iShare Silver Trust : et un ETF sur l’argent, un !

C’est finalement lors du dernier jour ouvrable d’avril que le très attendu ETF sur l’argent lancé par Barclays aux Etats-Unis a – enfin ! – trouvé le chemin de la cote. Depuis le vendredi 28 avril, les investisseurs nord-américains peuvent acheter sur le marché Amex des parts de l‘iShare Silver Trust (mnémonique, Amex : SLV). L’après-midi du lundi premier mai sur l’Amex, l’iShare Silver Trust cotait 140$ (+ 1,88%) pour sa deuxième séance de cotation.

Il s’agit du tout premier ETF mondial sur l’argent, lancé par un acteur déjà présent sur le segment des ETF sur or avec son iShares Comex Gold Trust (mnémonique, Amex : IAU).

Mais Barclays ne détient pas une part de marché dominante sur les ETF aurifères. Si son iShares Comex Gold rassemble 39 tonnes d’or (1,25 million d’onces ‘troy’), le numéro un du marché restant le streetTRACKS Gold Shares (mnémonique, Nyse : GLD), un ETF fort de 358,5 tonnes de métal jaune, soit 11,5 millions d’onces. En se plaçant bon premier sur l’argent, Barclays tente de faire de l’ombre aux ETF du Conseil mondial de l’Or.

Car c’est bien ce dernier qui, de près ou de loin, reste l’organisateur de la plupart des ETF sur or. Pour mémoire, le streetTRACKS Gold Shares est proposé par World Gold Trust Services LLC, une filiale à 100% du Conseil mondial de l’Or (ou ‘World Gold Council’, WGC).

Ce « conseil », dont le quartier général est à Londres, est lui-même contrôlé par les deux premières ‘majors’ mondiales des mines d’or, les compagnies nord-américaines Barrick Gold-Placer Dome (mnémonique, Nyse : ABX) et Newmont Mining (mnémonique, Nyse : NEM).

D’ailleurs, le président d’origine québécoise de Newmont Mining, Pierre Lassonde (photo), a été élu président du Conseil mondial de l’Or en mars 2005. Certes, son poste de président de Newmont est plus honorifique que réellement exécutif, et date du rachat de sa compagnie Franco-Nevada par Newmont. Mais indubitablement, Lassonde est un personnage influent au sein du monde aurifère nord-américain.

Le Conseil mondial de l’Or, ‘sponsor’ du streetTRACKS Gold Trust, s’est adjoint les services The Bank Of New York comme « trustee » (soit, plus ou moins, « administrateur ») et de HSBC Bank USA comme gardien (« custodian ») du métal physique.

La banque qui a donné la première partie de son nom au produit, State Street, est l’agent marketing et le commercialisateur de l’ETF. Rien de plus…

Barclays Global Investors, organisateur de l’ETF sur argent « numéro 1 »

A la différence du produit précédent, l’ETF sur l’argent iShares Silver Trust n’est pas organisé par des professionnels des mines, mais par la banque britannique Barclays Plc. Plus précisément par Barclays Global Investors (BGI), la  filiale californienne pour les Etats-Unis du groupe bancaire britannique Barclays Plc.

Le principe est simple : un trust achète de l’argent métal, l’entrepose, et sur cette base émet en Bourse des titres dont le cours reflète la valeur de marché du stock de métal, moins les frais de gestion.

BGI est aujourd’hui l’un des grands noms de la gestion d’actifs : il déclarait avoir sous gestion 1.500 milliards de dollars (1.270 milliards d’euros) à fin décembre 2005, pour le compte de 2.800 clients répartis dans 48 pays. Ses 11 bureaux internationaux emploient 2.100 personnes. Cliquer sur l’image ci-contre pour agrandir la présentation de BGI dans une nouvelle fenêtre.

Gestionnaire de fonds d’épargne-retraite – BGI se vante d’avoir pour clients « les deux tiers des 100 plus importants plans d’épargne [des Etats-Unis] » -, la filiale de Barclays propose aussi aux investisseurs une gamme d’Exchange Traded Fund (ETF) appelée iShares, riche de 140 produits.

Le marché américain Amex cote désormais 198 ETF différents. Sur ce total, les produits de la gamme iShares sont au nombre 88 – les autres ETF Barclays sont cotés ailleurs, par exemple sur le Nyse -, soit 44,5% des ETF disponibles sur l’Amex. A l’heure actuelle, presque tous ces produits répliquent des indices d’actions du monde entier ou des obligations internationales. Seulement deux portent sur les matières premières : l’or, et maintenant l’argent.

Quelques caractéristiques principales de l’iShares Silver Trust

Selon TheStreet.com, à l’occasion du lancement de l’iShares Silver Trust, Christine Hudacko, porte-parole de BGI, a déclaré : « si vous n’êtes pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche, vous avez maintenant un moyen facile d’accéder au marché de l’argent avec le premier et le seul ETF » sur ce métal.

Avec cet ETF, investisseurs individuels comme institutionnels peuvent se positionner sur l’argent pour diversifier leurs placements, sans passer par les contrats livrables à terme (‘futures’) qui n’ont pas été conçus pour les particuliers ni pour les investisseurs de long terme que sont les fonds d’épargne retraite.

Puisque l’argent est 50 fois moins cher que l’or, la valeur de la part d’iShare Silver Share correspond à 10 onces d’argent, soit 311 grammes. A contrario, la part du streetTRACKS Gold Share ou celle de l’iShares Comex Gold Trust est d’un dixième d’once d’or, soit 3,1 grammes.

50 fois moins cher, pas 50 fois moins encombrant… Pour la peine, la commission de gestion sur l’ETF argenté est de 0,50% l’an – contre 0,40% pour la plupart des ETF sur or -, et vient comme d’habitude en déduction de la valeur de la part.

Le principal prix de référence utilisé par l’ETF sera le fixing quotidien de mi-séance du marché de l’argent du marché de Londres, le London Bullion Market Association (LBMA).

Nous signalons à l’attention des investisseurs potentiels que ce produit financier n’est pas exempt de risques, comme nombre de nos lecteurs doivent déjà le savoir. La consultation du prospectus déposé par BGI auprès de la SEC est un préalable indispensable avant toute décision d’investissement. Les limitations de garanties y sont évoquées. Voir le prospectus daté du 24 avril 2006 : Download SLVprospectus.pdf, format PDF, 60 pages, en anglais.

Sur le papier, un ETF remboursable en métal

Les parts d’ETF sont-elles remboursables en métal plutôt qu’en devises ? Théoriquement, oui, comme tel est le cas pour les ETF sur or. Vous pouvez demander à céder vos iShares Silver Trust et à ce qu’elles vous soient réglées en métal, et non en dollars américains, la devise du produit.

Comme toujours, il y a un pas – c’est le moins que l’on puisse dire ! – de la théorie à la pratique : ce « remboursement en métal » n’est possible que par « panier » de titres, et BGI définit un « panier » comme un bloc de 50.000 ETF. Soit la bagatelle de 500.000 onces d’argent, 7 millions de dollars (5,54 millions d’euros) au cours du jour et 15,5 tonnes de métal. Pensez à louer un semi-remorque…

Londres, premier marché mondial de l’argent physique

Pourquoi 50.000 onces ? Sans doute parce que c’est la quantité minimale négociable sur le marché international ‘over the counter’ (avec livraison physique) de Londres, le LBMA, qui négocie l’or et l’argent. Ce marché londonien est en effet le premier marché mondial de l’argent physique, le Comex américain et le Tocom japonais négociant surtout des produits dérivés. C’est sans doute la raison pour laquelle BGI a choisi Londres pour installer son premier coffre rempli d’argent.

Comme la filiale du World Gold Council, BGI, le « sponsor », a choisi comme « trustee » de son ETF The Bank of New York. Barclays étant un groupe bancaire, il s’occupe lui même de la commercialisation de l’ETF.

Le conservateur du métal, le « custodian », est la filiale londonienne de la banque américaine JP Morgan Chase Bank N. A. Dans son prospectus sur l’iShare Silver Trust, BGI écrit : « l’argent possédé par le trust sera détenu par le conservateur en Angleterre, et dans d’autres lieux qui pourraient être avalisés à l’avenir. L’accord entre le trust et le conservateur est régi par le droit britannique ».

L’iShares Silver Trust ne pèse encore que 16% de son volume maximal

Nous l’avions mentionné dans nos précédents papiers (voir les liens en fin d’article) : le produit de Barclays intervient sur un marché de l’argent où la réalité des stocks de marché est sujette à caution. Désavouée par la Securities & Exchange Commission (SEC), l’équivalent en plus sérieux de la COB française, la Silver Users Association (SUA), qui regroupe les industriels de l’électronique, de la photographie et les grands bijoutiers, avait lancé une campagne contre l’autorisation de mise sur le marché de l’ETF.

Après avoir pris son temps, la SEC l’a désavoué, estimant que malgré une estimation des stocks délicate, ce produit permettrait plus de transparence sur le marché de l’argent.

Pratiquement, BGI a mis vendredi sur le marché une partie seulement de son ETF : 2.100.000 parts représentant environ 21 millions d’onces d’argent (653,2 tonnes). Les documents actuellement validés par la SEC lui permettent d’en émettre jusqu’à 13 millions, soit dix fois plus d’onces d’argent et plus de 4.000 tonnes de métal. Bref, l’ETF n’en est aujourd’hui qu’à 16% de son volume maximal.

L’émission du reste des parts se fera ensuite, au fur et à mesure de la demande et suivant l’importance de cette dernière. Le prospectus précise : « le trust a l’intention d’émettre de temps en temps des iShares, sur une base continue ». « Les iShares seront proposés au public de temps en temps à des prix qui reflèteront, entre autres paramètres, le prix de l’argent et le prix de l’iShare sur l’Amex au moment de l’offre ».

La création de nouvelles parts, ou leur remboursement, se fera par unité de 50.000 onces (voir encadré). « Aucune iShare ne sera créée sans que le conservateur n’ait alloué la quantité d’argent correspondante sur le compte du Trust », précise la page 5 de la foire aux questions (FAQ) de l’iShare Silver Trust disponible sur le site de BGI.

L’intérêt des investisseurs ne semble pas se démentir : le volume d’échange sur SLV a été de plus de 2 millions de titres vendredi, soit la quasi-totalité des parts émises. Lundi après-midi, un peu plus d’une heure avant la fermeture des Bourses américaines, presque 1,4 million d’ETF sur argent avaient changé de mains.

Bref, l’intérêt spéculatif est là lui aussi, d’autant que les ETF peuvent être prêtés ou vendus à découvert. Attention à la volatilité du cours de cet ETF : sur les trente derniers jours, l’once d’argent a évolué entre 11,60$ et 14,74$.

A lire aussi sur l’argent dans Le Blog Finance :

• Argent : l’ETF américain de Barclays enfin sur les rails ? (26 avril 2006)
• Argent : les conséquences du lancement de l’ETF de Barclays, selon UBS (14 avril 2006)
• L’once d’argent dépasse les 10 euros ! (10 avril 2006)
• En attendant l’ETF, l’argent tutoie les 11 dollars (29 mars 2006)
• L’argent brille de mille feux grâce à l’ETF de Barclays (23 mars 2006)
• L’argent, un petit métal devenu grand ? (17 mars 2003)