Le blog finance l’avait annoncé, et ce depuis fort longtemps : le Président russe Vladimir Poutine compte bien profiter du retard pris dans l’opération de fusion entre Suez et GDF.
Le « loup » avance désormais au grand jour puisque dans un entretien au quotidien La Tribune publié jeudi, Alexandre Medvedev vice-président de Gazprom a affirmé que le géant gazier russe visait 10% du marché français « dans les quatre à cinq ans ».
Nous voilà prévenus, alors que Poutine a d’ores et déjà annoncé qu’il pourrait prochainement prendre la tête de Gazprom.
– Mixte partenariat/accès au client final
« Cette année, nous avons livré en France environ 500 millions m3 de gaz directement aux consommateurs finals. Un volume qui va croître. Nous espérons dans les quatre à cinq ans atteindre une part de marché de 10% », a ainsi déclaré M. Medvedev. « Le marché français fait partie des cinq marchés les plus importants pour nous« , a-t-il souligné, précisant que « la combinaison entre un partenariat (avec Gaz de France) et l’accès au client final représente pour nous une nouvelle étape« .
Fin 2006, GDF avait renouvelé jusqu’en 2030 son approvisionnement en gaz russe, s’engageant en contrepartie à rétrocéder jusqu’à 1,5 milliard de m3 par an à Gazprom pour alimenter sa filiale de distribution en France, qui vend directement du gaz aux entreprises.
– Un groupe de coordination sur le GNL
Par ailleurs, M. Medvedev a indiqué qu' »un groupe de coordination entre Gazprom et GDF » sur le gaz naturel liquéfié (GNL) avait été formé, étant donné que « la fusion en cours entre GDF et Suez (va) former un groupe leader dans la sphère du GNL« .
Selon lui, le gisement gazier russe de Chtokman, que va aussi exploiter le groupe pétrolier français Total, devrait produire 10,7 milliards de mètres cube de GNL sur un total de 23,7 milliards de m3 de gaz. Quant au gisement gazier d’Astrakhan, M. Medvedev a précisé être en « négociations préliminaires » avec Total, notamment sur les « aspects technologiques » du projet, qui présente des « difficultés techniques particulières », avec une « forte teneur en soufre ». D’une manière générale, « le choix de Total se base sur ses compétences tant techniques que commerciales« , souligne M. Medvedev.
– Des projets d’acquisition en Europe ?
Alors que la Commission européenne a proposé de séparer, au sein des entreprises d’énergie, la propriété des activités de transport et des activités de production et de vente, le dirigeant de Gazprom assure n’avoir « pas de projet concret » d’acquisitions en Europe, mais envisager « une telle possibilité, si une série de conditions sont respectées ».
Selon lui, « le prix doit être raisonnable, l’acquisition doit avoir un effet stratégique, et surtout elle doit être en conformité avec les exigences du régulateur ». Ces propositions de séparation patrimoniale « mettent en doute la capacité des producteurs de gaz à assurer la sécurité d’approvisionnement des marchés », estime-t-il.
M. Medvedev juge aussi que la proposition de Bruxelles de limiter le rachat de réseaux de transport par des groupes étrangers est « discriminatoire » et relève du « directivisme ».
Pourtant, en novembre 2006, Alexander Medvedev, s’était dit intéressé par des achats d’actifs dans le transport et la distribution de gaz en Europe, et par un renforcement de ses capacités de stockage en France. « Si des possibilités devaient apparaître pour l’acquisition d’actifs notamment pour la distribution, le transport (en Europe), nous allons les étudier », avait alors déclaré le vice-président du géant gazier russe Gazprom, lors d’un déjeuner de presse à Paris pour le lancement officiel de sa filiale française de vente directe de gaz.
Le groupe vise notamment des actifs qui seraient cédés par Suez et Gaz de France après leur fusion, en fonction des « conditions économiques de l’offre » et « conformément à la réglementation dans les pays où ces processus auront lieu ». « L’autre priorité très importante pour nous (est) le stockage sous-terrain de gaz », avait ajouté M. Medvedev. « Nous sommes intéressés à renforcer nos capacités de stockage en France ». « Il y a déjà des projets qui sont en cours avec l’Autriche, le Royaume-Uni et la Belgique. Nous serions très heureux s’il y avait la même possibilité avec la France », avait-t-il expliqué.
Il s’agirait de développer les capacités de stockage dans le cadre d’un projet commun avec GDF, dont les structures gèrent aujourd’hui l’ensemble du stockage de gaz en France, avec un autre partenaire, ou encore de manière indépendante, avait précisé le président de la filiale française de Gazprom.
Pour rappel, le géant gazier russe, qui ne veut pas dépendre seulement de Gaz de France, à qui il fournit 20% de son gaz, a démarré ses livraisons directes en France en octobre 2006. Le groupe vise la vente directe de gaz aux industriels et aux entreprises commerciales de grande ou moyenne taille.
– GDF filialise ses activités de distribution
Hasard de calendrier, réponse du berger à la bergère ? Gaz de France a filialisé ses activités de distribution de gaz en France au sein d’une nouvelle société créée le 31 décembre et baptisée GrDF (Gaz réseau Distribution France), a annoncé le groupe jeudi dans un communiqué.
Le réseau de distribution regroupe 12.500 salariés et gère le plus long réseau d’Europe, avec 185.000 km de petites et moyennes canalisations, qui desservent 9.100 communes, représentant 76% de la population française. EDF, comme Gaz de France, devait filialiser ces activités pour se conformer aux directives européennes d’ouverture des marchés de l’énergie à la concurrence.
GrDF sera « notamment chargé du développement, de l’exploitation et de la maintenance des réseaux de gaz naturel, de la politique d’investissements, de la gestion des contrats de concession, ainsi que de l’accès des tiers aux réseaux de manière transparente et non discriminatoire », selon GDF.
Une entité commune aux filiales de distribution d’EDF et de Gaz de France, chargée du dépannage, du relevé des compteurs et des travaux d’entretien des réseaux, sera maintenue.
La Commission européenne demande que les producteurs d’énergie vendent leurs activités de transport, mais elle n’a pas proposé cette séparation patrimoniale pour les activités de distribution.
– Gazprom, actionnaire de sociétés de production d’électricité ?
Le géant gazier russe Gazprom étudie « une série de projets » qui pourraient lui permettre de devenir actionnaire de sociétés de production d’électricité en France, Allemagne, Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, avait déclaré en janvier 2007 le responsable de sa filiale Gazprom Marketing and Trading, Vitali Vassilev.
« Nous ne nous intéressons pas seulement à la livraison de gaz et la vente d’énergie électrique mais aussi à une participation dans la génération d’électricité« , avait poursuivi le responsable, alors qu’il venait d’ouvrir un bureau de Gazprom Marketing and Trading à Paris. Pour rappel, cette société a été créé en octobre 2004 à Londres pour servir la stratégie d’expansion mondiale de Gazprom et son rapprochement avec l’utilisateur final sur les marchés d’Europe occidentale.
Concernant le gaz, M. Vassilev avait alors estimé que le marché français est le plus prometteur tant par le volume (50-55 milliards de m3 par an) que par ses perspectives de développement.
« Gazprom a déjà des relations de longue date avec Gaz de France pour l’approvisionnement en gaz (12 milliards de m3 par an) et nous ne voulons sous aucun prétexte endommager nos relations avec notre partenaire traditionnel. Néanmoins en plus de nos activités existantes, nous avons décidé d’entamer en France un travail avec le consommateur final », a déclaré le responsable. Le marché français demeure cependant « un des plus complexes, du fait que, pour parler pudiquement, il est le moins libéralisé », avait regretté M. Vassilev.
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