EADS : la banque russe VTB pourrait vendre sa part

Alors que l‘Etat allemand étudie la possibilité d’acheter une « golden share » dans EADS, la banque publique russe Vnechtorgbank (VTB) envisage de réduire ou de vendre sa participation d’environ 5% dans le groupe d’aéronautique et de défense, si le cours de l’action venait à augmenter, a indiqué mercredi son patron, Andreï Kostin, dans une interview au quotidien die Welt.

Déjà au début du mois de juillet, la presse russe annonçait que Vneshtorgbank avait pour objectif de vendre les 5% des actions d’EADS qu’elle a acquis l’été dernier. « La banque cherche un acheteur et attend une montée des titres » précisait même le journal.

Selon M.Kostin, « cet investissement n’a pas de caractère stratégique pour VTB ». Je peux jurer sur la Bible qu’il s’agit d’un investissement purement financier », insiste-t-il. Du coup, VTB pourrait la réduire ou s’en débarrasser si le cours de l’action d’EADS venait à augmenter. Jurer sur la Bible ? Diantre, mon ami ! La Russie et Poutine ne nous avaient pas habitués à de telles manières !

« Le niveau du prix actuel (de l’action) n’est pas satisfaisant pour nous », indique ainsi M. Kostin. « Si le prix de l’action augmente, nous verrons », poursuit-il. « Nous vendrons les actions lorsque nous estimerons que la transaction nous rapportera des bénéfices intéressants », avait déclaré fin juin le président de la VTB. « Nous pensons alors à une réduction de notre participation ou à une vente complète », précise également le banquier. La banque ne compte « définitivement pas augmenter (sa) part dans EADS », rappelle encore son patron.

« Plusieurs variantes de vente sont à l’étude », avait écrit quant à lui Mikhaïl Chlemov, analyste de Deutsche UFG, dans le rapport publié en juillet sur une rencontre entre les dirigeants de la VTB et les analystes des banques d’investissement. D’après les données de M. Chlemov, la transaction aura probablement lieu au troisième ou au quatrième trimestre de 2007. « A mon avis, la vente n’aura pas lieu aussi vite, avant la fin de l’année », lui avait objecté Svetlana Kovalskaïa, analyste de Renaissance Capital, qui a également participé à la rencontre. « Pour l’instant, la part de la VTB dans EADS coûte 2 à 3% moins cher que le prix payé pour elle », indiquent les analystes dans le rapport concerné.

« Nous prévoyons de vendre les actions d’EADS, mais cela ne signifie pas que nous les vendrons immédiatement », avait alors déclaré Andreï Tcheliouskine, porte-parole de la banque.

Si dans le rapport de la banque pour 2006, le paquet d’actions d’EADS a été évalué à 1,4 milliard de dollars, la valeur établie pour le premier trimestre 2007 s’élève à 1,26 milliard de dollars. Depuis la fin du premier trimestre 2007, la cote de ces actions s’est accrue d’environ 5% en passant de 23,2 à 24,3 euros.

« Les dirigeants de la banque ont fait savoir qu’ils avaient quelques propositions à l’étranger et en Russie », a indiqué un des analystes. Global Strategic Equities Fund qui fait partie de Dubai Holdings a annoncé récemment l’achat de 3,2% des actions d’EADS au prix du marché, soit 836 millions de dollars, soulignait à cette occasion la presse russe …

Pour rappel, Vnechtorgbank avait fait une entrée surprise et controversée au capital du groupe européen d’aéronautique et de défense en septembre 2006, à la faveur du crash boursier dû aux retards de production de l’Airbus A380.

La banque publique avait ainsi réalisé des achats massifs d’actions l’été dernier, profitant d’une baisse de près de 45% de la cote des actions EADS. Au mois d’août la valeur d’EADS avait augmenté pour atteindre 24 milliards de dollars, mais avant octobre ses actions avaient rechuté de plus de 10%. Cela avait une nouvelle fois été mis à profit par la VTB pour porter son paquet d’actions à environ 6%, avait alors indiqué une source proche de la banque. Pour acquérir les premiers 5% VTB avait dû débourser environ 1 milliard de dollars, et quelque 225 millions de plus pour le reste. Afin de réaliser cette transaction VTB aurait utilisé ses fonds propres. La VTB s’était alors refusée à tout commentaire. Cependant, selon une autre source, proche celle-là d’EADS , le paquet d’actions de la banque publique aurait approché les 7% dès octobre 2006. Ce qui ne manque pas de préoccuper Espagnols et Allemands.

« La VTB espérait obtenir le droit de siéger au conseil des directeurs d’EADS, ce qui lui a été refusé » précise également la presse russe. « Le pacte des actionnaires d’EADS n’octroie le droit de participer à la direction qu’aux actionnaires représentant les gouvernements de la France et de l’Allemagne », poursuit-elle, en guise d’argument à la position de Moscou. « A présent, la VTB attend une élévation de la cote », estime l’un des analystes.

En octobre 2006, à l’issue d’une rencontre avec Angela Merkel le président Poutine avait déclaré que la VTB pourrait tout simplement vendre ses actions si EADS et la Corporation aéronautique unifiée (CAU) en cours de formation ne décidaient pas de coopérer étroitement. Ce point pouvant même être une des raisons du retard du lancement industriel du programme de fabrication des nouveaux Airbus 350 XWB, auquel l’OAK souhaiterait participer, assurait alors une source proche d’EADS.

« Si le gouvernement russe n’a pas abandonné l’espoir d’obtenir le droit de participer au conseil d’administration d’EADS, il peut indiquer à la VTB une structure proche de l’Etat », estime quant à lui un expert du dossier, citant la Corporation aéronautique unifiée (OAK), les banques d’Etat et les « oligarques loyaux ». Terme, oh combien magnifique ! On aurait peut-être pu dire, les oligarques asservis …

L’OAK a quant à elle refusé de commenter cette idée. « Le paquet d’actions d’EADS coûte environ 1,5 milliard de dollars. Pour nous, il est bien plus utile d’investir cet argent dans le développement de l’aéronautique russe, affirme une source proche de la corporation. Ce paquet n’influe pas sur les projets communs avec EADS, qui se développent avec succès »‘. Selon la presse russe, ce point de vue serait partagé par Vadim Vlassov, président d’EADS Russie.

M. Kostin s’est par ailleurs défendu de constituer le bras financier du gouvernement de Vladimir Poutine, alors que les craintes se multiplient en Europe face à la montée en puissance des fonds d’Etats étrangers, alimentés par des capitaux publics en Russie, en Chine et dans les Etats pétroliers du Golfe.

La chancelière allemande Angela Merkel a ainsi annoncé récemment que Berlin étudiait les moyens de protéger l’industrie du pays contre l’appétit des fonds d’Etat étrangers. La possibilité de recourir à des « golden share » est actuellement à l’étude, en ce qui concerne EADS.

« Il n’y a jusqu’à présent pas de fonds d’Etat en Russie, qui s’occupent d’investissement à l’étranger », affirme M. Kostin. L’hypothèse que des groupes comme les géants de l’énergie Gazprom et Rosneft ou la VTB « sont des bras financiers de la politique, est fausse », selon lui. Par ailleurs, la banque russe ne se dit pas prête à participer au mouvement de consolidation du secteur en Europe. « Les banques russes sont encore trop faibles » pour faire face à la concurrence de leurs consoeurs de l’Ouest, fait-il valoir.

Pourtant, la VTB a récemment affiché ses ambitions… et semble être la plus agressive parmi les banques russes. Au cours de ces trois dernières années, elle a acheté deux institutions financières importantes: Guta-bank et Promstroïbank. A la fin 2005, VTB a fait l’acquisition de plusieurs établissements de crédit russes à l’étranger, profitant des 37,5 milliards de roubles que le gouvernement lui a accordés pour augmenter son capital social. La banque a confirmé une nouvelle fois son intention de créer un holding ouest-européen qui utiliserait la marque VTB-Europa. Cette dernière année, VTB a également acquis des banques dans des pays de la CEI.

Le journal The Banker a placé Vneshtorgbank (VTB) à la 122e place de son classement établi au 1er janvier 2006. La position la plus élevée occupée par une banque russe est celle de la Banque d’Epargne (82e). En ce qui concerne VTB, elle disposait, au 1er juillet dernier de 4,4 milliards de dollars de fonds propres et de 28,2 milliards de dollars d’actifs nets.

VTB se propose de se développer en profitant du soutien de l’Etat et en faisant appel aux capitaux d’actionnaires occidentaux. Son introduction en bourse devrait lui permettre de se classer dans le top 50 mondial.

Sources : AFP, Ria Novosti

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