Les salariés des Echos, réunis lundi en assemblée générale, ont décidé de ne pas faire paraître le journal mardi. Cette mesure intervient en signe de protestation de l’annonce faite par Pearson de la vente du groupe à LVMH pour un montant de 240 millions d’euros.
Dans un communiqué, les salariés se sont déclarés « scandalisés par cette annonce faite en catimini, à une heure où la grande majorité des salariés du groupe Les Echos n’était plus sur son lieu de travail« . Une nouvelle assemblée générale devrait être convoquée mardi.
Le groupe de presse britannique Pearson a annoncé lundi dans un communiqué avoir signé avec le groupe LVMH un accord de vente du groupe de presse économique Les Echos. Dans un communiqué séparé, LVMH a confirmé la vente, qui intervient après plus de quatre mois de négociations exclusives.
Cette signature « fait suite à la décision du tribunal de Grande instance de Paris », qui a conclu lundi que le processus de consultation des employés des Echos avait été « effectué de manière satisfaisante », soulignent les deux groupes.
Pearson et LVMH rappellent dans leurs communiqués respectifs que l’accord signé « inclut une série de mesures destinées à protéger l’indépendance éditoriale ainsi que des engagements en matière d’emploi aux Echos« , mesures qui avaient été annoncées le 23 juillet. La transaction devrait être achevée d’ici à la fin de l’année, selon eux.
Mais les salariés, qui ne l’entendent pas de cette oreille, ont voté à 162 voix en faveur de la non-parution, contre 12 voix contre et 7 abstentions, a indiqué le président de la Société des journalistes (SDJ), Vincent de Féligonde. « Pearson a toujours dit qu’un journal était une communauté de journalistes. Manifestement, il l’a oublié », a réagi M. de Féligonde. « On manifeste notre extrême désapprobation sur la méthode, sur l’opération elle-même et on fera tout pour faire en sorte que LVMH respecte notre indépendance si jamais il rachète les Echos« , a-t-il déclaré.
Les salariés des Echos, qui étaient déjà réunis en assemblée générale lorsqu’ils ont appris la signature de la vente, ont été « extrêmement choqués » par une annonce à laquelle ils ne s’attendaient pas aussi rapidement, a-t-il expliqué.
Dans une ordonnance de référé rendue lundi, le tribunal de grande instance de Paris a débouté quelques heures auparavant les représentants des salariés des Echos qui demandaient la reprise de la procédure d’information-consultation sur le projet de vente. Le comité d’entreprise (CE) et les syndicats du groupe estimaient que la direction n’avait remis aux élus que des réponses partielles à leurs questions et ne leur avait pas donné un délai suffisant pour les examiner.
Les élus jugeaient aussi qu’elle les a informés trop tardivement de la possibilité d’un portage du groupe par une filiale du Crédit Agricole, Calyon, en cas de rachat du groupe par LVMH. Les représentants des salariés ont d’ailleurs alerté Bercy, lundi, sur « l’illégalité » de ce dispositif de portage, dont ils jugent qu’il « constituerait une violation manifeste des règles de contrôle des concentrations auxquelles est soumise l’acquisition des Echos par LVMH« . Les représentants rappellent en effet que le mécanisme de portage « est prévu dans le cadre d’une acquisition par LVMH qui pose de très sérieux problèmes de concurrence justifiant la saisine du Conseil de la concurrence« .
Pour rappel, le portage est un montage financier permettant à Pearson d’avoir un acheteur sûr, quelles que soient les conditions posées par les organismes réglementaires. Les autorités de la concurrence pourraient en effet soulever des objections à ce que LVMH détienne à la fois Les Echos, numéro un de la presse économique, et la Tribune, numéro deux. LVMH envisage ainsi de céder La Tribune en cas de rachat des Echos. Dans ce cadre, Calyon pourrait être provisoirement l’actionnaire de référence des Echos.
Dans son jugement, le tribunal estime pour sa part que la direction du groupe a fourni lors de la procédure des « informations importantes en quantité et en qualité » et qu’elle n’a pas « de façon manifeste, cherché à éluder son obligation de fournir des informations précises et écrites ». Le tribunal estime donc qu’il n’est « pas justifié d’ordonner la reprise de la procédure d’information ». Il juge également qu’il n’est « pas justifié » de « faire défense » à la direction des Echos de « poursuivre le processus de cession ».
Interrogé sur la possibilité de reconduire le mouvement de non parution, M. de Féligonde a indiqué qu’il n’y avait « pas de décision là-dessus ». « On essayera de s’adapter au mieux à la situation », a-t-il dit. Pour rappel, la rédaction des Echos a exprimé à plusieurs reprises son hostilité à l’offre du numéro un mondial du luxe et son soutien à celle d’une offre concurrente, émanant de Fimalac.
En 2006, le groupe Les Echos a contribué à hauteur de 126 millions d’euros au chiffre d’affaires et de 10 millions d’euros au bénéfice d’exploitation de Pearson, par ailleurs géant mondial de l’édition scolaire, et propriétaire du groupe de presse du Financial Times et des éditions britanniques Penguin.
Pour rappel, le groupe Les Echos comprend le quotidien Les Echos, numéro un de la presse économique en France, le site internet lesechos.fr, le magazine d’entreprise Enjeux et d’autres services d’informations financière spécialisée.
Sources : AFP, Reuters, Challenges
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