Trois responsables du FRC (Fonds de régulation du café-cacao de Côte d’Ivoire) ont été entendus par le juge d’instruction dans le cadre d’une enquête sur « détournements de fonds, d’abus de confiance, d’abus de biens sociaux, d’escroquerie, de faux et usage de faux en écriture de commerce ou de banque »
Ils figurent sur une liste de 23 personnes qui ont été inculpées la semaine dernière mais qui avaient été laissées en liberté.
Mercredi et jeudi, plusieurs responsables de la filière cacao ont été aussi entendus et incarcérés, en particulier les présidents de la Bourse du café-cacao (BCC) et du Fonds de développement pour les producteurs du café-cacao (FDPCC), Lucien Tapé Do et Henri Kassi Amouzou.
Parallèlement, les cours du cacao se sont envolés cette semaine atteignant leur plus haut niveau depuis près de 30 ans à New York.
La responsable du Fonds de régulation du café-cacao (FRC) de Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de fèves, a été entendue vendredi dans le cadre d’une enquête sur des malversations puis incarcérée.
Angeline Kili, ancienne conseillère du président Laurent Gbagbo et considérée comme une proche du chef de l’Etat, a été quant à elle entendue par un juge en tant que présidente du conseil d’administration du FRC.
Le directeur général du FRC, Firmin Kouakou, et un cadre de cette structure, Prosper Kouassi, ont été également entendus par le juge d’instruction en charge de l’enquête et déférés à la maison d’arrêt d’Abidjan.
D’autres responsables de la filière pourraient être entendus la semaine prochaine, selon une source judiciaire.
Les investigations ont mis au jour, « outre les surfacturations, (…) le non fonctionnement de certaines sociétés acquises ou le non reversement des dividendes ainsi que l’absence d’une bonne répartition des ressources et bénéfices aux paysans », a expliqué le procureur.
Le FRC est l’acteur principal de « l’affaire Fulton » qui serait, de source judiciaire, à l’origine de la vaste enquête lancée en octobre 2007 à la demande du président Gbagbo.
Le FRC aurait déboursé 100 milliards de francs CFA (152 millions d’euros) pour une usine de chocolat à Fulton (Etats-Unis) alors que le coût d’acquisition « oscille entre 20,5 et 27,5 Mds FCFA », a expliqué la semaine dernière le procureur de la République d’Abidjan, Raymond Tchimou. L’enquête a conduit à un audit des nombreuses structures de gestion et de régulation de la filière café-cacao issues de sa privatisation en 1999-2000.
Les inculpations et arrestation de dirigeants interviennent alors que le président Gbagbo a récemment dénoncé la corruption qui gangrène le pays.
L’enquête, qui semblait perdue dans les brumes, au profit du processus de sortie de crise en Côte d’Ivoire, a refait surface à moins de six mois du premier tour de l’élection présidentielle du 30 novembre 2008. Plusieurs journaux d’opposition ont ouvertement évoqué une manoeuvre de Laurent Gbagbo à l’approche du scrutin.
L’ONG britannique Global Witness, qui enquête sur les liens entre les ressources naturelles, les conflits et la corruption, a salué l’inculpation de ces gros bonnets de la filière cacao qui nourrit près de six millions de personnes en Côte d’Ivoire. L’Organisation a toutefois déploré que certains « acteurs clés » ont été « laissés de côté », notamment ceux de l’Autorité de régulation du café-cacao (ARCC), la seule institution appartenant à 100% à l’Etat.
« C’est un geste positif pour le secteur du cacao ivoirien qui a longtemps été caractérisé par l’opacité. Cependant, la crédibilité du processus réside dans sa capacité à demander des comptes aux plus hauts niveaux du gouvernement – c’est-à-dire aux ministres impliqués dans le détournement de fonds pour financer l’effort de guerre, » déclare Patrick Alley, directeur de Global Witness.
L’ONG demande au bureau du Procureur de divulguer plus d’informations quant à la nature des inculpations pour chaque individu et de s’assurer que les dossiers soient traités en toute transparence.
« Il est essentiel que les procès aient lieu rapidement, sans ingérence politique, et que ceux qui sont jugés coupables soient condamnés de manière à dissuader davantage la corruption, » déclare Patrick Alley.
Tout au long de l’année, Global Witness a fait campagne pour plus de transparence et de responsabilité dans le secteur du cacao de la part du gouvernement et des institutions de la filière cacao, ainsi que l’industrie du chocolat.
La semaine dernière, le gouvernement ivoirien a rendu public pour la première fois des données sur les revenus générés par les prélèvements sur le secteur cacao ainsi que sur leur utilisation. Global Witness demande que ces informations soient rendues publiques régulièrement.
La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao avec plus de 40% de parts de marché. Le cacao et le café représentent 40% des recettes d’exportations du pays et environ 20% de son PIB.
Il semble désormais certain que les revenus du cacao ont joué un rôle clé dans le financement du conflit ivoirien depuis 2002. Des officiels du gouvernement ont détourné des fonds des institutions nationales du cacao – des organismes qui collectent des redevances auprès des compagnies exportatrices de cacao – qui ont été ensuite utilisés pour acheter des armes. Pour ces raisons, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a imposé un embargo sur les armes en Côte d’Ivoire en 2004
Sources : AFP, Jeune Afrique, Global Witness