Grève : le Medef tire la sonnette d’alarme

GabinAlors que la grève contre la réforme des régimes spéciaux de retraite se prolonge, le patronat a tiré la sonnette d’alarme dimanche.

Selon le Medef, le mouvement fait courir « un grave danger » aux entreprises. En vue d’éviter des conséquences néfastes pour l’économie et la croissance de la France, il réclame une reprise du travail lundi.

L’impact économique du conflit est – pour l’instant – particulièrement sensible dans les secteurs touchés directement par la grève, comme les transports, estiment les économistes.

« Nous demandons et espérons une reprise du travail dès ce lundi« , a déclaré le Medef dans un communiqué diffusé dimanche, estimant que le conflit faisait peser sur les entreprises françaises une menace sur « leur rentabilité, leurs relations-clients, et donc dans leur pérennité« . Ca y est : le drapeau noir du chômage, des suppressions d’emploi et des délocalisations est désormais sorti. Parions même que leurs spectre n’en finiront pas de rôder, voire même s’inviteront aux tables de négociations.

La CGPME (petites et moyennes entreprises) avait déjà affirmé vendredi son soutien à la réforme, considérant que « les mouvements sociaux actuels nuisaient gravement à l’économie française« .
« Les salariés du secteur privé ont accepté des efforts importants tant en ce qui concerne le calcul des pensions que le nombre d’annuités exigibles pour en bénéficier« , a-t-elle fait valoir dans un communiqué.

Selon la confédération, « la simple équité exige que ceux qui, en la matière, font aujourd’hui figure de privilégiés, acceptent, à minima, de s’aligner sur la fonction publique« . Diviser pour mieux régner en quelque sorte, dressez les salariés du secteur privé contre les fonctionnaires, il y a peut-être mieux à faire …

Leader mondial de l’acier, ArcelorMittal, qui revendique le titre de « premier client de la SNCF » a, lui aussi, d’ores et déjà exprimé son inquiétude face à la grève dans le fret ferroviaire. « Chaque jour de grève impacte le dispositif industriel du groupe en France et vers les pays limitrophes, ce qui tendrait à affaiblir ses positions dans le contexte de la globalisation du marché« , a expliqué Alain Bouchard directeur des achats chez ArcelorMittal. « Chaque jour de grève génère deux jours de retards dans les livraisons« , a-t-il ajouté.

Bataillerail A la SNCF, on estime que les deux journées de grève des 18 et 19 octobre ont déjà coûté une cinquantaine de millions d’euros à la compagnie en comptant les pertes de chiffre d’affaires et les dédommagements aux clients.

Pour son directeur général exécutif, Guillaume Pépy, la situation du fret est tout simplement « dramatique ». Selon lui, vendredi environ 160 trains étaient encore bloqués par le mouvement de grève. « La situation s’améliore très progressivement. Remettre le service en route prend du temps », affirmait avant le week-end la direction fret du groupe. La SNCF tente d’acheminer en priorité « les trains vitaux pour la continuité de l’activité » ainsi que ceux « en cours » de trajet.

« Pour le moment, aucune entreprise n’a été contrainte au chômage technique. Mais si la grève devait durer jusqu’au milieu de la semaine prochaine, nous serions très inquiets », affirmait vendredi Christian Rose, le délégué général de l’Association des utilisateurs de transport de fret. « La plupart des entreprises peuvent encore faire face pendant 3 jours et jusqu’à une semaine de grève pour certains. Au delà, des problèmes pourraient se poser. Pour le moment, les industriels ont chargé au maximum les stocks et se tournent pour certains vers d’autres modes de transports», ajoute-t-il. Lesquels pourraient faire grève, à cause de la flambée des prix du carburant. Pauvre France …

Un mouvement social trop long à la SNCF pourrait en effet inciter les industriels à se reporter sur la route, au détriment du ferroviaire. « Un risque qui n’est pas à écarter pour les secteurs d’activités qui sont les moins dépendantes du fret ferroviaire » souligne Christian Rose.

« Par extension la vente par correspondance, très affectée en 1995, devrait elle aussi subir les effets du blocage », prévoit quant à lui Pierre-Olivier Beffy chef de la division synthèse conjoncturelle à l’Insee. Selon lui, une grève d’une durée de un à deux jours a un impact négligeable sur l’économie. Mais si elle venait à durer plusieurs semaines, alors son impact ne serait plus négligeable.
Selon les calculs de l’Insee, la grève de 1995 qui avait duré 3 semaines continues avait eu un impact de 0,3 à 0,5 point de PIB au 4e trimestre et au final 0,1 point de PIB en annuel, avec un impact sur la consommation des ménages en termes de dépenses de transport. A noter que le report des dépenses, qui a un impact d’autant plus important que la grève est longue, est en partie compensé par le fait que les achats ont lieu après.

Lors de la grève de mai-juin 2003, l’Institut disposant de plus d’informations sectorielles, avait pu constater qu’il n’y avait pas eu de report d’activité dans le transport ferroviaire et aérien. Mais, qu’en revanche, le fret avait été particulièrement touché et compensé par le dynamisme du transport routier

L’activité des entreprises liées au commerce, au tourisme, à l’organisation de foires et de salons, « pourrait être assez fortement pénalisée par un conflit durable », affirme pour sa part Nicolas Bouzou (cabinet Astérès) qui estime qu’une semaine de grève « dure » enlève environ 0,1 point de croissance au PIB. L’économiste observe toutefois que « dans nombre de secteurs, la grève ne réduit pas significativement l’activité, elle la déplace dans le temps ».

Les théâtres parisiens subissent aussi à des degrés divers les répercussions de la grève des transports. Quelques-uns ont annulé des spectacles, d’autres constatent une baisse de la fréquentation, beaucoup reportent les billets à d’autres dates. La Comédie-Française est la plus touchée car ses personnels techniques, concernés par les régimes spéciaux de retraite, sont en grève. Mais les autres théâtres, petits ou grands, subissent également les conséquences des difficultés de transport des spectateurs, qui souvent viennent de banlieue ou de province. Au Kiosque, où l’on vend en direct des places à tarif réduit pour le jour même, on constate une baisse de fréquentation de l’ordre de 30%.

Pour Marc Touati (ACDEFI), si un « phénomène de rattrapage de la baisse d’activité passée s’opère » lorsque la grève se termine, cette compensation n’est que partielle. Il insiste sur le « véritable coût de la grève » qui réside, selon lui, dans l’affaiblissement de l’ensemble des acteurs économiques du pays, « ce qui aura cette fois-ci un impact durable sur la croissance nationale ».

Sources : AFP, Usine Nouvelle

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(7 commentaires)

  1. Je suis assez sceptique sur l’intérêt de ces appels patronaux à cesser une grève. Sans doute s’agit-il de convaincre les grévistes que leur mouvement a un impact réel sur l’économie, ce qui peut les inciter à croire que le gouvernement, qui n’est pas totalement sourd aux revendications du MEDEF, finira par céder.
    Amusante aussi est la réaction de la CGPME qui rappelle les « sacrifices importants » des salariés du privé. Oui, c’est vrai que nous, salariés du privé, nous sommes laissés faire sans rien dire, parce qu’on est des moutons. On serait donc mal placés pour reprocher aux cheminots de se battre pour leurs droits.
    En attendant, si le gouvernement veut arrêter la grève, pourquoi ne va-t-il pas tout simplement discuter avec les syndicats ? Et accessoirement, est-ce vraiment le rôle de l’Etat (du patronnat, de la presse, etc… c’est tout un peu pareil, il faut bien le dire) de monter les Français les uns contre les autres ?

  2. Régimes spéciaux: le gouvernement veut allonger la durée de cotisation à 41 ans dès 2016
    Le gouvernement veut porter la durée de cotisation des régimes spéciaux à 41 ans en 2016, selon les décrets d’application de la réforme divulgués mercredi, qui doivent être publiés début janvier au « Journal officiel ».
    Selon « Les Echos » daté de mercredi, ces textes confirment le passage de la durée de cotisation de 37,5 à 40 ans dès 2012. Mais ils précisent aussi qu’elle sera augmentée « d’un trimestre au 1er juillet de chaque année jusqu’à atteindre la durée maximum définie à l’article 5 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites », soit 41 ans en 2016.
    Prévue par la loi de 2003 pour les régimes de retraite du public et du privé, cet allongement de la durée de cotisation devait toutefois être confirmé par une négociation début 2008 avec les partenaires sociaux portant sur la totalité de la réforme des retraites. En l’appliquant d’ores et déjà aux régimes spéciaux, le gouvernement anticipe donc sur le résultat de ces discussions.
    « Grosso modo, la négociation prévue par le gouvernement en 2008 n’a pas lieu d’être », s’est insurgé mercredi Patrick Guillaudat, secrétaire fédéral de Sud-Rail. « Cela prouve que les négociations ne sont pas possibles sans mouvement social ». Et d’ajouter, dans une allusion aux vacances égyptiennes du président Nicolas Sarkozy: « Aller en Falcon privé à Louxor et demander aux autres de faire des sacrifices… c’est un choix de société ».
    Dans un communiqué, la fédération SUD-Rail a annoncé mercredi avoir « contact(é) les autres fédérations syndicales de cheminots pour les convier à une rencontre interfédérale » vendredi prochain. Objectif: « organiser ensemble une riposte dans la première quinzaine de janvier ».
    « Il n’y a aucune surprise » et « cela sera discuté au grand jour au tout début du mois de janvier pour une publication des décrets au mois de janvier », a assuré mercredi le ministre du Travail Xavier Bertrand sur France-Info.
    « Soyons clair: j’ai toujours joué cartes sur table (…) J’ai toujours dit que si le public et le privé passaient à 41 ans, par la suite les régimes spéciaux ne resteraient pas à 40 ans », a-t-il ajouté. Car « vous ne pouvez pas mettre l’ensemble des Français sur un pied d’égalité un jour, et ensuite laisser se reproduire des différences de traitement par la suite ».
    Ces décrets d’application ont été transmis pour avis aux conseils d’administration des caisses de retraite concernées.
    Achevées à la RATP, les discussions sur la réforme des régimes spéciaux devaient en revanche se poursuivre jusqu’en février à la SNCF. Le ministère du Travail avait d’ailleurs salué vendredi dernier dans un communiqué le « climat constructif » de ces négociations de branche ou d’entreprise, estimant qu’elles avaient « permis d’acter un certain nombre d’avancées ».
    Les fédérations syndicales de cheminots CGT, CFDT, CFTC, UNSA et CGC ont appelé leurs adhérents « à participer massivement »à une manifestation à Paris le 22 janvier pour faire pression sur les négociations en cours.
    « J’entends bien que la CGT puisse mobiliser l’ensemble des assurés sociaux, qu’ils soient du régime général, du régime de la Fonction publique et des régimes spéciaux, pour s’opposer à l’allongement sans fin de la durée de cotisation », a déclaré mercredi Didier Le Reste, secrétaire général de la CGT-Cheminots, sur France-Info.
    Mais « les grèves ne se décrètent pas », a-t-il concédé. « Pour le moment, nous avons, avec plusieurs fédérations syndicales, proposé l’organisation d’une grande manifestation nationale le 22 janvier prochain et nous allons analyser d’ici là l’évolution de la situation ».
    http://www.boursorama.com/infos/actualites/detail_actu_marches.phtml?&news=4971725

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