Or : le point de vue des analystes fin février 2006 (3/4 : Citigroup)

Lingotin Passons maintenant à l’analyse de la situation par l’équipe « Métaux et mines » de la méga-banque américaine Citigroup, sous la plume de John H. Hill et Brian Yu. La note a été publiée le 23 février dernier.

Nous la considérons comme la plus documentée des notes dont nous ayons rendu compte pour le moment, tant par le regard qu’elle porte sur le marché de l’or que par les informations qu’elle distille.

  • Citigroup : une opinion résolument haussière

CitigrouplogoQuelle est l’opinion de la banque sur les dernières tendances de l’or ? Dès l’introduction-résumé de leur note, analystes de Citigroup estiment que « les prix de l’or se sont montrés résistants dans le sillage du pétrole, des tensions sur les questions nucléaires et géopolitiques, des résultats sans éclat pour les grandes valeurs boursières et des inquiétudes sur les déséquilibres financiers mondiaux ». Constatant que l’once d’or a gagné une centaine de dollars depuis novembre puis a touché des plus hauts, ils estiment que la phase actuelle n’est qu’une consolidation. « La tendance actuelle – à la stabilité autour des 550 dollars, NDLR – pourrait continuer quelques temps, alors que la demande d’or d’investissement arrive à maturité dans une période où la demande de bijouterie est traditionnellement calme ».

Des fondamentaux de l’or vus sous un angle très favorable

En termes fondamentaux, Citigroup est clair : « l’or devient la quatrième devise mondiale ». Et de poursuivre : « Nous voyons l’or comme un baromètre essentiel de la grande bataille que se livrent les actifs réels et les actifs financiers, qui a fortement tourné à la faveur des produits de base et de l’immobilier ces trois dernières années. L’or devrait rester bien orienté si l’économie US ralentit, étant donné le poids de l’endettement US et les tensions sur les déficits jumeaux qui se feront probablement jour, ou si la Fed tente de gonfler la masse monétaire pour surmonter les obstacles qui pourraient se mettre sur la route de la croissance (…). Les économistes de Citigroup demeurent inquiets des déséquilibres macroéconomiques globaux ».

Outre ces risques avérés, la note dresse la liste des facteurs potentiels qui pourraient soutenir l’or cette année :

  1. les surprises inflationnistes ;
  2. de nouveaux accès de faiblesse du dollar US sur le marché des changes ;
  3. des dévaluations compétitives des devises en Asie ;
  4. les diversifications d’actifs des investisseurs étrangers (hors Etats-Unis) liés au contexte géopolitique ou à des représailles commerciales ;
  5. la baisse des ventes d’or des banques centrales signataires de l’accord CBGA II, c’est-à-dire les instituts émetteurs européens qui représentent les trois quarts de ces ventes estimées à 660 tonnes en 2005 ;
  6. l’éventuelle accumulation d’or par les banques centrales de Chine, de Russie et des pays du Moyen Orient, suivant des rumeurs récurrentes.

Après étude des chiffres 2005 communiqués par le World Gold Council sur le marché de l’or, Citigroup estime que ces données témoignent d’un « rééquilibrage dynamique de l’offre et de la demande ». A savoir : les sept à neuf premiers mois de l’année 2005 se sont caractérisés par une forte demande d’or de fabrication, quand la fin de l’année voit arriver une forte demande d’or d’investissement. A présent, « notre sentiment est que l’actuelle phase où l’or est tiré par l’investissement arrive à maturité, et que la demande de fabrication va bientôt faire son retour sur le marché ».

Une vision non conformiste mais pertinente de l’offre d’or

Semblant répondre, eux aussi, à la position de l’analyste de HSBC sur l’excédent d’or de 2005 constaté par le WGC, leurs concurrents de Citigroup estiment que « l’équilibre de l’offre et de la demande sont plus importants quand les prix de l’or sont bas et stables ». Ils estiment que la direction actuelle du marché de l’or est devenue beaucoup plus sensible aux informations macroéconomiques et monétaires comme l’inflation, la courbe des taux longs, l’offre de monnaie, les taux de changes et la performances des autres classes d’actifs.

Citigroutable D’autant que comme les économistes d’UBS, ceux de Citigroup considèrent qu’il n’est pas honnête d’inclure dans l’offre globale d’or les ventes des banques centrales ni les conséquences, positives ou négatives, du « hedging« , ces ventes à termes qui actuellement retirent de l’or du marché. A preuve, le tableau intitulé dans la note « Gold Supply/Demand Model » que nous reproduisons ici (cliquez sur l’image pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre). Nous remarquons que Citigroup place les ventes officielles d’or et le hedging un peu comme des éléments exceptionnels dans un bilan, tout en bas (rubrique « Filling the Gap »), même s’ils sont récurrents depuis des années. L’or des banques centrales est par définition déjà extrait, et il s’agit également d’un facteur non récurrent : l’or « officiel » vendu est absorbé par le marché et réduit d’autant des stocks que les banques centrales, tout spécialement celles d’Europe, ne reconstituent pas. D’autant que des doutes circulent parmi la communauté financière quant à la réalité des 31.000 tonnes d’or que les banques centrales mondiales détiennent, d’après leurs livres comptables, dans leurs coffres.

Ainsi Citigroup considère-t-il le marché de l’or comme fondamentalement déficitaire [voir la ligne soulignée par nous en rouge « Commodity Surplus / (Deficit)], avant prise en compte des éléments exceptionnels pré-cités. Cette opinion n’est pas partagée par tout le monde sur le marché, et surtout pas par l’organisme officiel du secteur, le World Gold Council, représentant de quelques groupes miniers occidentaux dont les plus gros pratiquent le hedging. L’information nous semble importante, nous la soulignons donc. Et plutôt deux fois qu’une !

Investissement en ETF sur or : une révélation de Citigroup

En outre, Citigroup estime que la demande d’or d’investissement n’a pas seulement augmenté : elle a également changé de nature. Des institutions qui n’étaient pas coutumières de ce type d’actifs se sont fortement positionné sur les matières premières, et elles s’en donnent les moyens : GFMS estime que « 36 milliards de dollars se sont déversés au cours de l’année 2005 sur les contrats à terme de 13 produits de base différents », dont l’or, écrit Citigroup, qui ajoute : « en 2006, des données confidentielles du WGC précisent qu’au moins trois fonds de pension britanniques sont détenteurs d’ETF sur or, et il semble que plusieurs grands investisseurs américains soient dans le même cas ».

Citigroup note d’ailleurs que l’investissement en ETF or a déjà dépassé les 100 tonnes avant même que le T1 2006 ne s’achève, et même si la tendance semble maintenant ralentir. Alors que le record atteint au quatrième trimestre 2005 n’était « que » de 79 tonnes.

Les perspectives 2006, selon Citigroup

Les facteurs fondamentaux de la hausse. Citigroup dresse la liste de toute une série de facteurs de long terme soutenant la tendance haussière sur le marché de l’or. Par ordre chronologique, les analystes énumèrent :

  • depuis 1999, la clarification de la politique de cession des banques centrales grâce aux derniers accords CBGA ;
  • depuis 2000, la tendance des producteurs d’or au « de-hedging », un renversement par rapport à la politique précédente ;
  • depuis 2000-2001, l’intérêt du marché pour les actifs réels ;
  • le 11 Septembre 2001 et les tensions géopolitiques ;
  • en 2002, le début de la correction amorcée par le dollar américain, et des anticipations d’inflation persistantes et élevées ;
  • depuis 2003, la campagne de promotion pour les ETF sur or par le World Gold Council ;
  • depuis 2005, l’intérêt confirmé des investisseurs institutionnels pour l’or.

« Selon nous, aucun de ces facteurs positifs n’est susceptible de se retourner rapidement. Le marché de l’or devrait donc demeureur en bonne santé pour une période longue » (« extended period »), concluent les rédacteurs.

Quelques prévisions de court terme pour finir. « Nous restons positifs sur l’or, puisque nous constatons de multiples passations de relais entre la fabrication et la demande d’investissement, et entre les fondamentaux des matières premières et les catalyseurs macroéconomiques et monétaires. Nous nous attendons à ce que l’or aille plus haut encore », même si une correction aux alentours de 520-540 dollars ne surprendrait pas les auteurs de la note.

Ils se réfèrent aux multiples consolidations de l’année passée, qui ont été l’occasion pour de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché, et non d’en sortir, pour estimer que les 600 dollars devraient être testés dans l’année. En moyenne, Citigroup s’attend à ce que l’or aie un cours moyen de 540 dollars en 2005, 560 dollars en 2007 et 580 dollars en 2008.

Nous noterons que la valeur minière préférée de Citigroup dans le secteur aurifère est la canadienne Barrick Gold, alors qu’ils ont dégradé l’américaine Newmont il y a peu en raison des dernières prévisions du groupe US et de problèmes de la mine de Yanacocha.

La note ne dit pas si cette décision tient compte des bénéfices que le World Gold Council ne manquera pas d’engranger grâce à la commercialisation et aux commissions annuelles de ses ETF sur or, un marché dominé à 90% par ce WGC dont Barrick et Newmont sont deux des membres les mieux dotés en sièges…

Les articles publiés à ce jour :

  1. Or : le point de vue des analystes fin février 2006 (1/4 : HSBC)
  2. Or : le point de vue des analystes fin février 2006 (2/4 : UBS)
  3. Or : le point de vue des analystes fin février 2006 (3/4 : Citigroup)
  4. Or : le point de vue des analystes fin février 2006 (4/4 : CPM Group)

(16 commentaires)

  1. dire que mr sarkozy avait propose de vendre une partie de la reserve d’or de la banque de france au moment ou l’or coutait bien moins cher. peut etre pour s’en procurer a bas prix?

  2. Bonjour bubure,
    Oui cela nous est resté en mémoire (et en travers de la gorge cette histoire !) de braderie de l’or à un moment « opportun ».
    Marie

  3. Bonsoir Burbure,
    En effet, si le but de Nicolas Sarkozy était de bien gérer le patrimoine public, vendre un actif avant qu’il ne prenne 30% n’était évidemment pas un bon choix.,, Surtout pour placer le produit de la vente en obligations publiques alors que les taux longs n’ont jamais été aussi bas ! Doublement raté, en somme.
    Autre manière de voir les choses : l’or prétendument détenu par les banques centrales ne l’est pas forcément. Les banques centrales européennes ne distinguent souvent pas, dans leur comptabilité, entre les avoirs en or (lingots) et les créances en or (bout de papier indiquant que la banque, au hasard HSBC, doit tant de lingots à la banque centrale Truc). Les deux sont comptabilisés de la même façon.
    Car les banques centrales avaient l’habitude, depuis les années 70, de « louer » leur or selon le gold lease rate, qui est ridicule : moyennant quoi, elles touchaient quand même un peu d’intérêt alors que l’or ne rapporte rien. Mais pour servir un intérêt, la banque commerciale à qui l’or était loué le vendait sur le marché, puis plaçait le produit de la vente de manière à ce qu’il rapporte quelque chose. Généralement bcp plus que le ridicule gold lease rate, ce qui lui assurait des bénéfices faciles.
    Tout se passe bien quand l’or ne monte pas. Quand c’est le cas comme aujourd’hui, la banque commerciale est prise à la gorge : pas facile de rendre 100 kg d’or quand on les a vendus à 6.000 le kg et qu’ils en valent maintenant 15.000, par ex. Car la créance en or porte sur une quantité, pas sur un montant. On emprunte une tonne, on rend une tonne, peu importe les variations de cours.
    L’idée : pour éviter de mettre les banques privées dans l’embarras, leurs amis au pouvoir vendent cet or que les banques centrales sont censé posséder mais ont « leasé » aux banques commerciales. Comme ça, cela dispense la banque commerciale de racheter l’or pour le rendre à la banque centrale. C’est d’une logique imparable.
    Donc les banques commerciales s’en portent mieux, et c’est le contribuable qui a payé la différence en vendant l’or de sa BC à vil prix. Ce n’est qu’un hypothèse, mais elle est très plausible.
    Par exemple, la banque d’Angleterre et la Banque nationale suisse ont liquidé des quantités énormes d’or ces dernières années. Et y’a plein de banques, dans ces pays là, avec plein de lease précédemment. Cela déprime le cours de l’or de manière artificielle, comme tel a été le cas depuis le début-milieu des années 80.
    Pour plus d’infos sur cette thèse : http://www.gata.org

  4. Bonjour Emmanuel,
    Quels jolis lingots d’or. KGHM est une entreprise minière polonaise…, il me semble ?
    Est-ce que tu pourrais nous en parler plus dans un article ? On parle tjs des mines en Afrique du Sud etc… et on connait moins bien les mines européennes.
    Merci, Marie

  5. Bonsoir Marie,
    KGHM produit surtout du cuivre, et aussi de l’argent.
    Et en effet, en voilà une excellente idée de note !
    Enfin encore une bonne idée de note, car ce n’est pas cela qui manque en ce moment…
    EG

  6. Bonjour,
    Excellent article.
    Marie, KGHM c’est du cuivre, il faut bien que la pologne fournisse leur plombiers 😉

  7. Salut Gold,
    Il fait allusion à mon article sur la TVA ? Pour toi, je recommande plutôt celui sur l’infirmière !
    Sur la photo, ce sont des lingots d’or estampillés KGHM, non ?
    A+, take care Gold, Marie

  8. Oui, en ce qui em concerne, j’ai des infos sur le cuivre, parmi tant d’autres sujets….

  9. Bonjour,
    En effet, ce sont les lingots KGHM. Les filons de minerais mélangent souvent différents types de métal.
    KGHM fait surtout du cuivre, mais aussi de l’argent, et un peu d’or…
    Voilà voilà.
    Emm.

  10. Bonjour,
    Ou peut-on acheter de l’or.
    Il y a la rue Vivienne, peut-on faire confiance??.
    Cordialement

  11. Tu peux acheter de « l’or de bourse »
    des napoléons ou bien lingot de 1 kg
    chez CPR OR, et nombre d’autres officines
    ou bien chez ton banquier habituel !
    attention ! les napoléons sont livrés en sachets plastique avec papillon interne mentionnant la date et le nom de la banque !
    Il est interdit d’ouvrir le sachet sous peine de difficultés à la revente !
    s’assurer que la banque fera une facture mentionnant le cours du jour et les frais en dessous puis le net à payer…….et revendra ces napoléons
    pour avoir droit à la taxation sur les plus values nouvellement accordée aux métaux précieux, tu devras prouver la date d’achat et le prix.
    sinon tu sera taxé aux 8 % plus frais sur le prix total de revente.
    Le lingot, lui est livré sans protection mais avec un certificat de l’afineur qui doit être conservé en parfait état sans surcharge ni rature sinon le lingot sera dirigé à la refonte avec la moins value l’accompagnant.
    En prime
    Un peu de lecture de week end
    Décès de l’économiste John Kenneth Galbraith
    http://fr.biz.yahoo.com/30042006/5/deces-de-l-economiste-john-kenneth-galbraith.html
    Chine: le fonds de pension d’Etat autorisé à investir à l’étranger
    http://fr.biz.yahoo.com/30042006/299/chine-le-fonds-de-pension-d-etat-autorise-investir-l.html

  12. Dis donc EMMANUEL ! j’ai copié ça dans ton article en haut de page !
    Crois tu qu’il vont tenir leurs objectifs ?
    «  » » »Ils se réfèrent aux multiples consolidations de l’année passée, qui ont été l’occasion pour de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché, et non d’en sortir, pour estimer que les 600 dollars devraient être testés dans l’année. En moyenne, Citigroup s’attend à ce que l’or aie un cours moyen de 540 dollars en 2005, 560 dollars en 2007 et 580 dollars en 2008. » » » » » »

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