Le nombre de transactions enregistrées sur le marché européen du carbone, sur lequel s’échangent des permis d’émission de CO2, a franchi pour la première fois mardi le seuil des 2 millions de tonnes, a annoncé mercredi BlueNext, bourse basée à Paris.
Petit rappel : BlueNext est détenue à 60% par NYSE Euronext et 40% par la Caisse des Dépôts.
Selon BlueNext, 2.089.000 de tonnes on été échangées sur la seule journée de mardi. Pour le mois de septembre, la moyenne des transactions quotidiennes a été de 1,251 million de tonnes, ce qui constitue un nouveau record, en hausse de 47% par rapport à la moyenne du mois d’août. Mercredi matin, la tonne de carbone s’échangeait à 24,71
Une bulle de carbonne avec ça!?
Fraude à la TVA sur les crédits carbones: la lenteur de Bercy
Il a fallu huit mois au Budget pour enrayer un vaste mécanisme d’escroquerie à la TVA sur le marché des crédits carbone. Pourtant, les alertes n’ont pas manqué…
L’enquête sur la fraude fiscale découverte l’an dernier sur le marché européen du CO2 pourrait connaître un rebondissement inattendu. Ce dossier d’escroquerie, dans lequel 11 personnes ont été mises en examen depuis le printemps 2009, semblait en voie d’achèvement.
Mais les ultimes investigations de la douane ont fait apparaître, selon nos informations, une étonnante lenteur dans la réaction du ministère du Budget.
Alors que les premières alertes remontaient au mois d’octobre 2008, il a fallu attendre le… 10 juin 2009 pour que soit mis fin au mécanisme à l’origine de la fraude.
Depuis la signature du protocole de Kyoto (Japon), en 1997, les pays de l’Union européenne se sont engagés à réduire leurs émissions de CO2.
Pour faciliter la mise en oeuvre de cette nouvelle obligation, un marché d’échange de crédits d’émission de CO2 a été créé en 2007 : BlueNext est une Bourse où s’achètent et se vendent des « droits à polluer » permettant aux entreprises de répondre aux exigences de Kyoto. Les industriels, mais aussi des négociants opérant comme intermédiaires, y ont accès.
Le principe de la fraude, connue sous l’appellation de « carrousel de TVA », était simple. Des sociétés créées pour l’occasion achetaient des quotas de CO2 à l’étranger, hors taxes.
Elles les revendaient ensuite en France avec la TVA de 19,6 %, et s’évanouissaient dans la nature sans reverser la taxe au Trésor public. Ainsi, pour un volume de transactions d’environ 263 millions d’euros, une entreprise de textile a priori peu concernée par les émissions de CO2 a empoché en toute illégalité, près de 50 millions d’euros !
Dès l’automne 2008, la fraude est soupçonnée par un acteur clef du marché, la filiale Climat de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), actionnaire à 40 % de BlueNext.
Une société fictive a pu détourner 50 millions d’euros
Son patron, Pierre Ducret, a été entendu, au mois d’août dernier, par les enquêteurs de la douane. « Nous avions remarqué des augmentations anormales de volumes, leur a-t-il indiqué, des adresses exotiques, des mouvements de fonds observés vers des destinations exotiques, des entreprises sur lesquelles on entend des bruits de marché, dont les volumes sont importants et dont on ne voit pas bien les relations avec les allocataires. Sans ne rien pouvoir certifier, tout cela nous fait dire que cela ne sent pas bon. Au début, on ne comprenait pas de quoi il s’agissait, mais, en novembre 2008, nous soupçonnons un carrousel de TVA. »
Auditionné à la fin du mois de juillet dernier, l’un des responsables des opérations bancaires au sein de la CDC a fait état, lui aussi, de ses doutes sur des « sociétés françaises de création récente dotées de peu de capital et qui « tradaient » des volumes énormes ». « Des investigations nous ont conduits à une première déclaration de soupçon Tracfin [NDLR : organisme du ministère de l’Economie et des Finances chargé de la lutte contre le blanchiment] en octobre 2008 », a-t-il précisé aux enquêteurs.
A cette époque, la CDC n’est pas la seule à s’inquiéter. L’importance du volume des transactions contraint ainsi BlueNext à un procédé inhabituel, évoqué devant les douaniers par la directrice juridique de la société. « Nous avons dû souscrire un emprunt pour pouvoir financer les avances de TVA que nous faisons avant de nous faire rembourser par la suite », a-t-elle déclaré.
Un fléau européen
La fraude à la TVA sur le marché du CO2 n’a pas touché que la France. Le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Danemark, la Belgique et, plus récemment, la Hongrie ont été la cible d’attaques massives. Dans certains de ces pays, près de 90 % des échanges pourraient avoir eu une origine frauduleuse. Ce qui a poussé Bruxelles à réagir : une directive, adoptée le 16 mars 2010, propose aux Etats membres de faire payer la TVA par l’acheteur, et non plus par le vendeur, afin d’enrayer le mécanisme de l’escroquerie. En outre, les administrations ad hoc des Etats peuvent désormais refuser plus facilement aux postulants douteux l’inscription sur les registres, condition sine qua non de l’accès au marché.
Le ministère du Budget, alors dirigé par Eric Woerth, ne peut pas ne pas être au courant de cette situation trouble. Il est le destinataire des dénonciations à Tracfin.
Et la CDC est une institution publique. Enfin, il existe une preuve irréfutable des informations dont dispose le ministère en cette fin d’année 2008 : une réunion organisée, à Bercy même, le 21 novembre, en présence de membres du cabinet d’Eric Woerth.
5 milliards d’euros de manque à gagner pour l’Union européenne
Plusieurs des participants sont formels : ce jour-là, les soupçons de fraude ont bien été évoqués, mais sans susciter de réaction immédiate de la part des collaborateurs du ministre.
A en croire les déclarations de Pierre Ducret aux enquêteurs, il faudra encore plusieurs mois d’échanges et d’e-mails de relance pour convaincre une direction générale des impôts dont les réponses étaient « laconiques ».
Le 2 juin 2009, devant l’augmentation spectaculaire des volumes d’échanges – ils atteignent ce jour-là 20 millions de tonnes, pour 9,4 millions en moyenne les quatre semaines précédentes – le président de la CDC Climat prend l’initiative de faire fermer le marché.
Huit jours plus tard, une exonération du paiement de la TVA sur les quotas de CO2 échangés en France est officiellement décidée, entraînant aussitôt une chute de plus de 80 % des transactions.
Pourquoi l’Etat a-t-il tant tardé à réagir ? Sollicité par L’Express, le ministère du Budget n’a pas donné suite à nos demandes.
A ce jour, une seule personne reste en détention, un homme soupçonné d’être l’un des cerveaux de l’escroquerie. Pour son avocate, Me Martine Malinbaum, il serait plutôt un « nouveau Jérôme Kerviel ».
« Comme l’ex-trader de la Société générale, il est l’indispensable coupable, assure-t-elle. Cette fois, il s’agit d’une énorme fraude à la TVA qui était connue et a été aidée, pendant des mois, au sommet de l’Etat. »
En un peu plus d’un an, de la mi-2008 à juin 2009, pour l’Union européenne, le manque à gagner s’élèverait à près de 5 milliards d’euros.
http://www.lexpress.fr/actualite/economie/fraude-a-la-tva-sur-les-credits-carbones-la-lenteur-de-bercy_933208.html