Radioactivité : des milliers de paratonnerres nous menacent

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Si la radioactivité semble menacer en tout premier lieu les Japonais, suite à la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima, la France pourrait ne pas être épargnée  par ce nouveau fléau des temps dits « modernes ».

Car des dizaines de milliers de paratonnerres radioactifs  planent au dessus de nos têtes … et depuis fort longtemps …

Depuis le 11 mars 2011, un site web mobilise les internautes autour de l’opération citoyenne d’utilité publique lancée par l’Inventaire national des paratonnerres radioactifs (INAPARAD). Son objectif : tenter de repérer les quelques dizaines de milliers de paratonnerres radioactifs (parads) perchés sur nos toits et ceux de notre entourage afin d’en établir un inventaire précis. Chose qui n’avait encore jamais été faite.

Cette initiative vise en tout premier lieu à informer les élus des collectivités territoriales, en général ignorants du problème, et plus généralement le public.

Au delà, elle contribue a repérer les appareils les plus dangereux pour la santé du public et l’environnement. Elle favorisera enfin les campagnes de démontages (dépose) quand la filière sera capable de le faire de façon organisée et systématique.

En à peine deux mois, ce sont déjà plus d’une cinquantaine de « chasseurs » bénévoles qui se sont spontanément mobilisés sur l’ensemble du territoire avec plus de 200 parads à leur actif.

Précisons que les paratonnerres radioactifs ont été fabriqués entre 1936 et 1986. Leur interdiction de fabrication et de vente a pris effet le 01 janvier 1987 à la suite de l’Arrêté du 11 Octobre 1983.

Seules les Installations Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE) ont obligation de les faire déposer avant fin 2012. Pour ce faire elles doivent faire appel à une entreprise dûment autorisée par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), le « Gendarme » du nucléaire français.

S’agissant des autres parads, rien n’a été prévu sauf s’ils font partie de chantiers de démolition, s’ils tombent accidentellement au sol ou s’ils apparaissent ici ou là chez des particuliers.

C’est ainsi qu’à Pâques, les sapeurs pompiers de l’Unité Mobile d’Intervention Radiologique du Calvados (UMIRad) sont intervenus chez un particulier qui s’en servait d’objet décoratif dans son salon …depuis 19 ans ! Après l’avoir soigneusement brossé pour le faire reluire, il avait finalement décidé de le mettre en vente sur un site Internet sans en connaître les dangers. C’est ainsi que l’INAPARAD l’a repéré et alerté l’UMIRad.

L’entreprise française Hélita fut la première, en 1936, a utiliser la technologie d’ionisation radioactive de l’air autour de la tête des paratonnerres. L’ancêtre de sa production est le modèle « à calotte » au radium 226. L’ionisation de l’air augmentant sa conductivité électrique est censée accroîre le rayon d’action et donc l’efficacité de ces appareils.

A elle seule Hélita aurait fabriqué environ 230.000 parads (au radium 226 jusqu’en 1970, puis à l’américium 241 jusqu’en 1986). La majorité de ces appareils ont été exportés, notamment dans nos anciennes colonies.

Le radium 226, isotope du radium, est un métal extrêmement radioactif dont la demie-vie ou « période » est de 1.602 ans. C’est le temps qu’il lui faut pour perdre la moitié de sa radioactivité. Il émet des rayonnements Alpha, Bêta et Gamma et présente des risques d’irradiation et de contamination.

 De 1936 à 1985, le radium 226 fut majoritairement utilisé dans les parads. Provenant essentiellement des mines africaines de sulfate de radium du Haut Katanga (ex Congo Belge), il n’était pas soumis à règlementation puisque considéré comme un minerais d’origine naturelle.
Autrefois en vente libre, il n’était donc pas été « tracé » par les autorités.
 La société Indélec, dernière a utiliser le radium dans ses parads, en a produit entre 1960 à 1985, avec deux appareils différents dont l’un nommé « pointe active TD » est très difficile à identifier depuis le sol car d’autres modèles non toxiques lui ressemblent en tous points.
 Le radium 226, est considéré comme un déchet radioactif  de Faible Activité à Vie Longe (FA-VL). Les études pour l’ouverture d’un centre d’enfouissement définitif des FA-VL sont toujours en cours. L’Américium 241 est quant à lui un dérivé du plutonium 241, produit par des réactions dans les centrales nucléaires. L’une des applications industrielles de l’américium 241 est d’amorcer la réaction de fission des réacteurs atomiques. Sa « période » est de « seulement » 432 ans. Il émet essentiellement des rayonnements Alpha et présente surtout des risques d’irradiation.

Les fabricants de parads  se fournissaient en Am 241 auprès du Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Les premiers parads à l’américium 241 ont été fabriqués à partir de 1970 par l’entreprise Hélita et ce, jusqu’en 1986. Elle a été imitée par Franklin France  entre 1981 et 1986 mais les appareils radioactifs de cette marque sont bien plus rares.

Combien de parads toujours en place ? Environ 40.000 selon l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) mais le chiffre semble exagéré. Il se situerait plutôt entre 30.000, selon les professionnels de la protection foudre, et 25.000 selon l’administrateur du site de l’INAPARAD. En fait personne ne connaît précisément leur nombre.

Combien de parads déposés annuellement ? Entre 300 et 500, ce qui correspond à la capacités maximum de stockage de l’Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) – « l’éboueur » du nucléaire français – Précision: pour l’ANDRA, le terme « stockage » veut dire DEFINITIF, a ne pas confondre avec « entreposage » qui signifie TEMPORAIRE.

Combien coûte leur dépose ? C’est variable car des aides ont été mises en place en faveur des petites communes, de certains établissements, notamment scolaires, et des petits propriétaires. Des professionnels autorisés par l’ASN a déposer consentent aussi des tarifs attractifs quand le parad est détenu par un particulier.

Il faut cependant savoir qu’en cas de chantier « normal », la dépose, le remplacement et la mise aux normes des descentes et des prises de terre peut atteindre 15.000 € – l’unité ! – et parfois plus s’il s’agit de faire appel à des cordistes (spécialistes des travaux d’accès difficile, tels que les clochers d’églises) ou à une grue et une nacelle.

Un simple calcul, rapporté au nombre d’appareils a déposer, laisse apparaitre que ce gigantesque chantier d’éradication pourrait générer à terme un chiffre d’affaire pouvant avoisiner les 450 millions d »euros. Elément non négligeable par ces temps de crise …

La Loi du 28/06/2006, et les Arrêtés du 01/01/2005 et du 15/01/2008 imposent le recours à un « regroupeur » pour déposer les parads. Il en existe à ce jour seulement 13 sur l’ensemble du territoire. Pour obtenir l’autorisation ASN, les candidats regroupeurs doivent disposer de locaux sécurisés et de personnels spécifiquement formés par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire (IRSN).

On peut donc raisonnablement espérer que l’initiative de l’Inventaire national des paratonnerres radioactifs et son succès médiatique, fasse enfin « bouger les lignes » au niveau des services décentralisés de l’Etat afin qu’un échéancier de dépose de tous les parads soit voté par le Parlement, avec priorité donnée au démontage des appareils les plus anciens et/ou en mauvais état.

Mais avant, il faudra que le problème crucial du stockage des déchets ait enfin trouvé une solution pérenne.

Plus d’infos : http://www.paratonnerres-radioactifs.fr/   

Sincères remerciements à Jean-Christian Tirat pour son étroite collaboration.

(22 commentaires)

  1. > Le radium 226, isotope de l’uranium
    Non ; le radium 226 est un isotope du radium (228, 226) ; l’uranium ayant lui-m

  2. Bonjour Dadounet
    Vous avez parfaitement raison de signaler que le radium 226 est un isotope du radium et non pas de l’uranium, comme

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