Le ‘liber abaci’ illustré par l’exemple

La contribution la plus précieuse de notre lecteur MB à ce blog n’est peut-etre pas tant sa décomposition elliottiste du mouvement en cours que la façon de l’analyser en termes de ratios de Fibonacci. Usuellement, lorsque vous lisez des forums elliottistes, les contributeurs (comme moi) se basent essentiellement sur leur oeil plus ou moins perçant pour individualiser les différentes ondes en présence. Ce n’est pas faux, mais comme dit Russell Crowe dans A Beautiful Mind en parlant d’Adam Smith, « c’est incomplet »: en effet, cette analyse visuelle peut etre considérée comme a priori, mais un controle a posteriori à la calculatrice des proportions au moyen des ratios basés sur 1.618 se révèle indispensable lorsqu’on est en présence d’une structure compliquée (rappelons au passage que ce ratio bizarre a la propriété du logarithme, il transforme les divisions en soustractions, il a aussi la propriété dite de la fraction continue). Commençons par le plus facile, à savoir l’observation que les vagues 2 et 4 du bear market (ci-dessus) respectent le principe d’alternance (un sharp court suivi d’un flat long), et là où la 2 retrace 50%, la 4 ne retracera vraissemblablement que 38% (notez que 0.38=1/2.618=1/(1.618^2)). Bon, ça, c’est facile parce que boursorama le fait tout seul; passons à la suite …

Nous allons regarder les 2 dernières vagues en détail afin de comprendre comment se mettent en placent les ratios déterminant les proportions entre les différentes sous-vagues. La vague 3 est extended, cela a sauté aux yeux de tout le monde. On doit donc s’attendre à avoir une 3.1 et une 3.5 similaires encadrant une 3.3 mesurant environ 1.618 fois la 3.1 (voir ici la figure 28): c’est exactement le cas! En effet, vous voyez au premier coup d’oeil que la 3.1 et la 3.5 correspondent à 38% du mouvement d’ensemble. Notez encore une fois le principe d’alternance entre la 3.2 et la 3.4 avec l’une longue et plate, l’autre profonde et abrupte respectivement. Les défenseurs de la marche aléatoire devraient commencer à se sentir nauséeux … et ce n’est pas fini!

On continue avec la vague 4, celle qui nous intéresse le plus et sur laquelle (malheureusement) je me suis retrouvé à improviser, ce qu’il ne faut jamais faire en bourse. Notons tout d’abord qu’en vertu du principe d’alternance, on devait s’attendre à une correction longue et peu profonde (en tous les cas, moins de 50% de retracement puisque c’est ce qu’a fait la vague 2): cela nous laissait le choix entre 38% et 23% de retracement. Maintenant, on pouvait (encore, meme si je n’ai pas réussi à le faire en temps utile) s’attendre à avoir 38% sur le DAX (sur le CAC, on a 23%) pour 2 raisons: la correction 4 devait probablement bien entrer dans le territoire de la 3.4 et le DAX est un indice plus fort que le CAC (si le DAX avait fait 23%, qu’aurait fait le CAC ?). Quand on a une correction longue, il est fréquent que celle-ci vérifie le principe de la complexité croissante (voir en particulier la figure 5.5 sur ce lien): vous voyez ci-dessus que c’est exactement ce qui s’est passé. Observons maintenant la 4A (en 3 temps): il est facile de voir que le bout « c » mesure environ 1.6 fois le « a » (il a été aidé par le traditionnel rally de fin d’année). La 4B étant suffisamment explicite, passons de suite à la 4C: MB nous a suggéré que cette vague (impulsive en 5 temps) soit extended. Ceci est raisonnable a priori parce que susceptible d’expliquer cette baisse tronquée (la fameuse « tete-épaules » de juin/juillet) ainsi que cette complexité déroutante. Mais il apparait nécessaire de vérifier cette hypothèse de travail a posteriori avec les ratios de Fibonacci: nous devons en particulier nous attendre à une 4C1 et une 4C5 très similaires. Or, il se trouve que ces 2 sous-vagues sont pratiquement identiques que ce soit dans leur amplitude que dans leur « verticalité » (c’est d’ailleurs la seule explication rigoureuse de cette 4C5 qui a mis tous les indicateurs en surachat). Il reste à vérifier que la 4C3 ainsi obtenue mesure environ 1.618 fois la 4C1 (ou la 4C5) et que la 4C4 retrace jusqu’à la vague 4 de la 3 extended: je vous le laisse en exercice, tout en vous recommandant chaudement de refaire tout ce travail sur le CAC 40 et l’ES50 (ce dernier est encore plus facile). Je passe aussi sur la règle de proportion qui définit l’expanded flat, à savoir |4C|=1.618*|4A| puisqu’on en a parlé mille fois ici.Si vous coincez quelque part, faites-moi signe et je le publierai.

Conclusion: il est illusoire de vouloir faire du Elliott sérieusement sans vérifier a posteriori les décompositions avec les ratios basés sur Phi, surtout en ces périodes troublées où les medias se déchainent pour nous présenter des nouvelles biaisées. Maintenant, pour avoir un objectif final à la baisse, 2 choix s’offrent à vous: comme nous avons une 3 extended en automne 2008, nous devons avoir une 1 et une 5 raisonnablement identiques. La question est: identiques en proportions (en pourcentage de baisse) ou en amplitude absolue ? C’est toute la question lorsqu’on attaque les décompositions en temps long: à quel moment faut-il abandonner les graphiques en linéaire pour passer à des échelles logarithmiques ? C’est peut-etre la technique du channeling qui fera la part des choses dans cette question.