Libye: l’oléoduc alimentant l’Italie via Greenstream fermé par des minorités, vers une guerre ethnique ?

Nouveau conflit pétrolier en Libye ? cela y ressemble … Tout comme au Soudan, en Irak, les différentes ethnies et populations de Libye comptent bien ne pas être lésées dans le partage de l’immense gâteau pétrolier qui « s’offre » désormais à eux, suite à la chute de Kadhafi.
Affaire à surveiller de près, certains protagonistes de l’échiquier énergétique mondial pouvant être enclins à diviser pour mieux régner.

 – L’oléoduc alimentant le complexe gazier de Millitah interrompu

En tout état de cause, des membres des minorités amazigh (berbères) originaires de l’ouest de la Libye ont fermé jeudi l’oléoduc qui traverse la ville de Nalout. Un pipeline loin d’avoir été choisi au hasard, puisqu’il alimente le complexe gazier de Millitah Oil and Gas, société mixte détenue à parts égales par le groupe énergétique italien ENI et la Compagnie nationale pétrolière de Libye (NOC). Et qu’il permet l’approvisionnement en gaz de l’Italie via le gazoduc Greenstream.
Il s’agit pour les protestataires de montrer leur désaccord contre leur marginalisation prévue dans la rédaction de la future Constitution.

– Les minorités amazigh prônent désobéissance civile et fermeture des champs pétrolifères

Tout comme les minorités Toubou et Touareg, les Amazigh réclament en effet l’inscription de leurs langues et de leurs droits culturels et ethniques dans la future Constitution de la Libye.
Le 10 juillet 2013, le Haut Conseil des Amazighs de Libye, instance représentative des Amazighs de Libye, a décidé de retirer ses représentants du Congrès Général National Libyen (le Parlement) et de boycotter la Commission parlementaire chargée de rédiger la future Constitution de la Libye, suite « aux tentatives d’écarter l’amazighité de la nouvelle Constitution du pays ».
La fermeture de cet oléoduc intervient  après l’expiration du délai accordé par les Amazigh au CGN « pour trouver une formule consensuelle permettant l’inscription des droit des minorités Toubou, Amazigh et Touareg dans la Constitution libyenne », a ainsi déclaré un responsable local de Nalout.

Ces minorités, qui ne disposeront que de six sièges sur 60 dans la commission constitutionnelle, ont dénoncé le mode de vote retenu pour la rédaction de la Constitution, lequel devrait se baser sur le principe de la majorité et non sur celui du consensus.

A noter par ailleurs que depuis le 23 juillet, la désobéissance civile, telle que décrétée par le Haut Conseil des Amazighs de Libye  est mise en œuvre de manière effective. « Elle consiste en un refus de se soumettre à une loi ou d’un règlement, la réglementation ou une autorité, qui est considérée injuste aux yeux de ceux qui la critiquent » précisent les contestaires. Ces derniers fournissant « quelques exemples de la façon d’appliquer la désobéissance » : tels que « le boycott des élections et la non reconnaissance de ce qui en découle », la « fermeture des édifices étatiques, les établissements de services et des commerces », la « fermeture des routes principales, des ports et des postes frontaliers terrestres ». Gardant le meilleur pour la fin : la « fermeture d’usines et des champs pétrolifères ».

Nuri Esherwi, le président du Haut Conseil des Amazighs de Libye, indique d’ores et déjà que si la langue Tamazight n’est officialisée, « les Amazighs ne resteront pas silencieux au sujet de leurs droits dans une nouvelle ère de liberté factice et démocratie de façade. » Ajoutant : « je suis fortement persuadé que si notre langue ne sera pas officielle », il y aura une « nouvelle révolution, qui sera cette fois-ci une révolution noble qui va instaurer le droit et l’affirmation de soi d’une façon définitive ».

 – Greenstream : un pipeline stratégique

Rappelons par ailleurs qu’en mars dernier, à la suite d’incidents survenus près d’un site gazier dans l’ouest du territoire libyen, la livraison de gaz libyen à l’Italie via le gazoduc Green Stream avait   été interrompue. Le site avait été évacué par mesure de sécurité, après des échanges de tirs entre ex-rebelles à proximité du complexe.
Le ministère libyen de la Défense avait quant à lui annoncé attendre les résultats d’une médiation entre groupes armés rivaux avant de faire usage de la force.  Sans toutefois fournir de plus amples détails sur les raisons des accrochages survenus à proximité du complexe gazier.
L’agence italienne Ansa indiquait pour sa part  que des sources proches d’ENI avaient annoncé l’interruption de la livraison de gaz vers l’Italie en raison d’échauffourées entre factions locales.

Pour rappel, le gazoduc Greenstream, long de 540 kilomètres s’étend de Mellitah en Libye à Gela, en Sicile. Il comprend la station de compression à Mellitah et le terminal de réception de Gela. Le gazoduc est alimenté par les champ offshores de Bahr Essalam et de Bouri et le champ onshore de Waha près de la frontière avec l’Algérie, à 530 km de Mellitah.
Le coût de la construction s’est élevé à 6,6 milliards de dollars. Le gazoduc a une capacité initiale de 8 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an. La capacité a été augmentée par la suite à 11 milliards de mètres cubes. Le pipeline est détenu par Agip Gas BV, une coentreprise de la société italienne Eni et de la compagnie pétrolière libyenne National Oil Corporation.

 – Le gaz libyen, un concurrent du gaz en provenance de Russie et d’Ukraine

En août 2008, l’Italie avait d’ores et déjà fait les frais de manque d’approvisionnement en gaz. Le 22 février 2008, en raison du conflit, Eni avait en effet suspendu la fourniture de gaz libyen à travers Greenstream, le seul gazoduc reliant la Libye à l’Italie.  Le patron du groupe pétrolier  Eni,  Paolo Scaroni, avait alors indiqué que le gazoduc Greenstream  le liait de « manière indissoluble » à la Libye. Rappelons en effet qu’avant l’insurrection et la chute de Kadhafi, la Libye était le troisième fournisseur de gaz de l’Italie derrière l’Algérie et la Russie.

S’agissant de l’approvisionnement énergétique de l’Italie, le dirigeant s’était voulu rassurant. « Nous n’aurons pas de problème si l’hiver prochain nous devrons nous passer du gaz provenant de la Libye. Pourvu que ne soit pas interrompu le flux issu d’autres sources, comme l’Algérie et le front russo-ukrainien » avait-t-il indiqué.

Quelques jours auparavant,  le quotidien russe Kommersant indiquait qu’une nouvelle guerre du gaz couvait entre la Russie  et l’Ukraine, au lendemain d’une rencontre entre les présidents russe et ukrainien.
Alors que depuis plusieurs années, Kiev tente de faire baisser le prix du gaz naturel qu’il achète à Moscou, les deux pays négociaient alors la création d’un consortium conjoint chargé de gérer les gazoducs de transport ukrainiens. La mise en place de cette coentreprise donnant à la Russie l’occasion de réviser ses contrats gaziers avec l’Ukraine, les négociations portant également sur la réduction des achats de gaz russe par Kiev.

Sources : AFP, Rianovosti

Elisabeth STUDER – 25 juillet 2013 – www.leblogfinance.com

(31 commentaires)

  1. L’est de la Libye face à une vague d’insécurité

    Par Essam Mohamed à Tripoli pour Magharebia – 25/07/2013

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    Au moins trois personnes ont été blessées par l’explosion d’une bombe devant le poste de police de Birkah, à Benghazi, mardi 23 juillet.

    « Cet incident a eu lieu juste après les prières du soir, et le commissariat a été en partie détruit », a déclaré Mohamed Hejazi, porte-parole du conseil de sécurité conjoint de Benghazi, au Libya Herald.

    Il a ajouté que les forces spéciales avaient appréhendé trois suspects, qui transportaient des engins explosifs de cinq cents grammes chacun.

    [AFP/Abdullah Doma] Les habitants de Benghazi et les forces de sécurité se rassemblent autour d’une voiture calcinée sur le lieu d’une explosion devant le commissariat de police d’al-Hadeiq, le 19 juin 2013.
    [AFP/Abdullah Doma] Les habitants de Benghazi et les forces de sécurité se rassemblent autour d’une voiture calcinée sur le lieu d’une explosion devant le commissariat de police d’al-Hadeiq, le 19 juin 2013.

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    Cette attaque est la dernière en date d’une série d’agressions menées contre les organes de sécurité de l’État dans l’est du pays. L’attentat à la bombe de mardi est la quatrième attaque de ce type contre le seul poste de police de Birkah.

    À Syrte, le siège du tribunal et les bureaux du procureur ont été frappés par un engin explosif lancé contre l’un des bureaux administratifs, pulvérisant les vitres, brûlant certains documents et blessant un membre de la police judiciaire qui assurait la garde de ce bâtiment, selon une source de sécurité dans la ville.

    Dimanche dernier, le poste de Musaida, à la frontière avec l’Égypte, dans l’est du pays, a également été attaqué. Des sources proches de la sécurité ont indiqué que plusieurs personnes avaient attaqué ce point de franchissement à l’aide de lance-roquettes alors que le bâtiment était vide.

    Selon ces mêmes sources, des trafiquants sont soupçonnés d’avoir perpétré cette attaque. Elles ont ajouté que cette région frontalière connaissait le chaos par suite de l’absence d’agences gouvernementales et des forces de sécurité.

    « Ces attaques à la frontière libyenne et de telles atteintes à la paix sont très effrayantes », a expliqué Awad Chaari, un habitant de Tobrouk. « L’omniprésence des trafiquants et le silence des responsables sont des signes extrêmement dangereux. »

    Et d’ajouter : « Je tire humblement la sonnette d’alarme et j’en appelle fermement à tous les responsables nationaux de l’armée et de la police pour qu’ils interviennent pour protéger le territoire libyen. »

    Selon Chaari, l’affaire est en effet plus grave qu’il n’y paraît. « Le problème est plus profond que ce qu’imaginent les trafiquants, les personnes corrompues et ceux qui vendent leur patrie pour une bouchée de pain », a-t-il déclaré.

    Lors d’autres incidents, des tireurs non-identifiés ont ouvert le feu lundi dans la soirée depuis leur véhicule contre Salem Abu Rouis, l’un des membres de l’appareil de sécurité intérieure de l’ancien régime à Misrata alors qu’il sortait d’un magasin avant les prières du soir. Il est mort sur le coup.

    Des hommes armés ont également assassiné un autre responsable de l’ancien régime à Derna, dimanche dans l’après-midi. Ce colonel à la retraite était âgé d’environ 70 ans, selon l’agence LANA.

    Muhamad Najom, animateur de 22 ans à Radio Jawhara, a expliqué que douze assassinats avaient été perpétrés à ce jour pendant le Ramadan.

    « Nous voulions que ce soit une révolution de dignité, de démocratie et de loi, sans pensée ni opinion », a déclaré Osama al-Rajhi, ingénieur de 36 ans originaire de Tripoli. « Mais à la vérité, cette révolution a été le fait de quarante unités de la sécurité militaire et des renseignements, ainsi que de soixante mille membre de l’armée et de la sécurité. »

    Il a souligné qu’il existe actuellement quatre-vingts unités de sécurité comptant 150 000 membres, mais seulement sur le papier, qui ne garantissent ni la sécurité, ni la stabilité. « L’armée régulière est absente, et la police est marginalisée. Notre argent est dilapidé par des coupures d’électricité et des vides sécuritaires », a-t-il ajouté.

    « La Libye est entrée dans un âge sombre et est devenue un terreau du terrorisme », a commenté Mohamed Chaafi, un habitant de Tripoli de 49 ans. « Il y a un grand nombre de leaders terroristes étrangers recherchés en Libye. La Libye en tant qu’État n’existe tout simplement pas. »

  2. Le grand jeu consiste a se passer du pétrole et du gaz russe, c’est donc assez compliqué, il est peu probable que tous ces montages guerriers et financiers produisent ce que leurs imbéciles de promoteurs en attendent.
    Entre l’Allemagne qui suce directement à la « tétine » russe sous la Baltique, et les bricoleurs US et leurs esclaves, qui multiplient les tuyauteries, et donc les coûts de transport, inutile de chercher qui va pouvoir payer sa retraite.
    Je recommande la visite des aéroports US, et de L.A. en particulier, pour ceux qui veulent voir des presque grabataires de 70 ans « au travail ».

  3. c’est sur qu’entre Russe et USa, voire Chine, les « montages guerriers et financiers » s’entrecroisent … ce qui pourrait aboutir à un résultat final différent du but initial.
    Sachant que la Chine a tendance à laisser faire USA et Russie … pour rafler la mise ensuite …

  4. en fait la Russie fait justement tout pour bloquer la production de gaz chez ses concurrents pour proposer le sien … à surveiller de tres pres

    a surveiller de pres aussi, le lien amazigh, touareg, front Polisario, sahara occidental Espagne … Canaries et Maroc et pétrole

  5. On en reparle au plus tôt, ca s’agite en Afrique dirons nous poliment

    Stratégie du chaos ?
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    Suspension imminente de la livraison du gaz libyen à l’Italie

    ZOUARA (Libye) – Un groupe armé de la minorité Amazigh, qui observe un sit-in dans le terminal gazier de Millitah, dans l’ouest de la Libye, a annoncé mercredi soir qu’il fermait le gazoduc Green Stream livrant le gaz à l’Italie.

    Nous avons donné l’ordre à l’administration (du complexe gazier) d’arrêter les livraisons de gaz vers l’Italie, a déclaré à l’AFP Younes Naniss, un porte-parole des manifestants.

    La fermeture du gazoduc prend du temps pour des raisons techniques. Elle doit être effective dans quelques heures, a-t-il précisé.

    Le complexe gazier situé près de la ville amazighe de Zouara, à 100 km à l’ouest de Tripoli, est géré par Millitah Oil and Gas, une société mixte détenue à parts égales par le groupe énergétique italien ENI et la Compagnie nationale de pétrole (NOC).

    Ce complexe fournit à l’Italie 17 millions de m3 de gaz par jour via le gazoduc Green Stream.

    M. Naniss a précisé que son groupe avait opté pour l’escalade après la décision du Congrès général national libyen (CGN) de reporter l’examen d’une mesure qui devrait permettre aux Amazighs d’inscrire leur langue et leurs droits culturels et ethniques dans la future Constitution.

    Plus tôt, le patron d’ENI, Paolo Scaroni, avait indiqué que des manifestants bloquaient le terminal de Millitah. Cela nous pousse à fermer complètement les exportations vers l’Italie, avait-il ajouté, cité par les agences.

    Interrogé par l’AFP, le service de presse du géant pétrolier italien n’a pas su préciser si les manifestants étaient armés ou s’il s’agissait d’un rassemblement pacifique.

    Mercredi, des protestataires en tenue militaire et armés de kalachnikovs occupaient plusieurs parties du complexe gazier, a constaté un photographe de l’AFP.

    Les armes sont destinées à notre auto-défense, a expliqué M. Naniss, ajoutant toutefois que la tension était montée d’un cran depuis mardi soir entre les manifestants et le directeur du complexe qui les a qualifiés de pirates.

    Ces Amazighs observaient depuis une semaine un sit-in dans le terminal de Millitah pour réclamer les moyens de défendre leurs droits dans l’élaboration de la future Commission constitutionnelle.

    Les Amazighs ainsi que d’autres minorités libyennes, qui doivent compter six représentants parmi les 60 membres de cette commission, exigent que les articles sur les spécificités culturelles des minorités soient adoptés par consensus et non par un vote à la majorité.

    AFP / 06 novembre 2013 18h58

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