Enième « combat » dans la guerre des pipelines Russie/Union européenne via South Stream/Nabucco.
L’Ouzbékistan, le Kazakhstan et le Turkménistan – pays d’Asie centrale qui ont tous trois la « particularité » d’être des anciens membres de l’ex-Urss tout en étant doté d’importances ressources en hydrocarbures – semblent pour le moins se faire prier pour accorder leur soutien à Nabucco, projet de gazoduc d’une importance stratégique majeure, permettant notamment de s’affranchir du diktat russe dans le domaine.
Selon des sources diplomatiques, les représentants de l’Ouzbékistan, du Kazakhstan et du Turkménistan, pays clés pour l’approvisionnement du gazoduc Nabucco ont en effet refusé de signer vendredi la déclaration politique préparée pour un mini-sommet organisé par l’UE à Prague.
Or, cette rencontre visait précisément à renforcer l’engagement politique de ces pays en faveur de Nabucco, en réunissant les dirigeants de l’UE et des responsables des nations directement concernées par le projet, qu’elles soient fournisseurs de gaz ou pays de transit.
Les présidents azerbaïdjanais, géorgien et turc – Ilham Aliev, Mikheïl Saakachvili et Abdullah Gül -, ainsi que le ministre du Pétrole égyptien Sameh Fahmy, ont quant à eux signé – aux côtés des dirigeants de l’UE – la déclaration soutenant Nabucco.
Il est vrai que la Turquie pourrait mettre son adhésion à l’Union européenne dans la balance … Le président turc Abdullah Gül a confirmé lors d’une conférence de presse à Prague, que son pays allait « signer un memorandum sur le projet de Nabucco ». « Nous sommes intéressés de le signer », a-t-il ajouté … tout en soulignant que la volonté politique d’Ankara sur ce dossier était aussi forte que son désir d' »ouvrir un nouveau chapitre » dans les négociations d’adhésion à l’UE. Le message est clair …
D’autant plus qu’Ankara affirme contribuer par son soutien au gazoduc à améliorer la sécurité énergétique de l’UE.
La déclaration précise que la Turquie et les pays européens concernés feront tout pour boucler d’ici la fin juin « un accord intergouvernemental » sur Nabucco. Cet accord comprend les modalités de transit du gaz par le territoire turc, objets de mois de négociations serrées.
Faisant fi des réticences de ses voisins, M. Gül s’est montré très confiant sur l’avenir du projet. « Les pays du Caucase, de l’Asie centrale et du Moyen Orient sont très déterminés à participer, c’est pourquoi ce projet se fera », a-t-il ainsi affirmé.
La construction de Nabucco doit commencer en 2011 afin qu’il devienne opérationnel en 2014. Mais le projet visant à construire un gigantesque pipeline de 3.300 km peine à trouver des investisseurs faute de garanties d’approvisionnement en gaz suffisant de la part des pays de la Caspienne. Fin avril Nabucco ne disposait que d’un cinquième des engagements en gaz nécessaires à sa viabilité. Le sujet est d’importance alors que le gazoduc devrait permettre à l’Europe de profiter des gisements gaziers de la Caspienne et réduire sa dépendance vis à vis de Moscou.
Le groupe allemand RWE et le ministre bulgare de l’Economie et de l’Energie ont estimé récemment que malgré la crise, les pays européens devaient s’engager clairement à financer Nabucco s’ils veulent réduire leur dépendance vis-à-vis du gaz russe.
« Il est temps de prendre des décisions. L’Europe et la Turquie doivent abattre leur cartes. Les pays fournisseurs et les investisseurs n’attendront pas toujours« ,
a ainsi déclaré fin avril Jeremy Ellis, le responsable du développement du groupe allemand RWE Trading, société, membre du consortium de réalisation du pipeline qui transportera du gaz de la mer Caspienne entre l’Azerbaïdjan et l’Autriche (via la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie), . M.Ellis espère que l’accord attendu sera paraphé à la fin du mois de juin.
La Bulgarie, l’un des pays les plus touchés par l’interruption des livraisons de gaz russe en janvier dernier, exhorte elle aussi à une accélération du dossier. « Avec la crise, la pure logique économique indique que nous devrions vraisemblablement enregistrer des retards, certains projets pourraient même être abandonnés. Mais la logique politique dit au contraire qu’il faut accélérer la réalisation des projets, » a déclaré le ministre bulgare de l’Economie et de l’Energie, Petar Dimitrov en appelant les pays consommateurs de gaz d’Europe de l’Ouest et les institutions financières internationales à participer au financement de Nabucco.
A noter par ailleurs que la Turquie et l’Azerbaïdjan sont en pourparlers à propos du transit du gaz d’Azerbaïdjan provenant du champ de Shah-Deniz dans la mer Caspienne développé par BP et StatoilHydro. Les négociations ont été retardées par les exigences d’Ankara qui réclame une part du gaz transitant par le territoire turc.
Il ya quelques jours à peine, le gouvernement bulgare a déclaré pour sa part qu’il envisageait le projet South Stream en tant qu’initiative importante, au même titre que le projet Nabucco. « Le gouvernement bulgare perçoit South Stream comme un projet important, tout comme le projet Nabucco dans lequel nous sommes actionnaires », a annoncé M.Stanichev intervenant à l’Académie diplomatique à Moscou.
« Les volumes du gaz consommée par l’UE vont croître dans les 20-30 prochaines années. L’UE aura besoin des livraisons du gaz prévues par les projets South Stream, Nabucco et d’autres. Il est nécessaire de coopérer dans ces domaines au lieu de faire naître une concurrence acharnée qui pourrait empêcher la mise au point des projets », a par ailleurs déclaré le premier ministre bulgare.
Sources : AFP, les Echos, Reuters, Ria Novosti
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