Kouchner menace l’Iran d’arrêter les pourparlers

Kouchner

La diplomatie française n’en est pas à une bourde près …

Alors que le juge Jean-Louis Bruguières vient d’affirmer sur Canal + que l’hexagone n’a pas été confronté à de nouveaux attentats depuis 1996, le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, a déclaré mercredi que les pourparlers entre les six puissances et Téhéran sur le nucléaire seraient rompus si l’Iran ne répondait pas à une offre sur l’enrichissement d’uranium.

Les dirigeants français actuels auraient-ils si peu de mémoire ? Faudrait-il leur rappeler le dossier Eurodif et la très probable implication iranienne dans les attentats qui ont meurtri la France dans les années 80 ?

« Si les Iraniens ne répondent pas, il y aura, par le fait, rupture de ces pourparlers qui avaient pas mal commencé à Genève« , a ainsi déclaré M. Kouchner devant la presse.

Rappelons qu’en septembre 2007, déjà, Kouchner s’était fait « remarqué » par ses propos pour le moins belliqueux. « La crise du nucléaire iranien impose de « se préparer au pire » qui « est la guerre », avait-il alors déclaré, tout en affirmant que la négociation devait primer.

Depuis de l’eau a coulé sous les ponts …

L’Agence internationale de l’énergie atomique a ainsi proposé, le 21 octobre dernier un accord aux termes duquel l’Iran ferait enrichir à l’étranger son uranium en vue d’obtenir du combustible pour son réacteur de recherche.

Mais Téhéran n’a toujours pas donné son accord pour faire enrichir à l’étranger, pour un usage civil, les trois quarts de l’uranium détenu par l’Iran, soit 1200kg. Rappelons que ce stock a été faiblement enrichi, à moins de 5%, malgré l’opposition du Conseil de sécurité de l’Onu.

Selon les termes proposés, la Russie aurait la responsabilité d’un enrichissement à 19,75% de cet uranium, hors du territoire iranien. La France interviendrait ensuite comme sous-traitant, afin de produire le combustible pour le réacteur de recherche de Téhéran.

Lundi, la communauté internationale a exhorté l’Iran à répondre rapidement à la proposition qui lui a été faite, alors que Téhéran réclame pour sa part une nouvelle réunion internationale sur le combustible nucléaire.

Mardi, le guide suprême iranien l’ayatollah Ali Khamenei s’est montré très critique à l’égard de Washington, refusant ouvertement ce qu’il considère comme un diktat de leur part.

« Nous ne voulons pas d’une quelconque négociation dont le résultat serait dicté à l’avance par les Etats-Unis« , a déclaré M. Khamenei dans un discours devant des étudiants, à la veille du 30e anniversaire de la prise de l’ambassade américaine de Téhéran.

M. Khamenei a également mis en cause la politique de Barack Obama à l’égard de l’Iran, estimant que l’offre de dialogue du Président américain était assortie de menaces. Précisant que l’Iran ne serait « pas dupe » du « ton conciliant des Etats-Unis« .

Bernard Kouchner a pour sa part également déclaré à cette « occasion » que les six puissances engagées dans les négociations globales sur le nucléaire iranien n’accepteraient pas de manoeuvre « dilatoire » de l’Iran.

Dans une interview accordée à l’Express il ya quelques jours à peine, le directeur général de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), Mohamed ElBaradei a tenu cependant à rapporter les propos tenus par le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, lors de sa récente visite à Téhéran.

Indiquant ainsi que le dirigeant iranien avait alors souligné que son pays avait déjà eu une mauvaise expérience avec la France, laquelle n’avait pas honoré, après la révolution islamique, des livraisons d’uranium enrichi pourtant contractualisées.

Allusion à peine voilée au contentieux Eurodif …

Rappelons qu’en juin dernier, à peine remis d’un week-end éprouvant – occupé en grande partie par la gestion de crise consécutive au crash encore inexpliqué de l’A330 d’Air France vol AF 447 – Nicolas Sarkozy avait reçu le ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki. Objet de leurs discussions : évoquer la relance du dialogue entre l’Iran et les grandes puissances sur son programme nucléaire.

Une entrevue majeure avant les élections européennes, les présidentielles iraniennes et l’anniversaire du débarquement, fêté en grandes pompes en compagnie de Barack Obama. C’était ainsi la première fois que le président français recevait un responsable iranien de haut rang depuis son élection en mai 2007.

Si Nicolas Sarkozy a certes à maintes reprises officiellement vilipender Téhéran sur son projet nucléaire controversé, en juin 2008, il avait toutefois laissé entrevoir un possible terrain d’entente.

Rappelons également qu’en mars 2007, soit avant les élections présidentielles, Roland Dumas s’était rendu à Téhéran, pour s’entretenir avec des dignitaires du régime sur le dossier du nucléaire iranien. Présenté par la presse iranienne comme un « envoyé spécial français », l’ancien ministre des Affaires étrangères n’était pas mandaté par Paris, le Quai d’Orsay évoquant un « déplacement privé». Mais de quoi s’agissait-il ?

Roland Dumas répondait à une invitation d’Ali Akbar Velayati, le conseiller diplomatique d’Ali Khamenei, guide suprême de la république islamique. « Velayati est très proche de Khamenei. Nous nous sommes connus lorsque j’ai réglé avec lui le contentieux Eurodif et l’affaire des otages au Liban », rappelle Roland Dumas.

Quel joli préambule pour signifier que l’objectif de l’entrevue était très certainement de discuter de cet épineux dossier.

Ali Akbar Velayati s’activait alors sur la scène internationale, défendant selon Roland Dumas, un « paquet de propositions ». Parmi elles, figurait en bonne place l’idée de confier à un consortium international géré par les Européens le traitement de l’uranium sur le sol iranien. Scénario envisageable : relancer, via Eurodif, la coopération franco-iranienne qui avait notamment abouti à la construction du réacteur nucléaire à usage civil de Darakhoin, près d’Ahwaz.

Pour rappel, Eurodif est un Consortium propriétaire d’une usine d’enrichissement de l’uranium implantée dans le site nucléaire du Tricastin à Pierrelatte dans la Drôme, et exploitée par une filiale de Areva NC, Eurodif SA. Cette coentreprise a été créée en 1973 entre 5 pays : la France, la Belgique, l’Italie, l’Espagne et la Suède.

L’uranium enrichi produit par Eurodif alimente environ 90 réacteurs à eau pressurisée, la filière nucléaire la plus largement répandue dans le monde, dont 58 réacteurs français. L’usine produit à elle seule 25% de la consommation mondiale d’uranium enrichi. Eurodif SA compte parmi ses clients EDF et plus de 30 compagnies d’électricité.

En 1975, la part suédoise de 10% dans Eurodif était parvenue à l’Iran à la suite d’un accord franco-iranien. La société française nationalisée Cogéma et le gouvernement iranien fondent alors la Sofidif (Société franco-iranienne pour l’enrichissement de l’uranium par diffusion gazeuse), possédant respectivement 60% et 40% des parts. En retour, la Sofidif acquiert une part de 25% dans Eurodif, donnant à l’Iran une part de 10% dans Eurodif. Le Shah d’Iran prête alors un milliard de dollars US (et encore 180 millions de US$ en 1977) pour la construction de l’usine Eurodif, en vue d’obtenir l’autorisation d’acheter 10% de la production d’uranium enrichi du site. Suite à la révolution islamique de 1979, l’Iran suspend ses paiements et réclame le remboursement du prêt en faisant pression sur la France.

En avril 1979, le premier ministre Raymond Barre inaugure l’usine d’Eurodif. Dans le même temps, l’Ayatollah Khomeiny rompt le contrat de fourniture de centrales nucléaires passé avec la France. Mais il confirme l’actionnariat dans Eurodif de l’Iran qui possède toujours alors 10% des parts de cette usine. La France refuse de laisser l’Iran exercer son statut d’actionnaire d’Eurodif.

En 1981, après la mise en service de l’usine Eurodif, l’Iran réclame 10% de la production d’uranium enrichi auquel ils ont contractuellement droit, ce que la France refuse. De 1981 à 1991, le régime des mollahs est soupçonné d’avoir perpétré plusieurs attentats meurtriers, assassinats et prises d’otages.

Le 17 novembre 1986, après plusieurs attentats meurtriers à  Paris, et l’enlèvement de journalistes français (Jean-Paul Kauffmann, Michel Seurat) retenus en otage au Liban par des groupes liés à l’Iran, la France rembourse 330 millions de dollars, mais refuse de fournir toute livraison d’uranium enrichi. Le même jour se produit l’assassinat de Georges Besse, le fondateur d’Eurodif. En décembre 1987 a lieu un 2e versement officiel de 330 millions de dollars par la France à l’Iran.

Le 6 mai 1988, entre les deux tours de l’élection présidentielle, les otages français sont libérés. Le premier ministre Jacques Chirac assure dans un accord avec l’Iran des « garanties politiques sur l’octroi sans restrictions par le gouvernement français de licence d’exportation d’uranium enrichi » et le rétablissement du statut d’actionnaire de l’Iran dans Eurodif sous la condition du retour des derniers otages du Liban.

En septembre 1989, le président François Mitterrand confie à François Scheer la formalisation d’un accord définitif de règlement du contentieux franco-iranien. Finalement un accord est trouvé en 1991 : la France remboursa plus de 1,6 milliard de dollars. l’Iran est rétabli dans son statut d’actionnaire d’Eurodif via un consortium franco-iranien nommé Sofidif, avec le droit de prélever 10 % de l’uranium enrichi à des fins civiles.

En janvier 2009, le Times affirmait pour sa part que six pays occidentaux – la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Australie et le Canada – avaient d’ores et déjà commencé à faire pression sur des pays producteurs d’uranium pour qu’ils ne fournissent pas l’Iran. Parmi ces pays figurent le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, mais aussi la République démocratique du Congo, le Niger ou le Brésil.

Sources : AFP, Le Monde, Reuters

(29 commentaires)

  1. @Elisabeth
    Ca pas non? Me balancer la tronche du sac de riz dans mon écran d’ordinateur!
    J’ai pris ma carte à l’UMP, croyant que c’était un parti de droite, 2 ans avant les élections pour ne plus être gouverné par les tronches de rats du PS justement.
    Rappelez-vous des infirmières qui campaient à Paris: « Accouche Kouchner »
    Avec l’affaire Mitterrand j’ai même renvoyé ma carte d’électeur a mon député…

  2. « J’ai pris ma carte à l’UMP, croyant que c’était un parti de droite » : mon dieu quelle naivete !
    il n’y a plus droite et gauche depuis belle lurette,
    ca c’est pour la pub , et pour trouver un élément différenciant, marketinguement parlant ,
    ce qu’ils veulent c’est le pouvoir et l’argent , la défense des idées , c’est pour le peuple naïf …

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