Chine : attaque d’un gisement pétrolier au Soudan

China_africa_usa Un important groupe rebelle du Darfour a affirmé avoir attaqué mardi un gisement pétrolier exploité par une firme chinoise dans le centre du Soudan.

L’armée quant à elle préfère parler de « tentative d’assaut qui a échoué ». La main-mise des compagnies chinoises sur les ressources en hydrocarbures du Soudan serait-elle pour déplaire à certains ?

« Nous avons attaqué à 06H00 (03H00 GMT) le gisement pétrolier de Rahaw (sud du Kordofan) et pris contrôle de l’installation », a indiqué un commandant du Mouvement pour la justice et l’églité (JEM), Abdel Aziz Nur al-Asher, disant que son groupe voulait forcer les firmes chinoises à quitter le Soudan. « Aucun civil n’a été tué ou blessé dans l’attaque dont l’horaire a été étudié pour éviter des pertes civiles », selon lui. « Nous avons neutralisé la force de protection composée de trois bataillons et détruit les installations, ce qui a arrêté la production« .

« Le site de Rahaw est situé au nord-ouest de celui de Hajlil, que nous avions attaqué le 23 octobre et la nouvelle attaque vient confirmer notre intention de dire aux compagnies chinoises de quitter le pays », a-t-il affirmé.

Le chef du JEM Khalil Ibrahim a précisé que les rebelles avaient attaqué une garnison sur le site et poussé à la fuite trois bataillons de l’armée soudanaise, qui protégeaient les lieux. Des sources onusiennes ont confirmé cette attaque.

Khalil Ibrahim a refusé d’indiquer s’il y avait des victimes. Selon lui, l’assaut a été donné dans le secteur de Heglig, dans la région de Kordofan, à environ 700km au sud-ouest de Khartoum. Il a ajouté qu’un grand nombre de véhicules, armes et munitions avaient été saisis. Le secteur de Heglig abrite les plus importants gisements pétroliers du Soudan, avec une production estimée à 20.000 barils par jour.

Le chef du mouvement rebelle a précisé qu’une compagnie chinoise portant le nom « Great Wall » (la Grande muraille) gérait le gisement pétrolier. Un responsable du groupe CNPC a confirmé qu’une de ses sociétés, Great Wall Drilling, opérait au Soudan. Mais il n’avait reçu aucune information sur une éventuelle attaque.

Selon Khalil Ibrahim, les rebelles ont attaqué le gisement car ils sont hostiles à toute présence de compagnies pétrolières étrangères au Soudan. « Nous avons perpétré cette attaque à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme », a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphonique avec l’Associated Press au Caire.

Un porte-parole de l’armée soudanaise a pour sa part affirmé qu’une vingtaine de rebelles avaient tenté d’attaquer un camp militaire proche du gisement, avaient dérobé un véhicule d’une firme chinoise et pris la fuite lorsque ce véhicule a heurté l’enceinte de l’installation pétrolière. « Aucun site pétrolier n’est sous le contrôle du JEM et la sécurité des sites est assurée« , a ajouté le porte-parole, cité par l’agence officielle Suna.

Le 23 octobre, le JEM avait enlevé cinq employés du secteur pétrolier, dont un ingénieur égyptien et un autre irakien, qu’il avait ensuite libérés. Il avait affirmé vouloir pousser ainsi les firmes chinoises à partir. Pour rappel, le JEM est un mouvement qui n’a pas participé, comme d’autres groupes rebelles du Darfour, aux négociations de paix parrainées par l’ONU et l’Union africaine fin octobre en Libye.

Pour rappel, Pékin, premier client du pétrole soudanais, a été accusé d’empêcher le vote de sanctions internationales contre Khartoum dans le conflit du Darfour, une région de l’ouest du Soudan en guerre civile depuis 2003. La GNPOC, un consortium incluant l’ONGC indienne, le Chinois CNPC, le Malaisien Petronas et le Soudanais Sudapet assure plus de la moitié des quelque 500.000 barils par jour produits au Soudan, dont la plupart sont exportés en Chine.

Selon des statistiques chinoises, la Chine a accru de 124% ses échanges commerciaux avec le Soudan au premier semestre de cette année par rapport à la période correspondante de 2006. Ses ventes d’armes au Soudan ont été multipliées par 25 entre 2002 et 2005, ce qui fait de Pékin le premier fournisseur d’armes à Khartoum, les relations militaires bilatérales « se poursuivant sans relâche et se renforçant peut-être même« , selon l’étude.

En octobre dernier, des militants internationaux oeuvrant pour l’arrêt du conflit au Darfour ont exhorté le président chinois Hu Jintao à cesser de vendre des armes au Soudan, invitant également Khartoum à accepter le déploiement de casques bleus.

La lettre de la Save Darfur Coalition à Hu Jintao était accompagnée d’une nouvelle étude accusant la Chine de double langage consistant à tenter apparemment de mettre fin à la crise au Darfour pour éviter tout problème avant les Jeux olympiques de Pékin, en 2008, tout en continuant à armer et à enrichir le gouvernement de Khartoum.

La coalition, qui réunit 180 groupes religieux et de défense des droits de l’homme, loue la récente décision de la Chine de coopérer aux efforts internationaux afin de résoudre la crise du Darfour. Mais elle ajoute que la position de Pékin est « ambiguë ».

Sources : AFP, AP, Reuters

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