L’actualité orientale du marché de l’or

Il se passe tant de choses de part le monde… On ne s’en rend pas forcément compte depuis Paris, mais les métaux précieux sont l’objet d’une actualité intense dans le monde entier. Tout spécialement à l’Est de l’Europe, en Russie et en Asie, comme nous allons le voir aujourd’hui au travers des positions des banques centrales de Russie, de Taiwan, du… Népal. Et enfin des tensions persistantes entre les Indonésiens et la minière américaine Freeport McMoran, relancées par la mort de plusieurs personnes cette nuit.

L’actualité du secteur officiel de l’or en Russie

La Banque de Russie, établissement émetteur de la Fédération russe dirigée par Vladimir Poutine, communique toutes les semaines l’état de ses réserves de changes, ce qui intéresse tout particulièrement les investisseurs internationaux que les créanciers internationaux de la Russie. Que la Fédération a à coeur de rembourser par anticipation ces derniers temps.

Assurément, cela n’est pas dans son intérêt financier. Mais cela n’est pas sans rappeler Mao, qui avait remboursé par anticipation un prêt à dollars consenti par l’Union soviétique de l’après-guerre – et qui pour la petite histoire avait finalement servi à la Chine à acheter des armes à l’URSS pour soutenir la Corée du Nord contre celle du Sud et les alliés occidentaux, au début des années 50. Bref : comme Mao, Poutine prend cette décision afin de marquer son indépendance financière par rapport aux créanciers occidentaux bien en cour sous Eltsine. Il peut se le permettre, en bonne partie grâce aux recettes des exportations minérales. Le pétrole principalement, mais aussi toute une variété de métaux comme l’aluminium, le fer, l’or, le platine…

Nous savons que la Banque de Russie s’est fixé comme objectif de faire passer de 5 à 10% la proportion d’or parmi ses réserves de changes, qui font déjà la part belle à l’euro. Si elle ne précise pas où elle en est de cet objectif, l’agence RIA Novosti a indiqué cette semaine qu’au 16 mars 2006, les réserves d’or et de changes de la Russie s’établissaient à 201,7 milliards de dollars, franchissant ainsi à la hausse la barre des 200 milliards. La semaine passée, le niveau des réserves était de moins de 198 milliards. Quel est le niveau de l’or dans ce total ? Mystère. Tout ce que la banque indique, c’est qu’au 31 décembre 2004, ses réserves d’or monétaires valaient 3,7 milliards de dollars US. C’est la dernière fois que ce chiffre a été publié. Wait and see…

La Banque de Russie a déjà prouvé par le passé son intérêt pour le bon fonctionement du marché des métaux précieux en Russie et sa contribution au développement du pays. Ses premières recommandations sur le sujet, adressées au gouvernement, datent de 1996. En 2000, dans un document intitulé « Recommandations du Comité national bancaire sur le développement du marché des métaux précieux », la banque se félicitait des premières réformes adoptées. « L’établissement d’un marché interbancaire des métaux précieux aidera à stabiliser le système monétaire et financier de la Fédération de Russie et soutiendra sa devise. L’amélioration de la liquidité du marché [russe] des métaux précieux stabilisera le crédit accordé et la production de métaux précieux, ce qui rendra possible la réduction graduelle des subventions fédérales à ce secteur ».

Juste après, la banque russe notait, prévoyante : « Les banques commerciales investiront dans l’industrie minière aurifère, ce quia assurera des revenus fiscaux stables pour le budget fédéral et l’accroissement des réserves d’or du pays (…) ». Tout serait donc calculé ? Après quoi la banque prônait l’accélération de la mise en place du marché russe des métaux fins, notamment l’adoption rapide d’une loi fédérale « sur les métaux précieux et les pierres précieuses ».

Selon le World Gold Council, la Banque de Russie détenait 387 tonnes d’or, officiellement, à la fin de l’année 2004.

A Taiwan, la banque centrale est plus précise…

La banque centrale de la Chine nationaliste, sur l’île de Taïwan, se montre plus précise. Ce même 16 mars, elle précise que ses réserves de changes se montaient à 257 milliards de dollars US fin février. Et que sur cet ensemble, elle détient 13 millions d’onces d’or d’une valeur de 7 milliards de dollars. Soit moins de 3% de l’ensemble, dans une région du monde où la proportion des réserves d’or sur les réserves totales est de cet ordre.

On notera que selon les statistiques publiées par le World Gold Council, la Banque de Chine nationaliste détenait 421,8 tonnes d’or à fin 2004 (ou 13,5 millions d’onces ‘troy’ d’or). Soit la deuxième plus importante réserves d’Asie après les 600 tonnes de la Chine populaire, qui selon des rumeurs serait en train d’augmenter son stock d’or.

Et au Népal aussi…

Au Népal aussi, le marché de l’or se développe. Même si le pays est déchiré par une guerre opposant une guérilla d’obédience maoïste – décidément… – au pouvoir du roi du Népal, GYANENDRA Bir Bikram Shah, en place depuis 2001. Et qui de fait ne contrôle plus grand’ chose de son Etat…

Il n’en reste pas mois qu’aujourd’hui 16 mars, la Nepal Rastra Bank, banque centrale du pays, a « émis une circulaire destinée à toutes les banques les invitant à se lancer dans l’activité d’importation d’or ». Ainsi, tout établissement régulièrement installé au Népal pourra « se lancer dans les activités liées au marché de l’or » et pourra « importer des quantités illimitées d’or par l’intermédiaire d’une lettre de change ». Selon l’agence chinoise Xinhua, un officiel de la banque centrale népalaise précise que cette décision touche aussi les banques commerciales.

D’après Xinhua, le but de cette mesure est de lever la contrainte qui s’exerce sur l’offre d’or dans le pays ; pour permettre d’alimenter l’industrie joaillère locale, grande exportatrice d’objets d’or. « Et de décourager les importations illégales d’or en provenance d’Inde », ajoute l’officiel. L’Inde, premier maché mondial de l’or. Selon Xinhua citant des statistiques officielles, le Népal consomme de l’ordre d’une douzaine de tonnes d’or par an.

L’Indonésie : des manifestations contre Freeport font 5 morts

Nous avions déjà parlé des difficultés rencontrées par des compagnies minières aurifères américaines en Indonésie, que ce soit Newmont Mining ou Freeport McMoran. Cette dernière, qui exploite la mine géante de Grasberg, un puits à ciel ouvert, avait dû faire face à quelques blessés lors d’échauffourées avec des mineurs « clandestins » qui vivent des déchets. Les choses ont empiré depuis : des affrontements avec la police ont causé la mort de cinq personnes cette nuit, dans la capitale provinciale, Jayapura.

Selon l’AFP, la police indonésienne rapporte que trois policiers ont été tués, dont deux brûlés vifs, et une vingtaine d’autres sévèrement blessés. Il a nié que deux manifestants aient été tués. Mais une association de défense des droits de l’homme, Elsham, indique que deux manifestants anti-Freeport ont été tués et cinq blessés quand la police a ouvert le feu sur les manifestants. Photo ci-contre  : la mine de Grasberg.

Comme précédemment, les manifestants accusent Freeport de ne pas faire bénéficier assez l’Indonésie des richesses qu’elle extrait de son sol. Les manifestants ont reçu le soutien d’une partie de la classe politique indonésienne, ce qui explique sans doute qu’ils se montrent si virulents. Ils accusent aussi Freeport de polluer l’environnement, comme tel a été le cas avec Newmont l’année passée, Newmont ayant reconnu ses torts et versé une compensation transactionnelle aux collectivités indonésiennes. La corruption des militaires et policiers par les minières est également l’objet d’enquêtes locales.

Le Parlement régional de la province d’Irian Jaya, où se situe la mine de Grasberg, a annoncé la tenue d’une session spécialement consacrée à la mine, dont le contrat avait été négocié sous le régime militaire de Suharto… Elle n’a pas le pouvoir de la fermer, mais peut faire pression sur la capitale Jakarta. Et démontre, si besoin était, que la mobilisation des Indonésiens contre Freeport ne faiblit pas.