiston. Je n’imagine pas le budget Harry Potter d’une famille nombreuse.
Si Harry Potter parvenait d’un coup de sa baguette magique et milliardaire effacer la vilaine cicatrice qui défigure la prospère mais égoïste ou mal organisée Angleterre en lançant un fond de financement pour les petits SDF britanniques, il mériterait à coup sûr son appellation de magicien. Parce qu’un million d’enfants à la rue ou dans des squats, c’est inacceptable, d’autant plus qu’on nous urge à faire des enfants, dont l’Europe aurait tant besoin. Elle ne se soucie même pas de ceux qui attendent des jours meilleurs.