Procès Kerviel : Daniel Bouton, ancien patron de la SocGen à la barre, une ironie de l’histoire ?

daniel_bouton.jpg Daniel Bouton, ancien président-directeur général de la Soc Gen a qualifié aujourd’hui de « catastrophe » la découverte en janvier 2008 de la « fraude » de l’ancien trader Jérome Kerviel.

Rappelons que Jérome Kerviel est accusé par son employeur d’être responsable des 4,8 milliards d’euros de pertes découvertes en janvier 2008, suite à des prises de positions s’élevant à environ 50 milliards d’euros.

Or, Daniel Bouton n’est pas un inconnu des milieux financiers. Son nom a fait le tour de la place parisienne pour deux dossiers, l’un judiciaire et l’autre réglementaire. Ce qui a fait dire à certains que ce n’était peut-être pas un hasard si l’affaire Kerviel était arrivée sous l’ère Bouton. Avec l’affaire Kerviel, ce sont quand même deux affaires où le contrôle interne d’une grande banque a été pris en défaut, et il y a aussi ce rapport réglementaire sur la bonne gouvernance des entreprises, auquel M. Bouton a donné son nom…

 

– 2002 : Affaire dite du Sentier II.

Un circuit de blanchiment d’argent concentré dans le quartier dit du sentier à Paris permettait permettant à des personnes ou à des commerçants de dissimuler un délit initial comme par exemple une fraude fiscale en échangeant, moyennant une rétribution, des chèques contre de l’argent liquide. La fraude portait sur plusieurs millions d’euros.

Les chèques étaient encaissés à l’étranger, puis les sommes en espèces correspondantes retrouvaient le chemin de la France. Les chèques étaient ensuite renvoyés aux banques correspondantes en France.

Cette affaire a valu à de nombreuses banques françaises – dont la SocGen – un renvoi devant le tribunal correctionnel pour trafic d’influence, corruption passive, blanchiment aggravé et recel de fonds provenant d’abus de biens sociaux. En décembre 2008, la Société générale et Daniel Bouton sont relaxés par le tribunal correctionnel de Paris.

 

– septembre 2002 : publication du rapport « Pour un meilleur gouvernement des entreprises cotées » dit Rapport Bouton.

Le rapport Bouton définit en quelque sorte le « corporate governance » à la française  Sa priorité est de privilégier l’indépendance et la transparence des conseils d’administration.

Verbatim (introduction du rapport) :

« Les pratiques de management, la législation, certaines réglementations fiscales ou de marché, les réglementations professionnelles -notamment dans les professions comptables, bancaires et de l’assurance- les normes comptables, placent les entreprises françaises dans une situation très différente de celle de leurs homologues américaines. Sur beaucoup de points, en particulier, elles protègent mieux contre les excès et les errements »

« Restaurer la confiance, c’est donc s’assurer que l’on dispose de règles suffisamment claires et adaptées et mettre tout en oeuvre pour que ces règles soient effectivement appliquées. »

Le rapport aborde entre autre l’efficience des contrôles internes et externes (auditeurs et régulateurs). Mais, vu d’en haut (du Conseil d’Administration), suite à l’affaire Enron, où les contrôleurs externes étaient également connseil, et c’est bien là tout le problème.

L’Autorité des Marchés Financiers a depuis rendu obligatoire la publication annuelle d’un rapport du contrôle interne pour toutes les sociétés côtées.

Or, Selon le rapport annuel de l’AMF pour l’année 2008, peu de sociétés ont remis en cause le résultat de l’évaluation de leurs procédures de contrôle interne. Moins de 3% des rapports des commissaires aux comptes sur les procédures de contrôle interne sont de type évaluatif.

 

– 24 janvier 2008 : Affaire Kerviel.

Découverte d’une fraude au sein de l’activité de courtage de 4,9 milliards d’euros. Le responsable serait Jérôme Kerviel, un trader qui aurait agi seul et à l’insu de toutes les autorités de la banque.

Un rapport interne à la banque a depuis révélé :

qu’il n’existait pas à l’époque de contrôle « sur les transactions annulées ou modifiées, ni sur les transactions à départ différé, ni sur les transactions avec des contreparties techniques, ni sur les nominaux élevés en position, ni sur les flux non transactionnels en cours de mois, autant d’analyses qui auraient probablement permis d’identifier la fraude »

– que 2 alertes avaient été déclenchées en 2006 et 46 (!) en 2007 « sur le périmètre de Jérôme Kerviel sans que ces alertes n’entraînent de quelconques réactions de la hiérarchie ».

Alors, Daniel Bouton victime d’un acharnement du sort ? Sans doute faudrait-il plus incriminer le fonctionnement opaque des grandes banques françaises : on se souviendra alors du scandale du Crédit Lyonnais. En qualifiant l’affaire Kerviel de « catastrophe », c’est à dire d’événement brutal et imprévisible, M. Bouton cherche opportunément à occulter sa propre responsabilité. Une responsabilité morale, certes, mais aussi assurément professionnelle. 
 

Daniel Bouton a pris sa retraite le 29 avril 2009. Il a fondé sa propre société de conseil, et est toujours administrateur de Vélia et Total.

 

A lire en complément en extenso : le rapport Bouton.

(3 commentaires)

  1. D’après le portrait que Marianne avait tracé du personnage en février 2008, on ne comprend pas quelle compétence le bonhomme peut apporter de ce côté de la barre:
    DANIEL BOUTON LA FAILLITE DES ELITES A LA FRANCAISE

  2. Cette « justice » toute dévouée aux capitalistes fait payer un lampiste (certes très bien rémunéré)

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