Luxembourg : la clé sous la porte pour la majorité des banques après 2015 ?

La partie non immergée de l’iceberg luxembourgeois ?

Alors que le Premier ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker clame à qui veut l’entendre que son pays ne vit pas de l’argent de l’évasion fiscale et que par conséquence la levée du secret bancaire prévue en 2015 sur le territoire n’aurait que peu d’impact sur les établissements financiers luxembourgeois, Me Alain Steichen, un des avocats fiscalistes les plus réputés du Luxembourg, affirme au contraire que plus de la moitié des banques luxembourgeoises actives dans la gestion privée pourraient disparaître à la suite de l’entrée en vigueur de l’échange automatique de données bancaires.

Selon lui, seules 60 à 70 banques pourraient même subsister dans les années à venir, a-t-il déclaré lors d’une conférence sur les conséquences du passage à l’échange automatique d’informations prévu pour 2015.  Soit une part non négligeable des 141 banques actuellement présentes sur la place, dont 120 sont actives dans la gestion privée.

« Je m’attends à un sérieux changement du paysage bancaire », a ainsi affirmé l’avocat. Ce dernier estimant que les retraits des clients que pourraient induire les nouvelles mesures devraient faire perdre à certaines banques de gestion privée la masse critique leur permettant de survivre.
Selon lui, la majeure partie de la clientèle des banques luxembourgeoises possède de l’argent non déclaré. Plus précisément, Me Steichen considère que la majorité des clients européens des banques du Luxembourg disposent d’avoirs compris dans une fourchette entre 100.000 et 500.000 euros, pour l’essentiel non déclarés au fisc de leur pays.
Une situation qui en 2015 devraient les conduire à fermer leurs comptes au Luxembourg et rapatrier leur argent dans leur pays d’origine.

A noter que l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL) évalue les avoirs en gestion privée des établissements financiers de la place à 300 milliards d’euros, estimant parallèlement que plus de la moitié appartiennent à des ressortissants de l’UE.

Rappelons que le 10 avril dernier, lors de son discours sur l’Etat de la Nation, Jean-Claude Juncker a annoncé que le Luxembourg allait introduire l’échange automatique d’informations à partir du 1er janvier 2015. Ce qui – selon lui – serait sans danger pour la place, cette dernière étant – si l’on en croit ses dires – «  prête à le faire ».
Jean-Claude Juncker avait alors souligné que la place financière luxembourgeoise ne dépendait pas de manière existentielle du secret bancaire, assurant que « les lumières n’allaient pas s’éteindre en 2015» pour les banques de son pays, après la levée du secret bancaire. « Notre place financière ne vit pas de l’argent noir ni de la fraude fiscale », avait-t-il affirmé.

Un communiqué du service d’information et presse du gouvernement luxembourgeois précisait alors parallèlement que la place financière du Luxembourg « tir(ait) son succès du dynamisme de ses acteurs, de la diversité de ses produits, de son caractère international comme de sa réglementation stricte qui assure la solidité des opérateurs et le respect des standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, la fraude et l’évasion fiscale, tels qu’établis par l’Union Européenne, l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales ainsi que le Fonds Monétaire International (FMI) ».

Rappelons par ailleurs qu’en mai 2009, dans une interview à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, le Premier ministre luxembourgeois s’était offusqué de voir son pays inscrit par l’OCDE sur une « liste grise » des nations qui ne coopéreraient pas suffisamment à la lutte contre les paradis fiscaux, liste établie lors du sommet du G20 tenu le mois précédent à Londres. 

Une inscription que Juncker avait qualifié ni plus ni moins de « scandaleuse ». Le chef du gouvernement luxembourgeois s’estimant par ailleurs déçu que ses collègues européens n’aient pas tenu la promesse faite à Bruxelles pour qu’aucun pays de l’UE ne figure sur la liste.

Le ministre allemand des Finances d’alors, Peer Steinbrück, avait remis de l’huile par la suite en présentant le Luxembourg, le Liechtenstein, la Suisse et l’Autriche, ainsi que Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, comme étant des zones peu ouvertes aux enquêtes des services fiscaux à la recherche de fraudeurs.

Sources : Europaforum.lu, AFP, Reuters, Agefi

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 28 avril 2013

(21 commentaires)

  1. Les banques de financement et d’investissement à l’heure des choix

    Selon une étude du Boston Consulting Group, les acteurs du secteur doivent se spécialiser. C’est la condition pour relever leur rentabilité.

    La cure d’austérité qui s’est abattue depuis deux ans sur les banques de financement et d’investissement (BFI) a marqué un changement d’époque. Mais, selon une étude du Boston Consulting Group (BCG) publiée mardi soir, cette nouvelle ère exige désormais une transformation radicale de leurs modèles. Pour le cabinet de conseil, les banques ne pourront faire l’économie d’une telle mutation pour regagner des niveaux de rentabilité supérieurs à 12%.?«?La moyenne de l’industrie était comprise entre 10% et 13% fin 2012 et nous estimons qu’une baisse supplémentaire de 3% est à prévoir du fait des nouvelles réglementations?», prévient-il. Dans ces conditions, «?l’heure des choix a sonné en terme de portefeuille produit, de modèle économique et de mode opératoire.?Seuls les plus performants survivront», concluent les auteurs de l’étude.

    Certains acteurs ont déjà abandonné des classes d’actifs, tel UBS qui a annoncé son retrait des activités obligataires («?fixed income?»). La plupart a toutefois seulement réduit la voilure sans faire évoluer leur portefeuille d’activités. « Cela ne suffit pas car les banques ne peuvent dans ce cas pas faire l’économie de l’infrastructure de traitement nécessaire à leur présence aussi réduite soit-elle sur une catégorie de produit?», souligne Gwenhaël Le Boulay, l’un des auteurs.

    Les BFI doivent aussi définir la manière dont elles souhaitent dégager leurs bénéfices, en jouant sur les volumes ou sur les commissions.

    Six modèles «?gagnants?»

    Le BCG tire de ces choix six «modèles économiques gagnants?», des «centrales électriques?», traitant de gros volumes sur des services à faible marge aux spécialistes du conseil, en passant par les «?hedge funds?». Les quatre BFI françaises pourraient se positionner sur deux modèles intermédiaires : en «?haute couture?» pour BNP Paribas et Société générale, où il s’agit de structurer des produits complexes pour de gros acteurs. En «?experts de la relation client?» centrés sur les PME dont ils originent la demande pour Crédit Agricole CIB ou Natixis.

    Quel que soit le modèle, «?l’externalisation de certaines parties de la chaîne de valeur où les économies d’échelles sont importantes est un levier important d’amélioration de la rentabilité à prendre en compte?», précisent les auteurs de l’étude. Un levier qui peut fournir de quoi vivre à une sixième classe d’acteurs : les «?fournisseurs de services?».
    http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/actu/0202740416070-les-banques-de-financement-et-d-investissement-a-l-heure-des-choix-563333.php

  2. la majeure partie de la clientèle des banques luxembourgeoises possède de l’argent non déclaré.Voila le problème qui va devenir une intolérance sociale si la crise sociale continue .

  3. C’est une bonne chose que la régulation puisse enfin être enclenchée au niveau international. Même si cela semble mener à leur perte certaines banques, fondamentalement ce problème doit être réglé et nul doute que les banques dont les fonds reposent en grande partie sur ces « évasions fiscales » trouveront les ressources nécessaires pour tourner la page.

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