Malgré une bonne nouvelle peut-être en perspective avec de possibles commandes d’Airbus A380 en « provenance » de l’Inde, les salariés et syndicats de l’avionneur européen demeurent inquiets.
Le comité central d’entreprise extraordinaire (CCE) d’Airbus France, initialement prévu mardi à Toulouse sur l’A380 et les conditions de sa livraison, a été reporté au mois de décembre, a-t-on appris auprès de la direction.
Plusieurs syndicats d’Airbus France s’étaient inquiétés mardi matin du report de ce comité, dont la date n’avait pas été précisée.
« En ce qui concerne l’information sur l’ensemble des programmes, il est de règle que celle-ci soit d’abord présentée au comité d’entreprise européen d’Airbus, avant d’être déclinée au niveau des entités nationales. C’est donc d’abord auprès du comité de groupe que l’état des différents programmes sera évoqué », a indiqué dans un communiqué la direction d’Airbus.
« Le report du CCE d’Airbus France ne justifie donc en aucun cas la moindre spéculation quant à la situation des différents programmes. En particulier l’A380 se déroule conformément aux engagements pris auprès de nos clients, comme en témoigne la livraison à la date annoncée du premier appareil », a poursuivi Airbus, en réponse aux interrogations des syndicalistes.
Des syndicats d’Airbus France avaient indiqué mardi matin ne pas connaître les raisons de ce report, qui intervient dans un contexte difficile avec la mise en place du plan de restructuration Power8. « Nous restons sur notre faim. On a besoin de savoir où on en est avec l’A380, si on peut tenir les délais de livraison pour 2008, si les problèmes techniques sont résolus », s’est inquiété Xavier Petrachi, délégué syndical central CGT.
La CFDT a également regretté qu’il n’y ait « plus de calendrier sur la cession des sites ». « Est-ce qu’il y a un changement de stratégie ? », s’est demandé le délégué syndical central CFDT Pierre-Henri Coat.
Le 17 octobre dernier, les syndicats européens d’EADS, réunis à Séville, avaient estimé qu’il était « urgent d’attendre » avant de procéder à la cession de sept sites industriels d’Airbus. « L’américain Spirit est le mieux placé en prix, la direction (d’Airbus, ndlr) est gênée et appelle les Européens à faire des efforts, car confier toutes les aérostructures d’avions au groupe américain préparerait la déconstruction de l’aéronautique européenne, au lieu de la renforcer », précisait alors un des membres du comité européen.
De même source, on estimait que « l’aide éventuelle des gouvernements européens au développement des matériaux composites ne serait pas suffisante pour prendre le pas sur les propositions américaines, car après le retrait de l’allemand Voith, le français Latécoère, l’anglais GKN et l’allemand MT Aerospace ne font pas le poids ».
La direction d’Airbus, filiale d’EADS, envisageait de choisir en juillet les repreneurs de six sites, Filton (Grande-Bretagne), Nordenham, Varel et Laupheim (Allemagne), Meaulte et Saint-Nazaire Ville (France). Elle a ensuite repoussé ce choix à septembre, puis à octobre, en rajoutant un septième site, l’usine allemande d’Augsbourg, qui appartient à la division défense d’EADS.
Du côté d’Airbus et de repreneurs potentiels, on évoquait récemment la possibilité d’un choix des « partenaires préférés » pour la fin de l’année et une finalisation à l’été 2008. « On ne donne plus de date, tout est en cours de négociation, il n’y a pas d’urgence, l’essentiel est de choisir dans chaque cas la meilleur offre », assurait à cette date un porte-parole d’EADS.
Les syndicats allemands, français, britanniques et espagnols sont unanimes pour estimer que « les usines ont le plus grand mal à faire face à la charge de travail pour livrer les commandes, et la direction doit réfléchir avant de procéder aux 10.000 suppressions d’emplois de Power8 et à la cession des usines d’aérostructures », précisait-on de source syndicale.
Environ un millier de salariés d’Airbus, selon les organisateurs, 800 selon les gendarmes, ont manifesté la semaine dernière à Albert (Somme) pour protester contre le plan Power 8 qui prévoit notamment la cession de l’établissement de la commune voisine de Méaulte.
« Les gens ne sont pas résignés, on a envie de peser sur l’avenir. Comme on n’a pas de garantie sur le long terme, on va maintenir la pression. Aujourd’hui, c’était l’occasion d’envoyer un signal dans ce sens-là à la direction », a estimé Claude Cliquet, secrétaire du syndicat majoritaire FO du CE. « Même si l’avenir veut qu’on aille vers un nouvel environnement, on veut, dans ce nouvel environnement, avoir des garanties sur les plans juridique, industriel et financier », a-t-il ajouté.
Les salariés, dont certains étaient venus des établissements de Nantes, Toulouse ou Saint-Nazaire, ont manifesté à l’appel de la CGT, de FO et de la CFDT, qui avaient appelé à un débrayage de trois heures dans l’usine Airbus de Méaulte.
Pour rappel, le premier exemplaire de l’A380 a été livré le 15 octobre à Singapore Airlines avec 18 mois de retard en raison de problèmes de fabrication, essentiellement de câblages électriques, et de coordination entre les différents sites français et allemand de production d’Airbus.
Un total de 13 A380 doit être livrés l’an prochain, 25 en 2009 et 44 en 2010. Le deuxième exemplaire ne sera livré qu’au début 2008, également à Singapore Airlines. Les compagnies Emirates, de Dubaï, et l’australienne Qantas commenceront à être livrées à l’été 2008.
Une bonne nouvelle néanmoins : Airbus est en discussions avec la compagnie publique indienne Air India pour lui vendre des avions géants A380, a déclaré mardi un dirigeant du group, ajoutant que le transporteur national aurait besoin de jusqu’à 12 appareils de ce type. « Si les commandes sont passées d’ici les prochains mois, Airbus sera en mesure de livrer les avions d’ici à 2011-2012 », a affirmé à des journalistes à New Delhi le patron des opérations d’Airbus, John Leahy. M. Leahy, dont les propos étaient rapportés par l’agence officielle Press Trust of India, a dit espérer voir l’A380 dans le ciel indien « dans un futur proche et pas dans un avenir lointain ».
Un dirigeant de l’avionneur européen avait annoncé en février dernier être en « discussions préliminaires » avec deux compagnies indiennes, qu’il n’avait pas voulu identifier, pour une commande d’A380. Seul le transporteur indien Kingfisher, du groupe United Breweries, a déjà acheté cinq appareils A380 dont la livraison est escomptée pour 2011. Airbus a maintes fois dit qu’il projetait de vendre « cinquante A380 à l’Inde dans les vingt prochaines années ».
Le géant asiatique commandera 911 avions pour une valeur de 86 milliards de dollars au cours des vingt prochaines années, a calculé Boeing. Airbus estime que l’Inde aura besoin de 1.100 appareils d’ici à 2025.
Source : AFP
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