Alors que le second séminaire de l’année 2012 de l’Institut Africain de Développement Economique et de Planification (Idep) débute mardi à son siège à Dakar, se pose de manière toujours aussi cruciale la question d’une éventuelle dévaluation du franc CFA.
Sujet qui fera l’objet d’une réflexion dudit Institut tout au long du séminaire.
Le débat sur une éventuelle dévaluation du franc Cfa se pose en effet de manière de plus en plus prégnante, à la « faveur » des crises économiques et monétaires, et tout particulièrement de celle qui frappe la zone euro.
En vue d’apporter un éclairage sur le sujet, l’Idep a convoqué la réflexion autour de l’instabilité financière internationale et le franc CFA.
« Le franc CFA court le risque d’une nouvelle dévaluation si l’euro (la monnaie ancre) devait durablement rester à son niveau actuel, d’autant qu’aucune disposition ne permet jusque-là aux pays de la zone franc africaine d’influer sur le cours de leur monnaie en fonction des performances de leurs économies. Le problème de la souveraineté monétaire des pays de la zone franc pourrait donc, dans un proche avenir, se poser concomitamment à celui de la compétitivité de leurs économies ». C’est en ces termes que l’Institut a tenu à lancer le débat.
Le Professeur Albert Ondo Ossa, ancien Ministre de la Recherche Scientifique et du Développement du Gabon, rappelle quant à lui que « dans les pays en développement plus spécifiquement, l’instabilité économique et politique, ainsi que la fragilité des systèmes bancaire et financier accroissent le risque d’y investir».
S’agissant précisément des pays membres de la zone franc africaine, Albert Ondo Ossa affirme également que « la hausse de l’euro sur le marché des changes et particulièrement par rapport au dollar est susceptible d’influer grandement sur la situation économique de chaque pays membre ».
« On relève que, depuis 2004, la valeur de la monnaie européenne n’a cessé d’augmenter face au dollar. Or, les pays de la zone franc africaine importent principalement d’Europe et exportent en Europe » précise-t-il par ailleurs.
« La hausse de la monnaie européenne par rapport au dollar (principale monnaie de libellé de leurs exportations) affecte donc nécessairement leurs économies, en raison de la parité fixe entre l’euro et le franc CFA » tient-il par ailleurs à ajouter.
Selon lui, l’arrimage à une monnaie forte ne semble pas favoriser le développement, prenant comme exemple l’Argentine où le peso, lié au dollar américain jusqu’à la fin des années 90, n’a pas permis de booster l’économie nationale.
L’ancien ministre précise par ailleurs que « la forte valeur de l’euro ne permet pas d’améliorer la situation financière des pays de la zone franc qui, la plupart du temps, élaborent leurs budgets sur la base des prévisions de recettes ».
« Dans ces conditions, l’exécution du budget devient un exercice périlleux face à la volatilité du cours de l’euro » prévient-il enfin.
Ajoutant que « les pays de la zone franc connaissent un endettement chronique qui obère les marges de manœuvre des politiques budgétaires et donc du financement de la croissance par l’Etat, en ce sens que l’arrimage de leur monnaie à un euro fort les prive des ressources financières nécessaires pour le remboursement de la dette ».
Selon lui, ces contrées sont soumises à ce que B. EICHENGREEN et R. HAUSMANN qualifient de « péché originel », autrement dit leur incapacité à emprunter dans leur propre monnaie ».
Rappelons par ailleurs,qu’en décembre dernier, de nombreux économistes et financiers africains avaient émis l’idée d’une possible dévaluation du franc CFA, des rumeurs à ce sujet allant bon train.
Néanmoins, dans un entretien paru, dans l’hebdomadaire sénégalais Nouvel Horizon, la directrice nationale au Sénégal de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), Fatimatou Zahra Diop, avait souhaité donné quelques arguments plaidant contre l’éventualité d’une dévaluation du franc Cfa. « Sous ces considérations, je le répète, aucun élément sur le plan macro-économique ne milite pour une dévaluation du F Cfa », avait-t-elle indiqué.
Ses arguments ? la financière rappelle que « la situation actuelle des pays de l’Uemoa reste marquée par une hausse de la croissance qui est passée de 2,9 % en 2006 à 4,3 % en 2010 dans un contexte de maîtrise du taux d’inflation limité à 1,4 % en 2010 ».
Elle note également que les réserves de change de la Bceao se situent à un niveau satisfaisant, assurant selon elle un taux de couverture de la monnaie largement au-dessus de la norme de 20 % requise.
« S’agissant de la balance des paiements des pays de l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest africaine), à l’exception de l’année 2008 fortement affectée par les crises énergétique et alimentaire mondiales, le solde global est resté excédentaire durant les cinq dernières années, passant de 129,2 milliards en 2005 à 674,1 milliards en 2011 », précisait-t-elle également.
Certes, avait-elle reconnu « le contexte international marqué par une crise financière grave touchant tous les grands pays suscite des interrogations, compte tenu des difficultés de l’euro et de ses conséquences sur le franc Cfa ».
« Nous voudrions, à cet égard, indiquer qu’il n’a jamais été question, depuis janvier 1994, date de fixation du taux de change actuel, d’envisager une modification de la parité du franc Cfa vis-à-vis de l’euro », avait-t-elle martelé. « Dans un contexte de mondialisation, a-t-elle ajouté, lorsqu’un pays ou une Zone dispose d’une monnaie convertible, arrimée à une autre monnaie selon une parité fixe, les variations sur le marché du cours de cette dernière ont des impacts divers, tant en termes d’avantages que d’inconvénients » avait-t-elle ajouté.
« Le choix éventuel de l’indexation du franc Cfa à un panier de monnaies comme l’arrimage actuel à l’euro, présente des avantages et des inconvénients », avait-t-elle estimé, relevant que « la seule compétitivité durable est celle acquise à travers des efforts internes d’amélioration de la disponibilité des facteurs de production et de leur accessibilité ».
Selon, Sanou Mbaye, ancien cadre à la Banque africaine de développement et économiste sénégalais, le « Fcfa ne profite pas aux économies africaines ni aux populations locales ». Il estime que c’est « la France qui tire bénéfice du Fcfa ». Observant même que « chaque fois qu’elle est en difficulté, notamment en période de crise économique, elle tente de tirer au maximum profit du Fcfa ».
Selon lui l’enjeu du dossier est bien là : « dévaluer le Fcfa permettrait ainsi à la France de mieux résister à la crise ».
Pour lui, les conséquences d’une dévaluation seraient catastrophiques. de telles mesures étant même susceptibles de créer « une implosion« , tant « les conditions de vies des populations se détérioreraient ». Il estime par ailleurs que les pays de la zone franc ne pourraient pas faire face à une nouvelle dévaluation le cas échéant, ne disposant de rien d’autres à exporter – en grande partie vers la l’Europe et la France – que des matières premières, sans être en mesure de réduire leurs importations.
De sérieux avantages pour la France mais un véritable danger économique et social pour l’Afrique …
Sanou Mbaye considère enfin que le taux de change élevé du Fcfa permet aux entreprises françaises tels que Bouygues, Société générale, BNPParibas, Bolloré, d’éviter toute dépréciation de leur gain.
Sources : afrik.com, Nouvel Horizon, AP Sénégalaise, Sudonline.sn
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