Immobilier et surendettement : c’est toute la société qui va mal

M.Phoenix : Bonjour, cher lecteur. Vous avez souhaité réagir sur la problématique du surendettement à la suite de l’un de nos dossiers, mais votre texte mérite un article, et c’est avec joie que je vous publie dans ma colonne. D’après vous, les racines du mal-logement et de la spéculation immobilière actuelle sont plus profondes que le matraquage des professionnels et le surendettement qui éventuellement en résulte ?

Nous vivons dans une société individualiste dans laquelle les gens ne sont plus concernés par la collectivité mais uniquement par leur situation personnelle. La faillite de la société actuelle vient du fait que chaque individu est déresponsabilisé. « Laissez-moi en paix, ne me dérangez pas » semble être la devise de notre temps. Un héritage de mai 68 ou un zeste de culture latine ? Du moment que l’état est là pour tout régler ! Sauf que la société est à l’abandon car l’état ne peut plus tout gérer et les financiers ont pris les rennes de la société. Tout doit être rentable à court terme.

M. Ph. Pourquoi la société dérive-t-elle d’après vous ?

Je dis que nous les individus sommes responsables de l’état actuel de notre société :

– Nous avons le chômage que nous méritons à force de tout vouloir acheter à bas coûts, nous avons les délocalisations, les plans sociaux qui vont avec.

– Nous avons les logements trop chers que nous méritons à force de nous endetter pour des biens surévalués.

– Nous avons le taux de criminalité que nous méritons à trop vouloir exclure et regrouper des catégories de populations jugées par trop indésirables au faciès condamnable (je fais partie de cette catégorie de population).

– Nous avons des élites nullissimes, qui se perdent dans des schémas de raisonnements désuets et improductifs oubliant la remise en cause nécessaire de leurs fondamentaux pour pouvoir poser les bases de nouvelles idées.

– Nous avons enfin des hommes politiques et systèmes de gouvernance clientélistes qui n’ont d’intérêt que de servir les leurs.

M. Ph. A qui la faute ?

Et bien à nous mêmes. La croissance relancée par l’immobilier, le chômage bientôt réduit par le CNE/CPE, le système de santé assaini par l’augmentation des généralistes et la généricité des médicaments, l’éducation assurée par les ZEP et la télévision, la criminalité réduite par l’interdiction des regroupements de jeunes et la condamnation des parents ne sont que des mesurettes pour les journaux télévisés.

Nous sommes depuis des décennies dans une voie d’américanisation (au sens d’organisation) de la société, les riches vivront dans des quartiers inabordables ou en dehors des villes dans résidences sécurisées tandis que les pauvres s’entasseront dans des ghettos pas chers et pas entretenus.

M. Ph. Alors la solution ?

Ou on continue le « chacun sa croix », les meilleurs s’en sortiront et globalement la remise en question n’aura jamais lieu. Ou chacun prend sur soi d’apporter sa pierre à l’édifice (bravo pour le jeu de mot, ndlr) ce qui est beaucoup plus difficile car on s’attaque à des modes de pensée, à des règles existantes, à des pouvoirs auto-conservateurs.

Nous ne vivons plus dans une société dont le but est l’épanouissement de chaque individu, où chacun trouve sa place mais dans un amas d’individualités en compétition. Les derniers se battant pour les restes. Je ne suis pas sûr que la somme des individualités soit supérieure à la valeur collective ou valeur totale de la société.

M. Ph : Où va la société française ?

Ce que je constate c’est que dans les échanges internationaux vis à vis des autres continents, nous perdons notre place, notre crédibilité, nos facteurs d’influence. Pire je dirai même que progressivement nous sommes en voie de tiers-mondialisation car nous n’avons plus la capacité ni la volonté individuelle et collective de faire face et d’agir ce qui est encore plus grave.

Le problème du mal-logement ou du surendettement ne sont que des angles de vision d’un problème plus global.

M. Ph : Oui, nos élites sont parmi les plus décevantes du monde occidental : tantôt autoritaires pour défendre leur pré carré de rentiers, tantôt démissionnaires face à l’immensité de la tâche qui les attend pour mener les réformes de l’Etat à bien.

Source : l’image, un copyright Binet/Fluide Glacial. Elle est extraite du tome 4 des Bidochons « Maison sucrée maison », très drôle !