Rien ne va plus pour l’Airbus A400M.
Tentant son va-tout dans le cadre de ce que certains pourraient appeler un chantage, le groupe d’aéronautique EADS menace de suspendre le programme du nouvel avion militaire A400M de sa filiale Airbus si les clients ne font pas preuve de compréhension face aux difficultés qu’il rencontre.
C’est en tout cas ce qu’affirme l’hebdomadaire Der Spiegel, citant une lettre d’EADS.
Deal pour le moins « étrange », démontrant à quel point EADS se trouve démuni face à l’ampleur du problème. Rien de très réjouissant …
Dans un courrier adressé aux sept pays qui ont commandé des A400M, le directeur exécutif d’EADS, Louis Gallois, explique que l’A400M est une « affaire fortement négative » qui crée des « difficultés considérables » à EADS et pèse sur la « performance » économique de tout le groupe.
Les « profits escomptés » de la vente prévue de 180 appareils ont déjà été « investis » et « la situation peut devenir intenable dans les prochains mois si nous ne parvenons pas à trouver ensemble un accord qui contente tout le monde », met en garde M. Gallois dans ce courrier reçu par le ministère de la Défense à Berlin, selon le Spiegel.
EADS exige que les clients renoncent aux pénalités prévues dans les contrats entre les deux parties en cas de retards de livraison.
Toutefois, écrit le Spiegel, dans son édition à paraître lundi, « malgré cette lettre de Gallois (…), berlin entend bien rester ferme. Le gouvernement allemand considère toujours qu’on ne pourra discuter de « concessions financières » qu’à partir du moment où une date de livraison aura été fixée, ajoute le magazine.
Selon le quotidien allemand Financial Times Deutschland, Louis Gallois aurait précédemment écrit aux clients de l’Airbus A400M en vue d’implorer leur clémence.
Dans un courrier, également adressé aux sept pays qui ont commandé des A400M ainsi qu’à l’Occar (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement), également cliente, M. Gallois implore « la compréhension » des gouvernements concernés, selon le journal. La lettre ne contient pas d’indication sur le retard escompté ou les coûts supplémentaires attendus.
Si Louis Gallois avait indiqué la semaine dernière tabler sur un premier vol de l’A400M « avant la fin de l’année », quelques jours plus tard le quotidien Les Echos faisait état d’une envolée des coûts du projet, et d’un report du premier vol à 2009. D’ores et déjà, les analystes tablent sur des charges supplémentaires de 200 à 700 millions d’euros. Selon le journal, les problèmes viendraient du logiciel Fadec, en lien avec le moteur et les hélices.
Avec un programme de quelque 20 milliards d’euros, l’appareil devait à l’origine effectuer son premier vol fin 2007 et un premier exemplaire aurait dû être livré à l’armée de l’air française en octobre 2009. A l’heure actuelle, il demeure prévu que la France réceptionne son premier appareil de ce type en avril 2010.
Le FTD cite quant à lui une source non identifiée selon laquelle les retards pourraient aller jusqu’à deux ans par rapport au calendrier initial. Or en cas de retards de livraison, des pénalités sont à prévoir. Une provision de 1,4 milliard d’euros figure d’ores et déjà dans les comptes du groupe.
Carlos Suarez, le directeur général de Airbus Military, filiale d’EADS avait affirmé fin avril à Séville que la motorisation de l’avion de transport militaire A400M, assurée par un consortium composé de Safran et du britannique Rolls-Royce, restait le point sensible de ce programme.
« Les moteurs sont la partie la plus sensible du programme. Cette question reste centrale pour le premier vol d’essai et également dans le cadre de la production. Il nous faudra régler ce sujet dans les prochains mois« , a ainsi averti Carlos Suarez lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion d’une visite du site d’assemblage de l’A400M à Séville.
Lors d’un point de presse, en juin dernier, Louis Gallois avait enfoncé le clou : « Notre objectif est toujours d’avoir un premier vol cet été même si nous devons convenir que c’est de plus en plus tendu notamment à cause du moteur« , avait-il affirmé.
« L’avion est compliqué, le moteur est compliqué et l’interface est également complexe« , avait-t-il poursuivi … avant que la date du premier vol ne soit encore une fois reportée …
L’appareil, déjà commandé à 192 exemplaires, dont 180 venant des donneurs d’ordre « historiques » (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grande-Bretagne, Luxembourg et Turquie), huit de la part de l’Afrique du Sud et quatre de la Malaisie, doit remplacer les C-130 Hercules de Lockheed Martin et l’avion franco-allemand C-160 Transall.
L’Allemagne constitue un client de tout premier ordre, avec 60 appareils commandés. Un retard important poserait des problèmes à l’armée allemande, contrainte d’utiliser plus longtemps sa flotte de Transall, loin d’être encore d’une première jeunesse.
Dès le début de l’année, les syndicats d’Airbus avaient exprimé leurs craintes de voir l’avion de transport militaire européen A400M connaître les mêmes dérives que l’A380, le très gros porteur de l’avionneur européen dont la première livraison a accusé deux ans de retard.
« 2008 ne sera pas une année tranquille pour nous, c’est le moins que l’on puisse dire. Il y aura les problèmes de montée en cadence de l’A380 auxquels viennent se greffer ceux de l’A400M. Et derrière se profile le lancement de l’A350« , avait ainsi déclaré début janvier Françoise Vallin, déléguée centrale CFE-CGC.
Sources : AFP, Reuters, AOF, Les Echos
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