L’action Total se repliait avec l’ensemble du marché lundi, malgré le maintien des cours du pétrole à un très haut niveau, qu’il faut néanmoins relativiser compte-tenu de la faiblesse actuelle du cours du dollar. Les courtiers tiennent à rappeler en effet que sur le long terme, les compagnies pétrolières ne bénéficient pas autant qu’espéré de la hausse du brut.
Parallèlement, selon l’institut Energy Watch Group, qui s’en est fait l’écho lundi à Londres, la production de pétrole dans le monde a atteint son pic en 2006, et devrait décliner de moitié d’ici 2030.
Le peak oil tant redouté serait-il arrivé ?
– Le titre Total en baisse –
A 9H40 (7H40 GMT), le titre Total cédait 1,31% à 55,13 euros, soit un peu moins qu’un marché parisien en baisse de 1,63%. L’action a au final clôturé en baisse de 1,52 % à 55,01 euros. L’action du groupe pétrolier a cependant reculé sur les quatre dernières séances de bourse.
Dans les échanges matinaux, le baril de « light sweet crude » pour livraison en novembre reculait de 53 cents cents à 88,07 dollars le baril. Total avait annoncé vendredi en fin d’après-midi avoir obtenu douze nouveaux blocs d’exploration en eaux profondes et très profondes dans le Golfe du Mexique, où le pétrolier français en avait déjà obtenu vingt en 2006.
– La marge des pétrolières loin de grimper autant que le cours du pétrole –
Si le pétrole plus cher dope les bénéfices des compagnies pétrolières à court terme, à long terme, le problème crucial reste la reconstitution des réserves de brut. Pour cela, les permis d’exploration ne suffisant, ils doivent se concrétiser avec des forages réussis. Si le pétrole rapporte plus sur le court terme aux pétrolières, il sera nécessaire à moyen terme de reconstituer les réserves pour des coûts plus élevés. Certes de nouvelles ressources en hydrocarbures peuvent apparaître, mais néanmoins leurs frais d’exploration puis d’exploitation devraient grignoter toute la marge qu’un cours élevé du pétrole aurait pu offrir.
Par ailleurs, la baisse « régulière » du dollar affaiblit les ventes opérées en monnaie américaine des compagnies pétrolières européennes. De plus, plus le pétrole est cher, plus les marges bénéficiaires sont élevées et plus les pays producteurs deviennent « gourmands, » en réclamant leur part du gâteau et en donnant l’avantage aux compagnies nationales. A suivre ainsi, notamment les politiques actuelles de la Bolivie, du Mexique, de l’Equateur notamment.
– Koweit : une augmentation de 500.000 bj pourrait faire baisser cours –
Le ministre koweïtien du Pétrole par intérim, dont le pays est un membre influent de l’Opep, a estimé lundi que l’augmentation de production de 500.000 barils par jour, décidée par le cartel à partir du 1er novembre, pourrait faire baisser les prix du brut. « Nous pensons que l’offre et la demande sera influencée positivement lorsque la production de l’Opep sera augmentée de 500.000 barils par jour » pour faire baisser le prix du baril de brut, a déclaré Mohammad al-Olaim aux journalistes. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) avait décidé en septembre de pomper à partir du 1er novembre 500.000 barils de plus par jour pour faire baisser les cours. Le prix du baril de brut a dépassé jeudi pour la première fois les 90 dollars, portant sa hausse sur un an à près de 50%.
– EWG : le pic a été atteint en 2006 –
La production de pétrole dans le monde a atteint son pic en 2006, et devrait décliner de moitié d’ici 2030, a prévenu lundi l’institut Energy Watch Group, lors d’une conférence sur le « pic pétrolier » (« peak oil ») organisée à Londres. « Cela créera un manque de production qu’il sera difficile de combler malgré l’exploitation grandissante d’autres énergies fossiles, du nucléaire ou de sources alternatives », met en garde l’Energy Watch Group (EWG).
Selon les chiffres publiés par l’EWG, le monde a produit 81 millions de barils par jour (Mbj) en 2006. En 2020, il devrait en produire 58 millions par jour, puis simplement 39 millions en 2030 – une baisse de plus de 50% par rapport aux niveaux actuels. Cette hypothèse baissière contraste avec les projections de l’Agence internationale de l’Energie (AIE), qui table sur 105 Mbj en 2020 (extrapolation de l’EWG à partir d’une projection de l’AIE pour 2015), et 116 Mbj en 2030.
L’Institut fonde son scénario sur un comptage très pessimiste des réserves fossiles dans le monde. Si le cabinet IHS – qui compile les données de l’industrie pétrolière – estime les réserves pétrolières mondiales à 1.255 milliards de barils, selon EWG, il ne resterait que 854 milliards de barils dans le sous-sol. L’écart provient essentiellement du Moyen-Orient: pour l’IHS, les réserves du Moyen-Orient seraient de 677 milliards de barils, tandis que le cabinet EWG les évalue à seulement 362 milliards.
Contrairement aux institutions comme l’AIE, qui fondent leurs calculs sur l’estimation des réserves encore dans le sous-sol, le cabinet EWG s’appuie sur les chiffres de production actuelle. L’estimation de l’EWG tient compte aussi des comportements de l’industrie, notamment les retards observés dans le développement de champs pétroliers. « C’est grâce à cette méthode de calcul que nous avons pu annoncer sans nous tromper que la production pétrolière en Mer du Nord atteindrait son pic en 2000 et commencerait ensuite à décliner », a rappelé Jörg Schindler, l’auteur du rapport « Oil supply » présenté lundi à Londres.
Selon l’EWG, l’AIE, comme les autres organismes qui contestent la théorie d’un épuisement déjà en cours des ressources fossiles, envoie aux milieux d’affaire un message dangereux, en supposant que l’approvisionnement en pétrole ira en s’améliorant, ce qui n’encourage pas l’industrie à s’atteler aux changements structurels nécessaires.
« Nous sommes face à un déni institutionnel. Les sociétés pétrolières ne peuvent que taire la vérité, sans quoi le cours de leur action risquerait de s’effondrer » a ajouté le député allemand Hans-Joseph Fell, co-fondateur de EWG.
Selon lui, le « pic pétrolier » n’est pas une théorie mais déjà une réalité. Il a établi un parallèle avec le changement climatique: considéré au début des années 1990 comme une prophétie douteuse émanant de scientifiques isolés, le changement climatique est aujourd’hui une réalité dont plus personne ne doute, a-t-il rappelé. « Le système économique mondial est à l’aube d’un changement structurel », insiste par ailleurs le groupe d’étude, qui se veut indépendant de l’industrie pétrolière, au contraires de groupes d’études et d’agences telles que l’AIE, ou le CERA.
Fondé par Hans-Joseph Fell, Energy Watch Group rassemble des scientifiques, des experts et des parlementaires de plusieurs pays. Son objectif est de produire une information indépendante pour la mise en place de politiques énergétiques durables. La théorie du « pic pétrolier » est soutenue également par l’Association for the Study of Peak Oil and Gas (ASPO), un réseau de scientifiques qui entend démontrer que la production de pétrole est sur le point d’amorcer son déclin, avec à la clé de graves conséquences politiques et économiques.
Pour l’un des intervenants invités par l’EWG, l’économiste britannique David Fleming, la raréfaction des ressources pétrolières ne sera pas sans conséquences sociales: « on pourrait aisément assister aux mêmes scènes d’agitation sociale de masse que celles survenues en Birmanie ce mois-ci », prévient-il. L’économiste met en garde contre le risque d' »effondrement social », si les gouvernements ne préparent pas la transition vers les autres sources d’énergie.
Source : AFP
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PETROLE/Le prix du brut perd près de deux dollars à New York
Londres (AWP/AFX) – Les prix du pétrole ont perdu près de deux dollars à New York lundi, sur des prises de bénéfices et dans le sillage de Wall Street, malgré des nouvelles entretenant les tensions sur le front géopolitique.
Vers 16H00 GMT (18h00 HEC), le baril de «light sweet crude» pour livraison en novembre (cette échéance expire lundi) coûtait 86,75 dollars, en baisse de 1,85 dollar, à New York. Le baril a dépassé pour la première fois la semaine dernière le seuil des 90 dollars.
A Londres, le baril de Brent de la Mer du Nord pour livraison en décembre a aussi franchi un record historique jeudi soir, atteignant 84,88 dollars.
Vers 16H00 GMT, il valait 82,48 dollars, en baisse de 1,31 dollar.
«Le marché de l’énergie a attaqué la semaine en nette baisse, car les implications négatives sur l’économie d’une crise mondiale des marchés d’actions commencent à l’emporter sur les sujets géopolitiques», a expliqué Jim Ritterbusch, fondateur du cabinet éponyme.
Après une forte baisse vendredi, la Bourse de New York a en effet également ouvert en repli lundi.
«Une correction à la baisse (des prix du pétrole) par rapport aux niveaux actuels n’est pas à exclure», ont ajouté les analystes de la banque Barclays Capital.
Les facteurs qui avaient poussé les prix à des niveaux jamais vus demeurent toutefois intacts.
La toile de fond reste celle d’un déclin continu des stocks mondiaux de brut, qui fait craindre des pénuries cet hiver.
«Avec une situation de l’offre et la demande très tendue (…), les prix devraient être bien soutenus dans les mois à venir», ont ainsi estimé les analystes de Barclays Capital.
Sur le front géopolitique, les tensions restent vives: dimanche, quatre jours après le feu vert du Parlement turc qui a autorisé l’envoi de troupes contre les repaires des rebelles situés dans la montagne irakienne, quelque 200 rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont tué 12 soldats turcs. L’armée a riposté en tuant 32 séparatistes.
Par ailleurs, les violences ont repris au Nigeria, premier producteur de brut africain. Deux enfants d’employés nigérians de la société pétrolière française Total/Elf ont été kidnappés lundi dans la région de Port Harcourt, dans le sud pétrolier du pays. Deux jours plus tôt, un Britannique, un Russe, un Croate ainsi que quatre Nigérians avaient été enlevés sur une installation offshore de la compagnie anglo-néerlandaise Shell dans le delta du Niger (sud du Nigeria).
Suite à l’attaque, Shell a évacué son personnel de cette installation.
Par ailleurs, la détermination de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) à ne pas augmenter significativement sa production ne semble pas fléchir.
Samedi, Mohammad Alipour-Jeddi, responsable du département «analyse du marché pétrolier» de l’Opep, a estimé devant le Comité monétaire et financier international du FMI que «les stocks de brut (restaient) globalement à des niveaux confortables».
Le Centre for Global Energy Studies (CGES) a au contraire jugé lundi que l’Opep devait «mettre plus de pétrole sur le marché» pour que les prix se replient.
Plus le petrole restera bon marche moins nous ferons des efforts pour nous en passer! L’augmentation est la seule solution ! Car comme de plus en plus de sages le disent ,nos gouvernants sont bien trops timides et savent qu’ils ne seront pas la pour gerer la patate chaude des revoltes sociales consequence de la crise energetique qui deviendra systemique a venir (si nous ne faisons rien).
« la patate chaude des revoltes sociales » : de plus en plus de monde en parle, je fais une synthèse ce week end
A méditer … et à prendre en compte
En panne de personnel, les parapétroliers investissent moins vite
PARIS – Face à la forte demande en pétrole et gaz, les sociétés parapétrolières dans le monde vont encore beaucoup investir cette année et en 2008, mais à un rythme plus faible, car elles manquent de personnel qualifié, le pétrole est plus difficile à extraire, et l’acier reste cher.
Les services pétroliers, que sont la géophysique, le forage, ou encore la construction de plate-formes, seront au centre de deux journées de conférence, mercredi et jeudi à Paris.
La croissance des investissements des parapétroliers dans le monde, de 25% par an entre 2003 et 2006, devrait se ralentir en 2007 et 2008 pour atteindre +10 à +15%, relève l’Institut français du pétrole (IFP) dans une étude.
Les investissements dans l’exploration-production vont ainsi progresser de 13% en 2007 à quelque 312 milliards de dollars (221 milliards d’euros) et augmenter de 10 à 15% en 2008 à 340-350 mds USD, alors qu’ils avaient grimpé de 29% en 2006 à 275 mds et de 25% en 2005 à 214 mds.
Les groupes pétroliers « ne travaillent que sur un tout petit morceau de réserves potentielles », à cause d’un regain du nationalisme dans certains pays, comme en Russie ou au Venezuela, et de risques géopolitiques, comme au Nigeria ou au Soudan, rappelle Colette Lewiner, spécialiste énergie chez Cap Gemini.
En outre, la « complexification croissante » des projets sur des gisements plus profonds et lointains, comme celui de Chotkman en Sibérie, avec du pétrole de plus en plus lourd à extraire, demande plus de moyens techniques, souligne Francis Perrin, directeur de la revue Pétrole et gaz arabes.
Le secteur, qui représente près de 110 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans l’exploration-production, manque surtout de personnel qualifié, note le président de l’IFP, Olivier Appert.
L’association mondiale des ingénieurs pétroliers (Society of petroleum engineers) prévoit que la moitié de son personnel sera parti à la retraite dans 10 ans.
« Il y a une superposition de deux goulots d’étranglement, en terme d’équipements et de personnel. Or les délais pour former le personnel sur des qualifications très pointues sont plus longs que ceux pour la fabrication d’équipements », précise M. Perrin.
Le secteur parapétrolier français, qui emploie près de 70.000 personnes, est particulièrement concerné car il fournit l’essentiel de la recherche dans le forage offshore profond, selon Dominique Michel, président du Groupement des entreprises parapétrolières (GEP).
Dans la géophysique, la hausse des investissements s’est ralentie en 2007 (+13%, contre +26% en 2006) en raison d’une insuffisance du nombre de bateaux pour les travaux en mer. La croissance du nombre de puits forés en mer a été également freinée en 2007 (+3%, contre +7% en 2006) par manque d’équipements.
Mais les bateaux seront plus nombreux à partir de 2008, prévoit l’IFP.
La hausse des coûts des matières premières comme l’acier commence aussi « à se faire sentir », explique l’IFP. La demande mondiale d’acier va continuer à croître en 2008, tirée par l’appétit de la Chine, selon la fédération internationale des producteurs d’acier.
Or, 80% de la croissance des investissements parapétroliers en 2006 est due à un effet prix, et seulement 20% à une croissance de l’activité, selon l’IFP.
Dans le raffinage, où les pétroliers sont accusés de ne pas investir assez, les dépenses progressent de 9% en 2007, contre +4,8% en 2006, mais restent « insuffisantes » pour répondre à la demande, selon l’IFP.
Ce ralentissement du rythme des investissements pourrait enfin peser, à la hausse, sur le prix du pétrole, repassé lundi à New-York sous les 80 dollars.
(AFP / 09 octobre 2007 13h29)