Le platine dépasse les 1.200 dollars l’once aujourd’hui

Cela faisait trop longtemps que nous n’avions pas parlé du platine, métal dominant – avec son cousin le palladium – des métaux platinoïdes. Impossible de faire l’impasse aujourd’hui : l’once de platine vient d’atteindre un record absolu en dépassant les 1.200$ l’once ‘troy’ de 31,10 grammes. Vers 15 heures (heure de Paris), nous voilà à 1.233$, en hausse de près de 40 $ par rapport à la veille ! Depuis le début de l’année où l’once cotait 982$ sur le marché international de Londres, c’est plus de 25% que s’est adjugé le platine !

Sans compter que les 1.200$, selon UBS, constituaient une résistance technique majeure pour ce métal… et que la semaine prochaine se tient un évènement important : le Platinum Week.

Photo : différentes pièces de platine frappées par les Etats-Unis. La plus grande, marquée 100$, contient une once de métal.

Comme les autres métaux, précieux ou non, le platine poursuit sur sa lancée. Pour des raisons similaires : selon le média sud-africain Business Report en date de ce jour, alors que les fonds d’investissement, « les hedge funds et les autres puissants spéculateurs ont augmenté leurs positions longues sur les contrats à terme platine de New York. Lors de la semaine qui a terminé le 2 mai, ces positions ont atteint leur plus haut niveau en trois mois, selon des données du CFTC américain ».

Les positions longues sur le platine, matérialisées par des contrats à termes à des cours supérieurs à ceux du marché au comptant, correspondent grosso modo à des paris que les prix du métal vont monter. Eh bien ces positions « longues » s’affirment comme durablement supérieures aux positions « courtes » (‘shorts’), qui font le pari inverse. Un cas de figure que connaît bien et depuis plusieurs années le marché dérivé de l’or sur le Comex américain, la filiale chicagolaise du Nymex.

Le marché du platine du côté fondamental

Alors, quelles sont les raisons de la hausse actuelle ? « Il s’agit principalement d’achats de fonds » toujours en quête de diversification, selon le courtier nippon Yukuji Sonoda, de Daiichi Commodities, au micro de l’agence Reuters. En outre, les bijoutiers de Chine et du Japon sont en train de prendre leurs marques afin de pouvoir faire face à la demande qui émerge en été, selon Sonoda. La demande de platine de bijouterie représente 30% de la demande totale.

Et la Chine est le premier marché mondial où les consommateurs achètent des bijoux de platine. Graphique : la demande de platine par usage, selon Johnson Matthey.

En outre, l’usage du platine reste dominé par la demande industrielle des pots catalytiques, aux alentours de la moitié de la demande 2005, selon Johnson Matthey. Les ventes de véhicules sont relativement bonnes, et même en cas de repli du marché, les investisseurs anticipent une hausse de la proportion des véhicules diesels utilisateurs de pots catalytiques, selon Heraeus.

Car la spéculation n’explique pas tout, au contraire : dans sa note du jour, John Reade, d’UBS Investment Bank, écrit que « nous croyons que la tendance du platine repose sur des fondamentaux plus solides que ceux de l’or, l’argent ou la palladium. Même s’il existe indubitablement des positions longues d’investisseurs et de spéculateurs sur le platine, il n’en reste pas moins que le marché est fondamentalement en déficit et devrait le rester dans un futur prévisible ».

Le point de vue de Reade semble partagé par Wolfgang Wrzesniok-Rossbach, l’analyste du fondeur-affineur allemand de métaux précieux Heraeus, qui ajoute dans sa note du 5 mai dernier : « nous pensons que le platine est actuellement fermement soutenu d’un point de vue fondamental comme technique. Nous ne voyons aujourd’hui aucune raison de changer d’opinion. Tout retour en arrière du prix sera utilisé par les consommateurs et les spéculateurs comme une occasion de se renforcer, non comme un début de consolidation ».

L’Allemand modère l’importance de la spéculation comme facteur explicatif de la hausse : « l’influence des spéculateurs sur le marché du platine est moins significative qu’il l’est souvent anticipé : en tant que pourcentage de la production minière annuelle, les positions longues spéculatives sur le platine sont plus faibles que sur tout autre métal précieux. Sur le TOCOM et le Nymex pris ensembles, à peine plus de 21 tonnes de métal sont actuellement entre les mains des spéculateurs, soit 10% de la production annuelle. Cette proportion est de 20% pour le palladium et de 50% pour l’argent (en incluant l’ETF) ».

La Semaine du Platine, grand raout du mois de mai

En outre, John Reade avance d’autres hypothèses : selon lui, la tendance actuelle pourrait résulter de la poursuite de la détente des positions longues sur palladium et courtes sur le platine. « Ou simplement les investisseurs achètent avant la Semaine du Platine, qui commence lundi prochain ».

La Semaine du Platine (‘Platinum Week’) est un évènement organisé par le spécialiste des métaux platinoïdes Johnson Matthey. Elle se tient tous les ans, la troisième semaine du mois de mai, à Londres, siège de l’entreprise et capitale de la négociation du métal.

Première attraction : un dîner dont les invitations sont à la discrétion du marché du platine et du palladium de Londres, le London Platinum and Palladium Market (LPPM), cousin du LBMA qui s’occupe d’or et d’argent. Ce dîner, qui commémore le premier fixing londonien intervenu sur ce marché en 1973, regroupe toute filière platinoïde : mineurs, raffineurs, joailliers, industriels, courtiers.

Le plat de résistance : la présentation par Johnson Matthey de son rapport annuel sur l’offre et la demande de métaux platinoïdes lors d’une conférence de presse, devant un parterre soigneusement sélectionné de médias et d’analystes.

Les anticipations d’UBS Investment Bank. Dans sa note de ce 9 mai, Reade déclare s’attendre à ce que lors du Platinum Week, « Johnson Matthey chante les louanges du platine mais jette le doute sur la soutenabilité des prix du palladium. Lors d’une réunion avec Lonmin, troisième producteur mondial de platine, qui s’est déroulée hier soir chez nos collègues de la recherche « économique, c’est exactement ce sentiment qui a été présenté, et il se trouve qu’il reflète le nôtre ».

Difficultés en Afrique du Sud et au Zimbabwe

Au passage, alors que 90% des réserves de platine se trouvent en Afrique du Sud et au Zimbabwe, alors que la palladium vient essentiellement de Russie, le numéro un mondial du platine, le sud-af’ AngloPlatinum (filiale d’AngloAmerican), rencontre bien des difficultés. Son projet majeur visant à l’extension de sa mine de Potgietersrust (ouf !), dans la province du Limpopo, est en butte à une plainte en nom collectif (‘class action’) déposée par des riverains.

Le média sud-africain Business Report rapporte que le projet d’AngloPlat empêcherait les populations locales d’accéder à des terres arables, ainsi que d’élever leur bétail. Or ce projet, d’un coût de 4 milliards de rands (520 M