Maroc : manifestations du 1er mai révélatrices de tensions sociales

Alors que l’Algérie pourrait connaître à son tour un printemps arabe – enfin, si l’on en croit certains – son voisin le Maroc, n’est pas en reste.
Des milliers de personnes ont en effet manifesté mercredi à Rabat et Casablanca. Réunis à l’occasion de la fête du Travail, ils ont par ailleurs dénoncé vivement la politique du gouvernement. Des mouvements qui interviennent alors que le pouvoir islamiste se heurte actuellement avec plusieurs syndicats.

Dans la capitale économique du pays, Casablanca, deux rassemblements distincts ont eu lieu, les organisateurs et la police dénombrant plus de 10.000 personnes au total ont défilé. A Rabat, capitale administrative, les manifestants venus de diverses villes du royaume ont défilé dans la ville pour se rendre jusqu’au Parlement, un nombre important de membres des forces de l’ordre maintenant le calme.

Figuraient notamment parmi eux des diplômés chômeurs ainsi que des fonctionnaires réclamant de meilleures conditions de travail. Des participants brandissaient des drapeaux marocains, mais aussi berbères.

« Quand le PJD (Parti islamiste Justice et développement) est arrivé au pouvoir, ils ont affirmé qu’ils allaient trouver une solution à la crise de l’emploi. Mais ils n’ont rien fait pour nous aider », a affirmé pour sa part Mohammed Abdelmoneim, un jeune diplômé de 27 ans au chômage.

Pour Abdelhamid Amine, du syndicat UMT, ces manifestations sont un succès pour la classe ouvrière ainsi qu’un désaveu du gouvernement. Il estime par ailleurs que ce dernier a fait trop de promesses … sans les avoir respecté jusqu’à ce jour.

Si la croissance – affichée dans les villes – est relativement solide (estimée à 5% pour 2013), le gouvernement d’Abdelilah Benkirane est néanmoins confronté à la grogne sociale. Le fossé entre riches et pauvres s’accentuant chaque jour un peu plus. Alors que le déficit public a atteint plus de 7% du PIB l’an dernier, le gouvernement doit entreprendre de délicates réformes, sur les retraites et la caisse subventionnant des produits de grande consommation.

Fin mars, plusieurs milliers de personnes avaient manifesté à Rabat, à l’appel de deux organisations syndicales oeuvrant pour le respect de l’ensemble des droits et des libertés. Exhortant à accroître la lutte contre la corruption, laquelle atteint les plus hautes instances de l’Etat.

Fin 2012, l’ONG Transparency avait ainsi accusé le gouvernement de n’avoir réalisé aucun progrès dans cette lutte. Une campagne officielle de « sensibilisation et de prévention » a été lancée dans la foulée.
Rappelons que le PJD avait fait de la lutte contre la corruption un de ses chevaux de bataille lors de la campagne électorale qui l’a mené au pouvoir fin 2011.

A noter par ailleurs qu’en octobre 2012, Transparency International a publié une importante enquête , à l’issue de laquelle elle affirmait que le Maroc se situe à un niveau « élevé » de l’échelle de corruption dans le monde, derrière la Turquie, l’Afrique du Sud ou encore le Sénégal.
Selon cette ONG, 55% des dirigeants d’entreprises marocains sondés jugent la corruption « courante » et 53% estiment que la politique du gouvernement est « inefficace ». Une loi dépénalisant la dénonciation des actes de corruption  a cependant été adoptée récemment.

Mais ce que ne peuvent vous dire les media marocains – sous peine de mettre la clé sous la porte ou voire pire – c’est que l’économie du pays tout entier  est gangrenée par « l’affairisme effréné » du roi Mohammed VI – selon les termes mêmes de Courrier International. Le souverain pressurisant les secteurs les plus rétributeurs de l’économie nationale.
Le groupe français de distribution Auchan a ainsi été confronté à de sérieuses difficultés face au groupe marocain Omnium Nord-Africain (ONA), partenaire de son implantation au Maroc.  Auchan contestait notamment le passage de deux à trois du nombre de membres d’ONA siégeant au sein des directoires des sociétés d’hypermarchés Marjane et de supermarchés Acima, détenues par les deux groupes.

Selon le groupe français, lors d’un conseil de surveillance le 2 mars 2006, l’ONA (premier groupe privé du Maroc) aurait fait voter, à une majorité simple, et contre l’avis d’Auchan, une résolution prévoyant le passage de deux à trois le nombre des membres du directoire, de Marjane et d’Acima. Cette décision était alors qualifiée dans un communiqué d’Auchan de « coup de force », l’accord signé entre le distributeur français et ONA en 2000 prévoyant au contraire que les décisions « importantes » soient votées à une majorité des deux tiers.

Depuis quelques mois déjà, le rôle d’Auchan, chargé de toute la mise en oeuvre opérationnelle, était de plus en plus remis en question par le puissant organisme national, très proche du pouvoir. Ce qui apparaissait pour de nombreux observateurs comme une volonté de mainmise de l’ONA sur l’opérationnel, s’était traduit au final par un coup de force le 2 mars 2006.

En janvier 2007, un tribunal arbitral marocain a finalement donné raison à l’ONA, considérant en substance que les dispositions du protocole liant les deux groupe étaient « nulles et sans effet en ce qui concerne l’objet du différend ».
«  Cette conclusion nous stupéfie littéralement; elle est totalement contraire à l’esprit de nos accords, à toutes les pratiques du droit international et à tous les avis d’experts juridiques marocains et internationaux que nous avons consultés sur cette question » , avait commenté à cette occasion Christophe Dubrulle, président du directoire du groupe Auchan. Se disant même forcé d’en conclure que « les protocoles d’accord internationaux signés par l’ONA semblent ne pas avoir de valeur au Maroc ».
Un deuxième point de discorde tenait à la différence de vision entre les deux partenaires. L’ONA souhaitant alors que les synergies entre Marjane, Acima et les autres métiers du groupe soient privilégiées. Concrètement, que les approvisionnements se fassent en priorité dans les entités du groupe …

Au final, le groupe français quittera le royaume en 2008, tandis que parallèlement , d’autres multinationales françaises comme Axa, Danone et Veolia subissaient les attaques du duo Mounir Majidi et Hassan Bouhemou , les dirigeants de la holding royale.

Dans leur livre « Le Roi prédateur », Catherine Graciet et Eric Laurent nous éclairent sur les « magouilles » économiques de Mohammed VI et de son entourage affairiste. Levant ainsi le voile sur le côté obscur et cupide de la monarchie alaouite.
Si l’on en croit les deux auteurs, le souverain marocain est désormais le premier banquier, le premier assureur, le premier entrepreneur de bâtiments de son pays. Il y joue un rôle dominant dans l’agro-alimentaire, l’immobilier, la grande distribution, l’énergie et les télécoms. Au final, la fortune personnelle du roi du Maroc a quintuplé en dix ans, et le magazine Forbes le classe désormais parmi les personnalités les plus riches du monde.
Autre élément notable : la structure de gouvernement mise en place par Mohammed VI semble ériger en ligne de conduite l’accaparement privé. Pire encore, selon les auteurs, « le souverain d’un des régimes les plus menacés par la vague démocratique dans les pays arabes a transformé ses sujets en clients, l’Etat en machine à subventionner les intérêts de la famille royale ».

Sources : AFP, LSA, L’Economiste, Jeune Afrique, Courrier International, Le Roi Prédateur 

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 01 mai 2013

Crédit Photo : leblogfinance

 

(20 commentaires)

  1. Alors que l’Algérie pourrait connaître à son tour un printemps arabe.
    ahahahahhahahahhahahahhahahahahhahahahah
    Pathetique

  2. Manifestation syndicale au Maroc, un message des travailleurs au gouvernement

    CASABLANCA (Maroc) – Des milliers de personnes ont manifesté dimanche à Casablanca, au Maroc, à l’appel de syndicats désireux d’envoyer un message des travailleurs au gouvernement, avec qui le dialogue s’avère difficile.

    D’après un correspondant de l’AFP, au moins 8.000 personnes ont participé en matinée, dans le calme, à cette Marche nationale de protestation et de défense du pouvoir d’achat, de la dignité, de la liberté et de la justice sociales. Les organisateurs ont avancé le chiffre de 15.000 manifestants.

    Le gouvernement doit tirer les leçons de cette marche ouvrière qui constitue un message des travailleurs à Abdelilah Benkirane, a déclaré à l’issue du défilé le secrétaire général de la Confédération démocratique du travail (CDT), Abdelkader Zair, cité par l’agence MAP.

    Trois des principaux syndicats du royaume avaient appelé à un front uni, malgré l’appel de dernière minute du chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, à la tenue d’un dialogue social le 15 avril.

    Des associations étudiantes et des ONG ont aussi participé, au même titre que le mouvement pro-réformes du 20-Février –né durant le Printemps arabe– et celui des diplômés chômeurs, qui réclament depuis des années leur intégration dans la fonction publique.

    Avant le début de la marche, des orateurs ont fustigé M. Benkirane, lui reprochant des pseudo-réformes, en particulier celle de la caisse de compensation.

    Alors que le Maroc est pressé de réduire son déficit public –de 5,5% en 2013–, le gouvernement emmené par les islamistes du Parti justice et développement (PJD) a entrepris de réduire le coût de cette caisse qui subventionne à grand frais (jusqu’à cinq milliards d’euros en 2012) des produits de première nécessité.

    En début d’année, il a totalement libéralisé le prix de l’essence et partiellement celui du diesel.

    Les syndicats reprochent notamment au gouvernement son manque de considération pour un mémorandum transmis en février.

    Quant à l’appel à un dialogue mi-avril, la lettre qui nous a été adressée ressemble à une convocation plus qu’à une invitation. Nous ne sommes pas des annexes gouvernementales, a clamé Miloudi Moukharik, secrétaire général de l’Union marocaine du travail (UMT).

    Les syndicats décideront de leur participation après la marche, a-t-il dit.

    Jeudi, lors de son point de presse hebdomadaire, le porte-parole du gouvernement, Mustapha Khalfi, avait qualifié la manifestation de politique et assuré que le mémorandum syndical avait été traité avec transparence et responsabilité.

    Il avait évoqué des revendications nombreuses dont certaines paraissent irréelles.

    Après des décennies dans l’opposition, le PJD a remporté un succès historique lors des législatives de fin 2011, soulevant un vent d’espoir au Maroc.

    A la tête d’une coalition hétéroclite, il a toutefois perdu du poids au sein du gouvernement en étant contraint de procéder l’automne dernier à un remaniement, à la suite du départ de son principal allié, l’Istiqlal (conservateur).

    (©AFP / 06 avril 2014 20h13)

  3. Maroc: le roi limoge trois ministres après la crise dans le Rif

    Rabat – Le roi du Maroc Mohammed VI a limogé mardi trois ministres « en raison du retard pris par le programme de développement » de la ville d’Al-Hoceima, agitée ces derniers mois par un mouvement de contestation, a annoncé le cabinet royal dans un communiqué.

    Ce rapport d’audit avait été commandé par le roi pour déterminer les raisons du retard dans le programme « Al-Hoceïma, phare de la Méditerranée » (2015-2019), doté d’une enveloppe de 600 millions d’euros.

    Remis mardi, ce rapport a démontré qu’il n’existait « ni malversations ni détournements », mais fait état de « dysfonctionnements » et de retards injustifiés, selon le cabinet royal.

    « Il a été constaté un grand retard dans le lancement des projets, pis encore la majorité de ces projets n’avait même pas été lancée, avec l’absence d’initiatives de la part de certains intervenants », selon le communiqué.

    Les sanctions prises par le roi visent Mohamed Hassad, ministre de l’Education, qui était à l’époque de la signature de la convention de ce programme en octobre 2015 ministre de l’Intérieur, ainsi que les ministres de la Santé Houcine El Ouardi et de l’Habitat Nabil Benabdellah.

    Larbi Bencheikh, secrétaire d’État chargé de la formation professionnelle, à l’époque directeur de l’OFPPT, un organisme public, et Ali Fassi Fihri, patron de l’Office national de l’électricité et de l’eau (ONEE), ont également été relevés de leur fonction.

    Le monarque marocain a demandé au chef du gouvernement, l’islamiste Saadeddine El Othmani, de lui soumettre des propositions de noms pour remplacer les responsables limogés.

    En juin dernier, le roi Mohammed VI avait déjà tancé les ministres pour la « non exécution » dans les délais impartis de différents chantiers prévus à Al-Hoceima, épicentre d’un mouvement de contestation réclamant le développement de cette région du nord du Maroc.

    Ce mouvement, dit du « Hirak », né après la mort atroce d’un vendeur de poisson le 28 octobre 2016, a conduit à l’arrestation de 200 à 300 personnes en mai-juin, dont les meneurs.

    Le procès de son leader, Nasser Zefzafi qui encourt la peine capitale pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat », s’est ouvert mardi avant d’être renvoyé au 31 octobre à la demande de la défense.

    La libération des militants du Hirak est devenue la principale revendication de ce qui reste du mouvement et suscite des manifestations ponctuelles à Rabat et Casablanca.

    (©AFP / 24 octobre 2017 21h21)

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