Immobilier : les prix vont-ils baisser ?

Voici la question qui s’étale à la une de MSN depuis ce matin : « Prix de l’immo, vont-ils baisser ? »

Plutôt qu’à de la guimauve non justifiée, non argumentée, derrière un titre qui pose une question sérieuse, on s’attendrait à une analyse de l’état du marché, mais non, on aura droit à un slogan publicitaire pas argumenté : Il est toujours temps d’acheter !

Acte manqué ou délibéré, MSN a déniché l’économiste le plus haussier de France et de Navarre, la bête noire des forumeurs et blogeurs, qui s’arrachent les cheveux, pensifs : mais où est-ce qu’il est allé chercher tout cet optimisme ?

Même les agents immobiliers ont du mal a cacher leur inquiétude face au blocage actuel qui s’opère, lentement et sûrement. Michel Mouillart a probablement cessé de lire Greenspan et les dépêches (elle arrive la dépêche explosive de ce matin, laissez-moi quelques instants), de visiter les agences et d’analyser les stocks. Est-il agent immobilier ?

« Il est toujours temps d’acheter », nous assène M. Mouillart dès le titre !

Ah ? Il est toujours temps d’acheter ?! En haut du cycle, quand on est presque sûr que ça ne pourra qu’être moins cher dans les mois ou années à venir. Tous les spécialistes reconnus du secteur invitent à la prudence, depuis des mois.

« MSN : « Les biens immobiliers ont atteint des niveaux de prix record. Peut-on parler d’une bulle immobilière, menacée d’explosion ?

M. M. Certains arguments plaident en faveur de cette idée. Notamment la rapidité de l’évolution des prix : ils ont plus que doublé en 7 ans ! De même, la durée inhabituelle du phénomène peut apparaître comme une menace. Au départ, à la fin des années 1990, les prix ont surtout rattrapé un certain retard. Mais depuis 2000, les niveaux constatés au moment de la crise de 1991 ont été largement dépassés. D’où la crainte d’une nouvelle rechute.

La durée de la hausse est une menace ? Pour la corporation BTP / Immo ?! Sinon, c’est un salut pour tous les exclus du marché immobilier du monde ! Un assainissement du marché, avant que la pierre ne devienne incontrôlable, serait salutaire pour l’économie, écoutez donc Trichet, Greenspan et un troisième « oracle » dont le blog finance vous parlera dès ce soir. Et des centaines d’économistes, inquiets. Les Banques centrales ne savent plus comment gérer la situation, mais il y a des incurables optimistes, visiblement.

MSN : Et pourtant, vous n’y croyez pas ?

Non, car beaucoup de choses ont changé depuis 1991. La hausse des prix s’est accompagnée d’une transformation de la clientèle. Il y a 10 ans, les accédants à la propriété étaient essentiellement des ouvriers et des employés. Depuis 2001, ce sont majoritairement des cadres, des professions libérales. Leurs revenus progressent plus que la moyenne : 6 % en moyenne par an. Ils ont donc toujours les moyens d’acheter.

Blog Fin : C’est vraiment la conséquence, peu réjouissante, qui est présentée comme la cause du phénomène. Aujourd’hui, le profil des accédants a changé, parce que les classes populaires sont évincées de l’accession à la propriété, et même les cadres n’y arrivent plus. Le profil des acheteurs n’a rien à voir avec l’effritement de la rentabilité locative, et l’arrivée massive des Robien qui ne trouvent plus preneur aussi facilement et peinent à trouver des locataires seront décisifs.

MSN : L’optimisme n’était-il pas le même en 1990, avant la crise ?

M.M. Il y a 15 ans, nous n’avions absolument pas les mêmes outils pour appuyer nos analyses ! Nous connaissions tout juste les prix pratiqués dans Paris intra muros. Aujourd’hui, nous pouvons suivre les relations des marchés entre eux : par exemple, nous constatons que les prix se maintiennent à l’Ouest grâce à la demande des retraités parisiens. Ainsi, compte tenu des transformations à venir des clientèles, nous escomptons une progression des prix plus modeste à l’avenir, de l’ordre de 6 ou 7 % par an. Mais ni leur baisse ni leur stabilisation.

Le Blog Finance : quel baratin ! La solvabilité n’a aucun rapport avec les outils d’observation du marché ! Et d’après les banques centrales, l’endettement des ménages européens est inquiétant. Permettent-il de le mesurer, vos outils, M. Mouillart ?

MSN : Conseillez-vous à vos amis d’acheter en ce moment ?

M.M. Oui bien sûr ! Il est toujours temps d’acheter, pour des dizaines de raisons. Pour trouver un logement à son goût, pour préparer sa retraite, pour épargner… Et les conditions d’emprunts restent exceptionnelles.

Le blog Finance : espérons que les amis de M. Mouillart, s’il lui en reste, auront plus de chance que nous, et entendront ces dizaines de raisons de faire… un mauvais investissement au moment où l’immobilier amorce sa descente. Parce que nous, nous sommes restés sur notre faim, et de ces dizaines, centaines tant que vous y êtes, nous n’en avons pas lue une seule.

« Trouver un logement à son goût », n’est pas une raison suffisante pour acheter, surtout à crédit. C’est la recette du fameux coup de coeur (c’est lui, le logement de ma vie !) = boulet au pied (mais qu’est-ce que j’ai fait ?) = surendettement (j’ai perdu la tête mais je sais pas comment je vais m’en sortir). Il faut que le montage financier soit cohérent, l’emplacement logique, adapté à votre vie, et le moment opportun. Le sommet du cycle immobilier ressemble à s’y méprendre au pire moment. 

Il y a des moyens plus efficaces de faire fructifier son épargne qu’en risquant une moins value, et au sujet de la retraite, je répète à mes amis depuis début 2005 : « préparer sa retraite, c’est vendre, en ce moment en tout cas ! »

Un deuxième titre vient d’apparaître sous ce dossier « Prix de l’immo, vont-ils baisser ? ». « Acheter maintenant = encore une affaire ». Eh bien ! Vive la presse indépendante ! Il n’y a que ça à dire !