L’industrie pétrolière menacée par l’essor des véhicules électriques

Si les majors pétrolières britanniques se vantaient récemment d’avoir anticipé le Brexit – laissant ainsi entendre que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne n’aurait peu qu’incidence sur la marche de leur entreprise – l’industrie pétrolière dans son ensemble pourrait bien avoir sous estimé l’essor des véhicules électriques et l’impact de ce dernier sur ses revenus.

Selon un rapport réalisé conjointement par l’ONG Carbon Tracker et le Grantham Institute, tous deux basés à Londres, la croissance du marché des voitures électriques pourrait prendre au dépourvu les compagnies pétrolières, lesquelles ont sous-estimé jusqu’à maintenant son incidence alors que le développement des moteurs électriques pourrait entraîner une baisse de la demande de brut dans la prochaine décennie.

Les deux ONG estiment que la baisse du coût des véhicules électriques et des énergies renouvelables pourrait dès 2020 stopper la hausse de la demande de pétrole. D’après leurs calculs, l’essor du marché des véhicules électriques pourrait même conduire à une baisse de la demande de l’ordre de deux millions de barils par jour (mbj) d’ici à 2025. Une prévision d’autant plus inquiétante qu’une baisse d’une même ampleur avait précédé la chute du prix du baril en 2014.

Les analystes à l’origine du rapport avertissent que ce chiffre pourrait être multiplié par cinq d’ici à 2035, s’attendant à ce que les véhicules électriques représentent à cette date un tiers du marché des transports routiers. Pour rappel, à l’heure actuelle, les secteurs de l’électricité et des transports routiers représentent environ la moitié de la consommation de combustibles fossiles. Le rapport fixe par ailleurs à 2020, la date à laquelle s’inversera la courbe des prix d’achat, considérant que d’ici trois ans, les véhicules électriques devraient être moins chers que ceux nécessitant du pétrole.

Selon Luke Sussams, analyste pour Carbon Tracker, très peu d’entreprises ou d’institutions de l’industrie énergétique se penchent vraiment sur le bouleversement que provoquerait un développement exponentiel des énergies électriques et solaires.

Dans son rapport annuel sur les scénarios énergétiques à long terme, la major pétrolière BP a pour sa part indiqué que selon ses estimations, la demande de pétrole pour les voitures allait continuer à augmenter au moins jusqu’au milieu des années 2030. Ses calculs sont basés sur une part de marché des véhicules électriques limitée à 6 % en 2035, tablant sur un parc de 100 millions véhicules électriques à cette date.

Certes, les experts indépendants demeurent à l’heure actuelle divisés sur la vitesse de remplacement des véhicules dotés de moteurs à combustion interne par des voitures électriques. Reste tout de même que cette évolution leur semble inéluctable.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) – laquelle inclut systématiquement depuis quelques années des études sur le sujet dans son « World Energy Outlook » – les véhicules électriques devraient représenter 8% du marché d’ici à 2040 (soit 150 millions de véhicules) et entraîner une baisse de la demande de pétrole limitée à 1,3 mbj (soit moins de 1 % de la demande mondiale). Son scénario le plus volontariste table sur 715 millions de véhicules électriques en 2040, prévoyant en parallèle un impact de 6 millions de barils par jour (Mb/j) sur la consommation de pétrole, laquelle atteindrait encore 73 Mb/j selon cette hypothèse.

L’organisme de prévision privé Bloomberg New Energy Finance (BNEF ) estime pour sa part que ce type de motorisation devrait représenter 22% du marché d’ici à 2035, une estimation cohérente avec celle de l’étude élaborée par les deux ONG. Le BNEF parie sur une part de 35 % de véhicules électriques dans les ventes de véhicules légers en 2040, chiffrent les économies sur la demande de brut à 13 Mb/j.

En vue d’argumenter ses conclusions, Luke Sussams précise qu’en 2016 plus d’un demi-million de véhicules électriques ont été vendus en Chine, le pays représentant le plus grand marché de véhicules électriques au monde. Il fait ainsi remarquer qu’il s’agit presque d’une croissance exponentielle.
A noter toutefois que le modèle de prévision de Carbon Tracker prend pour hypothèse de base une croissance très rapide du marché des véhicules électriques et l’absence de goulets d’étranglement tels qu’une pénurie de bornes de recharge. Les prévisions de Carbon Tracker et du Grantham Institute sont conformes à celles de constructeurs automobiles comme Tesla, General Motors et des principaux constructeurs européens.

Qu’à cela ne tienne, mi-janvier à Davos, Amin Nasser, le PDG de Saudi Aramco (géant pétrolier saoudien) s’est voulu plus qu’optimiste face à de telles prévisions alarmantes. Il estime ainsi que les véhicules électriques ne sont pas près de menacer le pétrole même si le transport absorbe aujourd’hui 55 % de la consommation de brut.

« Il y a aujourd’hui 1,2 million de véhicules électriques dans le monde, pour une flotte mondiale de 1,2 milliard. Selon les prévisions, leur nombre passera à 150 millions en 2040, mais la flotte mondiale atteindra alors 2 milliards, soit en gros une pénétration de 8 % du marché des véhicules légers », a-t-il ainsi déclaré lors du forum, rappelant en outre que 30 % de la consommation de pétrole était absorbée par les camions, les avions et les navires, et 15 % par la pétrochimie.

Reste que la question – pour ne pas dire la menace –  figure parmi  les principales  préoccupations de grands producteurs pétroliers tels que le géant français Total. Le patron du groupe, Patrick Pouyanné, a ainsi récemment indiqué qu’il était «  persuadé » que le véhicule électrique allait « se développer plus vite qu’on ne le pense, notamment en Chine, pour des raisons de santé publique et de pollution locale, et dans les grandes métropoles occidentales ».

Cette semaine, en marge du colloque du Syndicat des énergies renouvelables, il a indiqué que Total travaillait sur un « plan » pour étudier « comment mailler les grands axes » routiers de l’Hexagone en bornes de recharge dans ses stations-services. L’objectif serait d’installer environ 300 stations, a-t-il déclaré, sans préciser à quel horizon. Le géant pétrolier Shell a indiqué pour sa part au « Financial Times » être engagé dans le même type de réflexion.

En octobre 2016, l’agence de notation Fitch qualifiait le véhicule électrique de « menace sérieuse pour les compagnies pétrolières », envisageant également que les compagnies puissent potentiellement se retrouver face à des difficultés de financement dans le cas où les investisseurs se détourneraient de leurs titres, face à l’essor du marché de l’électrique.

Fitch s’était alors interrogée sur l’impact d’une éventuelle décision de la Chine interdisant d’ici 5 ans la circulation de véhicules roulant au pétrole. Une hypothèse qui ne doit pas être prise à la légère alors qu’en juin 2016, la Norvège a d’ores et déjà annoncé son intention de bannir les véhicules thermiques dès 2025.

Sources : AFP, les Echos

Elisabeth Studer – 4 février 2017 – www.leblogfinance.com

(24 commentaires)

  1. C’est une excellente nouvelle :)! Je pense que le monde sera bien meilleur sans pétrole. On a fait un vrai pas en avant depuis cette interview de la secrétaire générale de l’AVERE : https://www.youtube.com/watch?v=m08mnIqXqP8&t=9s . Je trouve cependant dommage que le crédit d’impôt concernant l’installation de bornes à domicile n’est pas été revu comme le suggérait le ministère de l’Environnement.

  2. Electrique parce que ??? Nucléaire ?? Va-t-on voir aussi des avions long courrier électriques ?
    Ce qui bride la consommation de pétrole chez nous c’est uniquement la crise financière !!

  3. Bonjour, Mme Studer,
    je diffuse aux médias français des informations liées au climat et à l’énergie, y compris sous les angles économiques et financiers, comme l’étude de Carbon Tracker que vous citez dans cet article. Merci de me dire si vous souhaitez que je vous ajoute à ma liste de diffusion (benjamin.jullien@gsccnetwork.org).
    Merci !
    Benjamin

  4. http://labanmattei.photoshelter.com/index/G00001l2gtCyo1IQ
    Pour la Mongolie, il faudra demander aux Chinois ce qu’ils pensent des « Traités Inégaux » 🙂 😉
    Pour le Choléra ceux qui utilisent des Népalais « qui ne coûtent pas cher  » doivent payer. Inutile de faire les malins au Conseil de sécurité avec des gnagnas sur la Syrie.
    Il faudra payer aussi pour avoir poussé le Japon à installer des centrales nucléaires en bord de mer dans des zones soumises à tsunamis

  5. Il faudra payer aussi pour avoir poussé le Japon à installer des centrales nucléaires en bord de mer dans des zones soumises à tsunamis …… 🙁

  6. Il faudra payer pour avoir installé des états religieux débiles en Yougoslavie, au Sud Soudan, à Chypre, etc ..
    Comment pouvons nous supporter toute cette propagande débile ! « Mon Dieu m’a dit de foutre les autres dehors d’ici, ou alors de là »

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