Affaire Bettencourt : quousque tandem…

FMB.jpg…abutere, Catilina, patientia nostra* (…). Si, par ces mots, Cicéron a stoppé net la conjuration de Catilina, mettant en fuite son principal protagoniste, on se demande jusqu’où l’affaire Bettencourt va amener le gouvernement Fillon, et aussi la Vème République.

Le site Médiapart, à l’origine du scandale, vient de publier un article où l’on apprend que Liliane Bettencourt aurait touché 30 millions du fisc au titre du bouclier fiscal en 2008… et que d’autre part, « aucune enquête fiscale n’a visé l’héritière de L’Oréal depuis au moins quinze ans ».

Sur ce dernier point, Philippe Parini, directeur général des finances publiques avait déclaré le 29 juin lors d’une interview dans le Figaro que « les grandes fortunes déclarant plus de 220.000 euros de revenus ou de 3 millions de patrimoine font l’objet d’un contrôle triennal. Ils portent sur la déclaration de revenus et d’ISF et s’attachent à vérifier la cohérence et la concordance des éléments déclarés. Cela a été le cas de Mme Bettencourt. Aucune anomalie n’a été constatée justifiant de lancer des contrôles plus approfondis. ».

 

Un gros mensonge ? Pas tout à fait : M. Parini joue sur les mots. Un contrôle triennal n’est pas un contrôle fiscal,  Contrôle fiscal qui va être déclenché par ailleurs, comme l’a déclaré notre ministre du Budget François Baroin avec un très martial « «on ira jusqu’au bout» ». Difficile de faire moins, maintenant.

Rappelons ici que, suite à la publication de conversations téléphoniques privées entre Liliane Bettencourt, seconde femme la plus riche du monde et 17ème fortune mondiale – environ 20 milliards de dollar – et le gestionnaire de sa fortune Patrice de Maistre, la fraude fiscale porterait sur la non déclaration de deux comptes en Suisse d’un total de 70 millions d’euros et une ile privée dans les Seychelles.

Le montant des remboursements induits par le bouclier fiscal, sans doute la mesure la plus controversée de Nicolas Sarkozy, a correspondu pour l’année 2008 à 585 millions d’euros ; les 1000 bénéficiaires les plus importants ont reçu à eux seuls 337,2 millions d’euros. Ce qui revient à dire que 5 % du total des foyers fiscaux qui ont fait jouer le bouclier ont reçu à eux seuls 74 % des sommes reversées par le fisc**. Liliane Bettencourt est sans doute toujours actuellement une des plus grosses bénéficiares de ce dispositif.

On reste donc béat devant l’impéritie d’Eric Woerth qui a laissé sa femme travailler pour la société gérant la fortune de Mme Bettencourt, un conflit d’intérêt manifeste que l’intéressée a d’ailleurs elle-même reconnu*** . Mais ne dit-on pas que la femme de César ne doit pas être soupçonnée ?

Si l’avenir politique d’Eric Woerth parait bien compromis – Alain Juppé avait été carbonisé en son temps pour bien moins que celà – cette affaire intervient au plus mauvais moment pour le gouvernement Fillon, engagé dans une très difficile réforme des retraites et l’élaboration d’un non moins indispensable plan d’austérité. L’été effacera sans doute une partie du scandale dans l’opinion publique, mais l’image du Président de la République, à travers la dénonciation d’un système où la frontière entre l’Etat et les intérêts particuliers est trop floue, n’en sortira assurément pas indemne.

 

 

* : Jusque à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience ?

**Les vrais bénéficiaires du bouclier fiscal » [archive], L’Expansion, 7 juillet 2009.

*** : « Je reconnais que j’avais sous-estimé ce conflit d’intérêts », Le Monde, 28 juin 2010

En illustration : François-Marie Banier, l’homme par qui le scandale Bettencourt est arrivé

(16 commentaires)

  1. @ Webmarketer : le Figaro a demandé si Mme Bettencourt avait fait l’objet d’un contrôle fiscal, M. Parini a répondu qu’elle avait fait l’objet d’un contrôle triennal. L’information est exacte mais ni précise ni sincère !
    A l’époque, le soldat Woerth était paut-être encore sauvable. Aujourd’hui, je ne le crois plus.

  2. Madame Woerth, dont son mari expliquait qu’elle n’était allée que2 fois en Suisse, le 11 janvier et le 29 mai 2008, disposait en fait d’un pied-à-terre à Genève dans un appartement appartenant à la famille Bettencourt.
    Selon de nombreux témoignages, la gérante de fortune française, au service de la société financière des Bettencourt, Clymène, y est venue souvent, très souvent. Bien plus en tous les cas que ce qu

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