Qui dit métal précieux dit record ! En voilà un dont vous n’avez pas dû entendre parler souvent, et pour cause : on n’en produit guère de par le monde, même si les besoins vont croissant. Membre de la famille des 6 métaux platinoïdes (‘platinum grade metals’, ou PGMs, en anglais), c’est du métal précieux le plus cher du monde, le rhodium, dont nous parlerons aujourd’hui. En commençant par ce simple constat : le 23 mars 2005, l’once ‘troy’ (31,10 grammes) de rhodium valait 1.560 dollars. Hier, le 23 mars 2006, cette même once valait… 4.290 dollars, soit presque trois fois plus ! Du jamais vu depuis quinze ans, puisque le précédent record du rhodium remonte à 1991 à plus de 5.100 dollars l’once. Rares sont les actifs qui affichent de telles performances ! Photo ci-contre : « pastilles » de rhodium après raffinage.
Note aux lecteurs : nous avons ajouté le 24/03 au soir deux diagrammes qui détaillent l’évolution de l’offre et de la demande de rhodium de 1996 à 2005.
Par ailleurs, la chronique Métaux précieux ne paraîtra pas lundi 27 mars. Nous serons en congés…
Mais que peut-on bien faire avec un métal aussi cher ?
Dans la nature, le minerai qui contient le rhodium est toujours lié à celui contenant du platine et du palladium. Ainsi, les principaux gisements de rhodium sont, sans surprise, situés principalement au Sud de l’Afrique. Identifié en tant que tel au début du XIXème siècle, le rhodium doit son nom à la couleur rougeâtre du minerai duquel il est extrait (voir photo ci-contre, source : Implats Co.). En grec, ‘rhodon’ signifie « rouge ». C’est son découvreur, le chimiste anglais William Hyde Wollaston, qui l’a appelé ainsi en 1804. On suppose qu’il a extrait le rhodium d’un minerai provenant d’Amérique du Sud.
Physiquement, le rhodium est un peu moins lourd que ses cousins : quand l’or pèse 19 grammes par centimètre-cube et le platine 21, le rhodium ne pèse que 12 grammes. Mais il ne fond que porté à près de 2.000 ° C, soit deux fois plus que l’or. Isoler ce métal suppose donc de maîtriser de techniques métallurgiques avancées, qui coûtent cher et expliquent, avec sa rareté, son prix.
D’apparence, le rhodium est légèrement plus clair que l’argent et le platine, dans les tons de gris ; il reflète bien plus la lumière que ses cousins PGMs, et à ce titre commence à être utilisé en joaillerie sous forme d’alliages. Rappelons qu’en Asie par exemple, les bijoux fabriqués dans autre chose que de l’or ont le vent en poupe. En outre, la recherche scientifique est en train de se pencher sur les propriétés médicales du rhodium, comme l’indique cet article qui parle de « Superman des éléments » pour qualifier notre métal… Mais il ne s’agit là que d’usages très marginaux du métal.
L’industrie automobile, dévoreuse de rhodium
Car il se trouve que l’usage qui utilise la quasi-totalité du rhodium et a absorbé l’intégralité de la hausse de la production depuis dix ans, c’est l’industrie automobile. Heureusement que les pots catalytiques sont « recyclables », sinon la production minière n’y suffirait pas (voir le tableau Johnson Matthey plus bas) ! Mais même la récupération ne permet pas au marché du rhodium d’éviter le déficit en 2004 et 2005, ce qui n’était pas arrivé depuis 2000. Puissant soutien pour les prix s’il en est !
Parmi ses propriétés, le rhodium est un métal très dur, très résistant à la corrosion. Et c’est aussi un excellent catalyseur, comme les autres PGMs, le tout premier usage du rhodium est la fabrication de pots catalytiques. Comme le platine et le palladium, le durcissement des normes anti-pollution des véhicules diesel, impulsé par l’Union européenne, est éminemment favorable à ce métal. Cliquez pour agrandir le graphique ci-contre qui présente l’excédent ou le déficit de rhodium comparativement à l’évolution de son prix. Source : résultats intérimaires publiés par le sud-africain Implats en février dernier. Dans la catalyse, la spécialité du rhodium est de transformer les oxydes d’azote des gaz d’échappements, appelés NOx (catégorie qui comprend principalement le monoxyde d’azote – NO – et le dioxyde d’azote – NO2), en azote.
En outre, comme le platine, le rhodium est également utilisé dans les chaînes de fabrication d’écrans plats TFT et LCD. Ces écrans, qui remplacent rapidement les anciens modèles cathodiques qui équipent les ordinateurs, sont en train de faire de même avec les télévisions. Autant dire que la demande et les prix trouvent ici encore un soutien puissant. D’autant que l’offre, qui n’avait pas prévu ce regain d’intérêt, peine à suivre.
Seul mode d’ajustement en cas de déficit quantitatif dans un système de marché : la hausse des prix, qu’illustre le graphique ci-contre, qui de début 2002 à début 2006.
Cliquez dessus pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre.
Qui sont les producteurs du rarissime rhodium ?
Selon les chiffres publiés par le raffineur britannique de PGMs Johnson Matthey dans son tout nouveau rapport intermédiaire sur le secteur, le monde a connu en 2005 une production totale de 744.000 onces ‘troy’ de rhodium – et une consommation de 790.000 oz. Rapporté en tonnes, ce chiffre illustre bien l’extrême rareté du métal : pour les 365 jours de l’année dernière, cela ne représente que 23 tonnes de rhodium !
Alors qu’on a produit 27.340 tonnes d’argent en 2005, 3.200 tonnes d’or (ce qui comprend 840 tonnes recyclées, mais exclut les 663 tonnes revendues par les banques centrales), 234 tonnes de palladium, et 205 tonnes de platine (sources : Johnson Matthey, World Gold Council, GFMS).
D’après son rapport annuel 2005, le mineur sud-africain AngloPlatinum, filiale d’AngloAmerican et numéro un mondial des PGMs que nous avons évoqué dans notre papier d’hier, a vendu 299.000 onces de rhodium durant son exercice 2005. Le numéro deux du secteur, son compatriote Implats (idem), en a extrait 177.000 onces sur son exercice « à cheval » 2004-2005 clos en juin 2005. A elles deux, ces entreprises « sud-afs' » représentent 77% de la production sud-africaine et 64% de la production mondiale de métal. Bref : non seulement le rhodium est rare, mais en plus sa production très concentrée, tant en termes d’entreprises que de zones géographiques.
Forte instabilité de la production russe
A noter que selon le tableau ci-contre (page 28 de la ‘Platinum Interim Review 2005’ de Johnson Matthey, publiée en mars 2006 : cliquez dessus pour l’agrandir dans une nouvelle fenêtre), la Russie est le deuxième producteur mondial de rhodium. A la différence de l’Afrique du Sud, dont la production en 2005 a atteint un record de dix ans à 616.000 onces, la Russie n’a extrait que 90.000 onces l’année passée, soit 12% du total mondial.
Et la production de la Fédération de Russie est extrêmement variable d’une année à une autre : par exemple en 2000, elle a produit un record décennal de 290.000 onces, soit 40% de la production mondiale annuelle. Mais l’année d’avant, c’était seulement 65.000 oz, et celle d’après, en 2001, 125.000 oz. L’instabilité de la production du deuxième mineur mondial, en partie pour des raisons politiques, alimente la hausse des cours : depuis 2002, la Russie peine à dépasser les 100.000 oz annuelles, bien en deçà de son record de 2000.
Evolution de l’offre et de la demande de rhodium de 1996 à 2005
(ajouté vendredi 24/03 au soir)
Nous avons rajouté ce soir quelques diagrammes mis à disposition par les pages spécialisées du site Internet de Johnson Matthey, afin de « mettre en musique » le tableau ci-dessus. Le premier d’entre eux, ‘Rhodium supply by region’ (Offre de rodhium par région) sur la gauche de ce paragraphe, le volume et les origines de l’offre de rhodium de 1996 à 2005. Ce qui met en lumière que l’Afrique du Sud est non seulement le premier producteur de rhodium, mais que sa part dans le total grimpe fortement ces dernières années. Nota : « ROW » signifie Rest of the world, soit ‘Reste du monde’.
Même chose, du côté de la demande. Cette fois-ci, le graphique sur la droite de ce paragraphe,intitulé ‘Rhodium demand by application’ (Demande de rhodium par destination) détaille la destination du métal depuis 1996.
Sans surprise, l’industrie automobile des catalyseurs se maintient comme la toute première destination de ce métal argenté et hors de prix.
Le regard de l’analyste d’Heraeus sur le rhodium
Wolfgang Wrzesniok-Rossbach, analyste chez le fondeur-affineur allemand Heraeus, écrivait dans sa note hebdomadaire du 22 mars 2006 que « l’un des principaux facteurs de la récente hausse des prix est le manque de métal disponible, puisque les négociants retiennent leurs stocks dans l’anticipation d’une future hausse des prix ». Le rhodium, encore un marché de ‘commodities’ qui est ‘short’. Et vive le franglais.
Notant que les achats industriels ont été ininterrompus sur les douze derniers mois, notre analyste allemand indique qu’outre l’industrie automobile, « on a enregistré durant cette période une hausse additionnelle de la demande, tout spécialement dans l’industrie du verre et de la chimie ». Pourquoi ? A cause d’une progression « des capacités de production en Asie », notamment en usines d’écrans plats, mais aussi d’automobiles. Et Wolfgang Wrzesniok-Rossbach de supputer que cette nouvelle demande asiatique pourrait bien être la principale raison du haut niveau des prix actuels, puisque la production minière ne suit pas.
En matière de prévisions, Heraeus est plutôt optimiste quant au cours du rhodium. Notre analyste conclut ainsi sa note : « bien que nous nous attendions à des ventes de la part des courtiers et des spéculateurs aux cours actuels, nous n’exclurions pas que les prix montent de nouveau après une pause temporaire ».
A lire aussi sur Le Blog Finance :
- Le Zimbabwe veut (brutalement) reprendre le contrôle de ses mines (platine, 22 mars 2006)
- Le palladium à la croisée des chemins (palladium, 6 mars 2006)
- Lonmin dissipe l’espoir d’une OPA (platine, 24 février 2006)
- Qui veut la peau de Lonmin ? (platine, 21 février 2006)
Cher Manu,
Bravo pour ce dossier, j’ai appris plus sur le rhodium et cette famille de métaux en un article, qu’en lisant la presse spécialisée régulièrement.
Chapeau bas, maestro !
Marie
Passionnant votre article. Merci!
Mais c’est ma chère amie canicule ! je suis bien d’accord avec toi, Emmanuel fait un travail remarquable.
Sincèrement, j’ai récemment découvert, le Blog finance et c’est très instructifs; les journaux habituels ne font que reprendre les dépêches d’agence en réécrivant (et encore).
J’ignorais l’existence du Rhodium, merci pour cet article très intéressant.
Bon courage
Pour votre information
Les minières Pro-Or symbole POI
détienne une technologie breveté pour la récupération
des métaux précieux dans quelques mois vous allez être surpris de voir monté le stock de POI
Rédigé par: Régent Lavoie | 27 mars 06 22:53:07
Concernant les (EGP)
Cette article est vraiment détaillé pour les débutants.
Visualisez ce très bon site qui propose un guide sur les métaux précieux et notamment le platine et le palladium. Et bravo à manu dont le travail est remarquable !
http://www.gold.fr/france/guides/metaux_precieux.html
Super article ! Cela stimulera certainement la recherche de minerai recelant cet element – Sa géologie minière reste à developper pour en orienter son exploration minière…..
Très bon article, je viens de le découvrir, mais j’ai une bonne question !!!
Qui achète le Rhodium, Palladium et le Platinum a Montréal ou environs ?
Ou
Qui achète l’intérieur des pot catalytique (Métaux précieux) ?
Merci de me répondre!
Chris veux savoir 🙂
je suis de nationalite cngolaise et vouloir avoir beaucoup des info sur le rhodium
[…] of world Energy 2007, Commission Energie-Environnement du Canada, science.gouv.fr, metstor.fr, leblogfinance.com/2006/03/le-rhodium-mtal.html ; Chiffres clés des matières premières minérales – 1999 DGEMP/OMP- édit. : Ministère de […]
je viens de faire rhodier deux bagues en or blanc et quelques heures apres elees s’occident et dev iennent sombres gris foncé mon bijoutier les a rhodiés et ça recommense que faire?
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