Décidément les pays producteurs de pétrole et de gaz sont directement impactés par la situation qui prévaut au Mali. Alors que les salariés des majors pétrolières et de leurs sous-traitants viennent de payer un lourd tribu en Algérie, conduisant à un retrait massif des employés des groupes internationaux concernés, c’est au tour du Nigeria d’être frappé par de nouvelles menaces d’actions terroristes. Une situation qui, au final, pourrait avoir un large impact sur le cours du pétrole et sur le chiffre d’affaires des compagnies pétrolières internationales.
Dans un communiqué adressé à la communauté française du Nigeria, le Consulat général de France à Lagos a déclaré lundi que des groupes terroristes nigérians avaient porté des menaces directes contre la France et les Français en représailles de l’intervention française au Mali. Une situation d’insécurité accrue le conduisant à déconseiller formellement aux ressortissants français de se rendre dans le nord du Nigeria.
Le Ministère (français) des Affaires étrangères a en effet décidé de classer en ‘zone rouge’ l’ensemble des 18 Etats du Nord de la fédération nigériane. A l’heure actuelle, l’ambassade et le consulat de France au Nigeria n’ont pas souhaité fournir de plus amples détails sur la provenance des menaces et le contenu précis des messages.
La région pétrolifère du Delta du Niger est quant à elle également classée rouge, même si des Français continuent d’y travailler, notamment dans la ville de Port Harcourt, dans l’Etat de Rivers, lieu où sont implantées de grandes entreprises pétrolières.
En ce qui concerne le reste du pays, dont Lagos et Abuja, le Quai d’Orsay demande aux Français de n’y demeurer que si leur présence est impérative et en faisant preuve d’une extrême prudence.
Dans un entretien diffusé vendredi par la chaîne France 24, le PDG de Total, Christophe de Margerie, a déclaré avoir évacué les expatriés d’ Abuja, la ville la plus risquée selon lui, vers les installations pétrolières de Lagos et Port Harcourt.
Rappelons plus largement que vendredi, en marge du Forum économique mondial de Davos, le patron de Total a indiqué que le groupe avait renforcé la sécurité de ses personnels en Algérie et au Sénégal suite à la prise d’otages d’In Amenas et à la situation qui prévaut au Mali. Ajoutant que le groupe procédera également à des rapatriements « si nécessaire », ou enverra les expatriés sur des sites « plus sécurisés ».
Fin décembre, le groupe islamiste Ansaru avait revendiqué l’enlèvement d’un Français dans le nord du Nigeria, justifiant ce rapt par le rôle de la France dans la préparation de l’intervention militaire au Mali. Tout en menaçant de procéder à de nouvelles attaques contre des ressortissants français. Le groupe a également revendiqué l’attaque ayant conduit à la mort de deux soldats nigérians en partance pour le Mali en vue d’y rejoindre la force d’intervention ouest-africaine. Une opération menée selon eux en représailles à la participation du Nigeria à l’intervention au Mali.
En 2010, alors que les majors pétrolières tentaient d’ores et déjà de « contourner » à leur façon le risque d’attaques de leurs infrastructures au Nigeria, en mettant l’accent sur les plates-formes off-shore, trois Français du groupe de services maritimes Bourbon avaient été enlevés lors d’une attaque survenue sur le champ pétrolier exploité par la société Addax, au large du Nigeria.
« Tout nous laisse penser que nous sommes dans le cadre d’un acte de piraterie classique », avait alors déclaré sur France 24 le ministre de la Défense d’alors, Hervé Morin, rappelant qu’à peu près une centaine d’actes de piraterie s’étaient produits en 2009 dans le golfe de Guinée.
Le gouvernement français se devait alors d’être rassurant alors que moins d’une semaine auparavant, cinq Français, employés par le groupe nucléaire français Areva et l’un de ses sous-traitants avaient été enlevés au Niger, rapt revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
En juillet 2010, le pétrolier français Total avait annoncé pour sa part que sous réserve d’un accord des autorités compétentes, le groupe allait acquérir la participation de 45,9% de Texaco dans un bloc pétrolier de la zone de développement conjointe (JDZ) Sao Tomé/Nigeria. Une région oh combien convoitée compte-tenu de son riche potentiel en hydrocarbures. Son autre atout et non des moindres : l’exploitation est située en off shore, c’est-à-dire loin des violences qui frappent les installations pétrolières du Nigéria.
L’opération lui permettant notamment de sécuriser ses investissements en restant dans la zone, le caractère offshore des champs pétroliers lui permettant de « s’éloigner » autant que faire se peut des actes de violence et de sabotages du Mend, le Mouvement d’émancipation du delta du Niger.
Rappelons en effet qu’en raison de nombreux incidents provoqués par des groupes armés depuis 2006, le Nigeria a connu une chute importante de sa production de pétrole. Les rebelles réclament avant tout une meilleure répartition des revenus du pétrole au bénéfice des populations locales.
En janvier 2010, le Wall Street Journal et le Daily Telegraph, confirmant des informations publiées par le Sunday Times, avaient annoncé que le groupe Shell avait mis en vente une dizaine de champs de pétrole tous situés sur la partie terrestre des champs d’hydrocarbures du Nigeria. Le groupe entendrait en revanche conserver tous ses champs offshore, à la fois plus faciles à défendre contre les attaques rebelles tout en étant plus rémunérateurs, précisaient alors les quotidiens.
Le Daily Telegraph avait précisé pour sa part que Shell s’était résolu à vendre ces actifs, non en raison des fréquentes attaques survenant dans la région du delta du Niger, mais en raison de la volonté du gouvernement nigérian de renforcer les entreprises pétrolières domestiques, au détriment des groupes étrangers.
Sources : AFP, Reuters, Ministère Affaires Etrangères
Elisabeth STUDER – www.leblogfinance.com – 28 janvier 2013 –