Afrique du Sud : gaz du Mozambique, aubaine ou nouveau conflit géopolitique en vue ?

Alors que l’Afrique du Sud est confrontée à une grave crise énergétique, laquelle a des répercussions majeures sur son économie et notamment ses activités – énergivores – de production minières, un nouvel espoir pourrait apparaître à l’horizon. Un rapport du cabinet McKinsey publié mardi estime en effet que l’exploitation de gaz naturel pourrait constituer une solution efficace pour faire face à ce problème.

Rappelant que l’Afrique du Sud va être confronté à un véritable déficit dans l’approvisionnement d’énergie après 2020, le cabinet de conseil américain ajoute que le gaz naturel pourrait jouer un rôle un important pour combler ce déficit.

A l’heure actuelle, l’économie la plus industrialisée d’Afrique s’appuie quasi exclusivement sur le charbon pour sa production d’électricité, elle prévoit toutefois de diversifier son approvisionnement, via l’énergie nucléaire notamment.

Pour les mois qui viennent, McKinsey prévoit une aggravation des coupures de courant dans le pays. Raisons incriminées : la hausse de la demande et la vétusté des centrales à charbon.

Ce rapport voit le jour alors que la première des six unités de la méga-centrale à charbon de Medupi, en construction depuis 2007, a été inaugurée dimanche par le président Jacob Zuma. Elle devrait permettre, à court terme, de soulager le réseau électrique, lequel a atteint l’extrême limite de ses capacités.

S’agissant du long terme, McKinsey estime que cette centrale et sa soeur jumelle de Kusile, en cours de construction, ne suffiront pas, et ce, malgré leur capacité de production globale, laquelle s’élève à 9.600 MW.

Mais désormais l’espoir est ailleurs. Les découvertes de gaz offshore au Mozambique pourraient en effet devenir une ressource stratégique pour le futur approvisionnement en énergie de l’Afrique du Sud, ainsi que les réserves potentielles de gaz de schiste encore inexplorées dans le désert du Karoo, dans le sud-ouest du pays.

Selon le cabinet américain, l’Afrique du Sud pourrait produire jusqu’à 20.000 MW d’électricité grâce au gaz d’ici 2030.

L’enjeu du dossier est de taille alors que les régulières coupures de courant affectent particulièrement les secteurs miniers et manufacturiers, entraînant une contraction de la croissance de 1,3% au deuxième trimestre 2015, faisant redouter à certains l’émergence d’une récession en Afrique du Sud.  Il s’agit du taux le plus faible de croissance réalisé par le pays depuis la récession de 2009.

Le week-end dernier, Le président sud-africain, Jacob Zuma, a rompu son silence au sujet de cette situation économique, en estimant que  »le pays est malade ».  Le gouvernement sud-africain entend désormais faire de l’utilisation du gaz une priorité dans le cadre de ses efforts visant à faire face à une crise énergétique aigue.

 »Nous devons développer l’utilisation du gaz le plus tôt possible », a ainsi déclaré a ministre sud-africaine de l’énergie, Tina Joemat-Pettersson, lors d’une conférence de presse.

Rappelons que le gouvernement sud-africain avait sollicité l’opinion de la communauté industrielle au sujet de l’utilisation du gaz en vue de générer 3.126 mégawatts supplémentaires d’électricité. Une étude sur le sujet a suscité un vif intérêt, a ajouté par ailleurs la ministre, soulignant que le programme de son département visera le développement de l’industrie du gaz dans le pays et dans toute la région d’Afrique australe.

Précisons que le gouvernement sud-africain est encouragé dans sa volonté de diversifier ses sources d’énergie à la suite de récentes découvertes du gaz au large du Mozambique voisin.

Le Congrès National Africain (ANC), qui dirige le gouvernement, s’est récemment attiré les foudres de l’opposition, laquelle voit d’un très mauvais œil son projet de construction de centrales nucléaires pour un coût de 100 milliards de dollars. Le montant est jugé excessivement élevé au moment où le pays vit au rythme d’une grave crise économique.

Reste que l’exploration du gaz de schiste sud-africain a cependant été ralenti ces dernières années suite à des polémiques sur son impact environnemental.  Le rapport de McKinsey pourrait donc constituer à sa manière un argumentaire pour les plus récalcitrants voire moyen de pression pour changer la donne.

Précisons qu’au delà du secteur gazier, c’est également production et prix des matières premières qui sont un jeu …. de quoi bouleverser un échiquier énergétique mondial bien secoué ces derniers temps.

Or, à l’heure actuelle, l’Afrique du Sud importe 77% de son gaz naturel, lequel provient exclusivement du Mozambique.

Le pays dispose d’une seule petite centrale électrique à gaz, gérée par l’entreprise pétrochimique Sasol. La moitié de la production de cette centrale est destinée à la consommation du pays et l’autre moitié est utilisée par la compagnie.

Mais la vigilance est de mise …. alors que l’avenir du secteur du gaz au Mozambique, qui a certes les capacités d’être le troisième plus grand producteur au monde, se joue sur la crédibilité du gouvernement et sur sa capacité à sécuriser les investissements.

L’instabilité générée depuis 2013 par l’ancienne rébellion reconvertie en parti d’opposition, la Renamo, est doteé d’un enjeu stratégique on ne peut plus important. Et ce, d’autant plus que tant que cet épineux dossier ne sera pas résolu, beaucoup d’investissement demeureront en attente.

De quoi inciter certains majors pétrolières à semer la zizanie voire même les chaos pour rafler la mise des licences pétrolières au passage ou éviter que certains concurrents n’y accèdent ? … il n’est pas interdit d’y penser. Alors même que lors du Forum Paix et sécurité en Afrique qui s’est tenu en décembre à Dakar en décembre 2014, le Général de Division Dominique Rakotozafy, Ministre de la Défense Nationale de  Madagascar en personne m’avait alerté sur les dangers  que des mouvements de rébellion et de violence pourraient représenter pour la région.

Avec des réserves immenses – 5,6 trillions de mètres cubes, les plus importantes d’Afrique Subsaharienne – le gaz est considéré comme le futur secteur porteur de l’économie mozambicaine. 

Néanmoins, le développement des infrastructures nécessaires à son exportation exige d’attirer de très lourds investissements étrangers. Un des principaux défis qui se pose au nouveau président mozambicain intronisé le 15 janvier et à son ministre Pedro Couto. Et ce, d’autant plus dans un contexte international de baisse des cours du pétrole et de réductions des grands projets d’infrastructures gazières.

Selon Joao Martins, consultant de Price Waterhouse Cooper (PWC) au Mozambique,  25 milliards de dollars seront nécessaires pour financer quatre unités de production de GNL [gaz naturel liquéfié]. Soit presque deux fois le PIB mozambicain.

La liquéfaction du gaz extrait, étape indispensable pour permettre son exportation par voie maritime, fait appel à de coûteuses technologies de pointe. Les premières exportations sont attendues à l’horizon 2019, selon les prévisions les plus optimistes.

Quelques jours avant la fin 2014, un décret-loi a permis le lancement des projets par l’italien ENI et par l’américain Anadarko d’usines de production de gaz naturel liquéfié (GNL) et de terminaux d’exportation dans la province de Cabo-Delgado (nord). Ce décret a été exigé par les géants gaziers en vue de rassurer les investisseurs sur des questions de stabilité financière et fiscale, alors que le pays est classé 127e au classement « Doing Business 2015 » de la Banque Mondiale.

Sources : AFP, Le Monde, MAP

Elisabeth Studer – 01 septembre 2015 – www.leblogfinance.com

(34 commentaires)

  1. Inquiétant … :

    Mozambique Opposition Suspends Government Talks, O Pais Says
    Tom Bowker
    August 24, 2015 — 3:17 PM CEST

    Mozambique’s main opposition party has suspended regular Monday talks it holds with the government of the gas-rich southern African country amid reports its armed wing clashed with police at the weekend, O Pais newspaper said.
    The meetings have been held in Maputo, the capital, since 2013 and led in September last year to a peace agreement between the Mozambican National Resistance, or Renamo, and the ruling Front for the Liberation of Mozambique, or Frelimo. While Renamo ended a 15-year civil war with Frelimo in 1992, its fighters resumed attacks on government positions in 2012.
    Party leader Afonso Dhlakama told supporters the opposition group would no longer hold the talks because Frelimo “doesn’t want Renamo to take part in the government of this country,” privately owned O Pais quoted him as saying.
    Mozambique has enough reserves to become the third-largest supplier of gas chilled to liquid for export during the next decade, according to Anadarko Petroleum Corp.
    Armed men suspected of being from Renamo attacked a police column in the northwestern province of Tete on Aug. 22, O Pais said. No police were killed in the incident, state-owned newspaper Noticias said.

  2. Moz: Renamo rejects President Nyusi invitation
    Posted by: APA Posted date : August 28, 2015 at 6:22 pm UTC
    The leader of Mozambique’s main opposition, Renamo movement, Afonso Dhlakama has rejected the invitation issued earlier this week by President Filipe Nyusi for face-to-face talks in Maputo to discuss effective peace and stability in the country.The former rebel leader was on Friday quoted in several media as saying the offer of talks was vague and asked Nyusi to propose an agenda for a meeting whose objectives will be clearly spelt out by both parties.

    Reports say President Nyusi did so and responded with a proposed agenda containing three points – analysis of the Agreement on Cessation of Hostilities, signed on 5 September last year, analysis of the dialogue between the government and Renamo, now suspended on Dhlakama’s orders, and miscellaneous issues about peace and security.

    The third point was inserted to cover anything that Dhlakama himself might wish to raise.

    However, according to private television station, Stv, when Dhlakama addressed a rally on Thursday in Namacurra district, in the central province of Zambezia, he declared that he would not meet with Nyusi, and accused the ruling Frelimo government of trying to deceive the international community by letting them believe that dialogue and communication are taking place

    He accused Frelimo of violating both the 1992 peace agreement which ended the 16-year conflict and the September accord on the cessation of hostilities.

    “They violated the agreements and now they want to play with Dhlakama�, he said without specifying which clauses of the agreements had supposedly been violated.

    The 1992 peace agreement envisaged demobilizing the warring forces, forming a new, united army, and holding elections in 1994.

    All of this had taken place but the peace accord did not envisage that, 23 years later, Renamo would still have its own army.

    As for the 3 September agreement, signed by Dhlakama and Nyusi’s predecessor, Armando Guebuza, the purpose was to disarm and disband the Renamo militia.

    To date not a single Renamo gunman has been disarmed.

    Dhlakama said he was only prepared to discuss the parts of the two agreements allegedly violated by the government.

    Without this, there is nothing and this is the answer I have sent to Nyusi”, he said.

    Dhlakama, who fought a bitter civil war with the government accused the ruling Frelimo of monopolising the country’s politics and unfair distribution of her wealth.

    Signature : APA

  3. très intéressant, à mettre en parallèle avec les grandes découvertes de gaz de ces dernières années dans l’offshore au sud de la Tanzanie (cette dernière semble d’ailleurs – pour le moment – mieux gérer la malédiction de l’or noir)

  4. Le Mozambique, futur allié stratégique de la France dans l’Océan indien ?
    Par Adrien Barbier (contributeur Le Monde Afrique, Maputo)

    Le Monde.fr Le 30.10.2015 à 11h43 • Mis à jour le 30.10.2015 à 16h28

    Paris poursuit son offensive de charme auprès de son « premier voisin dans l’Océan indien ». Trois préfets, deux ambassadeurs, et un commandant de l’armée – soit l’intégralité des représentants de l’Etat français dans la zone – ont terminé jeudi 29 octobre une visite de plusieurs jours au Mozambique destinée à donner un coup de fouet aux relations bilatérales. Le pays d’Afrique australe est un partenaire de choix pour la France, dont la souveraineté est régulièrement contestée dans le canal du Mozambique, riche en ressources énergétiques.

    « C’est une visite exceptionnelle, la première fois que les trois préfets de la Réunion, de Mayotte, et des TAAF [Terres antarctiques et australes] se déplacent de concert dans un pays de la région », a salué le nouvel ambassadeur de France à Maputo, Bruno Clerc, venu donner l’impulsion à de nouveaux projets de coopération et faire bénéficier le Mozambique des fonds européens (FED et FEDER) que ces régions ultrapériphériques de l’UE sont en mesure d’activer.
    La délégation entend capitaliser sur la visite à Paris du président mozambicain Filipe Nyusi en juillet dernier. Point culminant de l’essor récent des relations bilatérales, celle-ci n’a pas débouché sur la signature d’accords ambitieux. « On est aussi là pour insister, car on attend toujours le retour [des autorités mozambicaines] sur certaines propositions », confie, en marge, un membre de la délégation.
    Le canal du Mozambique, voie stratégique

    S’il n’est pas assumé comme tel, le volet maritime de la visite apparaît de loin comme prioritaire. La France occupe une position de choix dans cette région stratégique, qui voit passer annuellement 30 % du trafic mondial de pétroliers. Grâce aux Iles Eparses, des îlots inhabités et ponctuellement occupés par des missions scientifiques qui sont administrativement rattachées aux TAAF, l’Etat détient une Zone économique exclusive (ZEE) de 636 000 km2. Soit une bonne moitié du canal. « Le Mozambique est appelé à se développer, le trafic maritime va se précipiter, donc il y a un intérêt à les aider », a estimé le commandant des Forces armées dans la zone sud de l’Océan Indien (FAZSOI).
    Des points abordés – pêche illégale, pollution marine, piraterie –, la question de la protection des côtes, que la France a tout intérêt à suivre de près, est la plus épineuse. En cause, les soubresauts liés à « l’affaire Ematum », une opération douteuse par laquelle le gouvernement mozambicain s’est porté garant d’un emprunt de 850 millions de dollars visant à constituer une flotte de chalutiers, qui dissimulait l’acquisition de bateaux de défense et d’armement. Pour une partie des médias d’opposition au Mozambique, la France reste associée au scandale, puisque les navires ont été montés par les Constructions maritimes de Normandie (CMN) basées à Cherbourg, bien que l’Etat français ait toujours nié quelconque implication.

    De forts soupçons de détournements pèsent sur le gouvernement mozambicain, d’autant qu’une partie des bateaux ont été aperçus en cale sèche, inutilisés, dans le port de Maputo, « Dès lors qu’ils nous ont acheté de l’équipement militaire, il faut faire en sorte qu’il serve », ajoute le commandant, venu offrir des pistes de collaborations à la marine mozambicaine. « Or s’ils ont cinq ans pour créer une marine digne de ce nom, il faut qu’ils se dépêchent », précise t-il.
    Ressources gazières

    En jeu : la sécurisation des activités d’extraction du gaz dans le nord du Mozambique, où les géants Anadarko et ENI prévoient de démarrer à l’horizon 2020 l’exploitation des immenses réserves découvertes dans le bassin du fleuve Rovuma.

    Car en dehors d’une riche biodiversité et d’importants stocks de poissons, le canal du Mozambique possède un énorme potentiel énergétique qui en ferait « une prochaine mer du nord en puissance », selon un rapport de l’United States Geological Survey de 2010 (USGS). La France n’est pas en reste puisque des entreprises pétrolières prospectent aux alentours des Iles Eparses depuis 2008. Et selon les études, l’île Juan de Nova, située presque à mi-chemin entre Madagascar et le Mozambique, pourrait renfermer 6 à 12 milliards de barils de pétrole, soit l’équivalent de 10 ans de consommation française.
    Alors que le ministère français de l’environnement vient de renouveler le mois dernier les permis d’exploration des entreprises, la présence avérée de pétrole pourrait pousser Madagascar à réactiver un contentieux de souveraineté qui remonte aux années 1970.
    « Ce n’est pas un sujet avec le Mozambique », affirme Cécile Pozzo-di-Borgo, la préfet des TAAF, qui assure que le contentieux malgache n’a même pas été évoqué au cours de la visite. « Il est clair que la France aurait intérêt à ce que le Mozambique ne se positionne pas dans le cas où Madagascar en viendrait à hausser le ton », décode une diplomate en poste à Maputo.

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