Sénégal : Davos africain de la sécurité à la mi décembre, l’arbre qui cache la boulimie de pétrole ?

Davos africain de la sécurité : c’est en ces termes que la France et le Sénégal présentent  le Forum international  sur la paix et la sécurité en Afrique qui aura lieu à Dakar (Sénégal) le 15 et 16 décembre prochains.

Objectif : rassembler près de 200 stratèges, chercheurs et experts en sécurité autour de plusieurs chefs d’Etat africains, en vue de créer un lieu d’échange sur la sécurité en Afrique, au même titre que ceux mis en place pour traiter de l’Europe ou de l’Asie. Le Forum a pris pour modèle celui de Munich (Allemagne) ainsi que celui de Shangri-La, à Singapour. La Fondation pour la recherche stratégique est l’un des opérateurs de ce projet.

Les participants à cette rencontre vont avoir des «échanges libres et ouverts entre panafricains, mais aussi avec la participation de partenaires internationaux», si l’on en croit le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Mankeur Ndiaye. Lequel présente l’événement comme « une rencontre informelle ». Son « ancrage panafricain mais aussi sa large ouverture aux partenaires internationaux » devrait permettre selon lui de créer un véritable espace de réflexion stratégique.

«Ce sera un espace où les décideurs politiques, chefs d’Etat, Premiers ministres, ministres (…), les dirigeants des forces de défense et de sécurité, les responsables de l’Union africaine vont côtoyer dans les différents panels et dans les différents ateliers, les universitaires, des chercheurs, des experts, des spécialistes, de la sécurité», a par ailleurs précisé Mankeur Ndiaye.
D’après le chef de la diplomatie sénégalaise, l’événement sera également l’occasion pour les Africains de trouver des réponses aux problèmes de paix et de sécurité sur le continent. Les thèmes abordés traiteront, entre autres, de sujets tels que la migration, l’extrémisme et la criminalité transnationale organisée. Selon le haut diplomate, une plate-forme de partage des données devrait être mis en place en suivant.
La Fondation pour la recherche stratégique (Frs) de Paris et l’Institut panafricain de stratégies  de Dakar dirigé par Cheikh Tidiane Gadio sont associés avec d’autres think-tanks pour la mise en œuvre de ce forum. Lequel vise également à approfondir la réflexion sur les engagements pris au Sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique en décembre 2013.

Pour celui qui fût l’ancien ministre des Affaires étrangères sous le régime de Wade, le véritable défi consiste à trouver des méthodes pour pouvoir organiser la réponse africaine aux menaces qui la guettent. D’après lui, l’Afrique a besoin de mutualiser ses ressources pour faire face aux défis sécuritaires. «La crise du Mali a été révélatrice que nos Etats ont des moyens très limités», a-t-il souligné. De plus, a-t-il ajouté, «nous ne sommes pas assez réactifs face aux dangers». Des propos qui sonnent d’une façon toute particulière alors que – simple coïncidence ? –  le forum est organisé alors même  que France et Espagne se sont rendues ensemble au Sénégal  à la fin octobre, avant de se rendre au Mali, quelques odeurs de pétrole flânant d’ores et déjà ici ou là.

C’est en effet fort discrètement que le 23 et 24 octobre derniers, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense de la République française, s’est rendu à Dakar, accompagné par son homologue espagnol, monsieur Pedro Morenés Eulate, et ce, avant de se rendre  à Bamako. En ligne de mire : le Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, qui doit donc se tenir les 15 et 16 décembre prochains. A moins qu’il ne s’agisse de contrats pétroliers … l’un n’empêchant pas l’autre …

Or, quelques recherches sur internet avec les mots clés « Mali » et « Repsol » auront conforté mes premières intuitions.

En effet, selon les termes même de Afrimag, pas plus tard qu’en avril 2014, le groupe énergétique espagnol Repsol a annoncé avoir gagné le jackpot à Taoudéni. Taoudéni, bassin pétrolier et gazier très prometteur que je soupçonne depuis fort longtemps – et ce, bien avant le déclenchement de la guerre au Mali  – être à l’origine des tensions qui frappent la région depuis quelques mois.
Rappelons en effet que le bassin de Taoudéni  est un large bassin couvrant une zone de plus de 500000 km2 sur la partie Sud et Est de la Mauritanie, et se prolongeant vers l’Est jusqu’à une zone similaire dans la partie Ouest du Mali. Offrant ainsi des ressources en matières premières qui ne peuvent qu’attirer les appétits ….
Malgré la taille gigantesque du bassin, seulement 6268 km de levés sismiques 2D ont été acquis dans la partie mauritanienne du bassin, et seuls deux puits y ont été forés Abolag-1 (Texaco, 1974) et Ouasa-1 (Agip, 1974).

En avril dernier, Repsol a ainsi déclaré via communiqué de presse que des indicateurs « très probants » attestaient l’existence de quantités considérables de pétrole dans le bassin de Taoudéni. Ravivant ainsi les espoirs de la Mauritanie de devenir un grand producteur de pétrole. Selon la presse internationale, le groupe espagnol aurait décidé, le 18 mars dernier, de proroger ses opérations de prospection dans le bloc 10  du bassin, côté mauritanien.

Un nouvel espoir, donc, pour Repsol, un temps échaudé par l’évaluation peu convaincante d’un précédent forage. Le groupe était même à deux doigts de quitter la Mauritanie, avant la découverte de ces nouveaux indices attestant la présence de réserves considérables de pétrole dans le bloc 10 du bassin de Taoudéni.  

Alors que nous avions alerté avant même le début du conflit malien, que le Sahel et ses richesses pétrolières et gazières pouvaient conduire la région au chaos, situation que certaines puissances mondiales auraient intérêt à développer, histoire de s’approprier les ressources locales ou au « mieux » éviter qu’elles ne tombent aux mains de leurs concurrents – les faits semblaient nous donner raison à plusieurs reprises. Mêlant à la fois le pétrole, les ressources énergétiques de l’Afrique … et les paradis fiscaux tels que les îles Caymans.

Un communiqué du Conseil des ministres tenu le 10 juillet 2013 au Mali faisait en effet état d’un accord de 35 millions de dollars portant sur le partage de production du bloc 6 de Taoudeni, l’exploitation, le transport et le raffinage des hydrocarbures liquides ou gazeux.
La convention avec  la société de droit des Iles Caïmans est inscrite « dans le cadre de la promotion de la recherche et de l’exploitation d’hydrocarbure pour favoriser le développement économique du Mali », avaient précisé les autorités maliennes …

Ladite convention a été approuvée par un projet de décret adopté par le Conseil des ministres tenu sous la présidence du chef de l’Etat par intérim, le professeur Dioncounda Traoré. Un accord signé quelques jours à peine avant un scrutin majeur pour le pays, l’élection présidentielle devant se tenir avant la fin du mois de juillet au Mali …

Rappelons par ailleurs qu’en février 2013, des medias algériens avaient indiqué que Sonatrach avait décidé de geler l’ensemble de ses activités dans le bassin de Taoudeni. Une décision qui intervenait alors qu’en 2012, le groupe énergétique algérien avait pu obtenir une prolongation de deux ans de son contrat d’exploration accordé par le gouvernement malien.

La presse algérienne rappelait parallèlement que depuis 2007, l’Algérie avait du faire face à une rude concurrence avec des compagnies internationales pour la prospection pétrolière dans le bassin de Taoudeni, tel le français Total mais également Woodside, Dana, IPG, le chinois CNPCIM, l’espagnol Repsol, l’égyptien Foxoil.

Si en 2006, le groupe pétrolier ENI avait pu acquérir cinq licences en partenariat avec la société publique algérienne Sonatrach dans la zone, un porte-parole du groupe avait indiqué au début 2013 que la société italienne avait rendu ses licences. Raisons invoquées par ENI : « le très faible potentiel de la région ». Tout en précisant que les licences avaient été rendues avant le début de l’opération militaire française Serval.

Reste que la revue Africa Energy Intelligence annonçait quant à elle le 8 janvier 2013, que le 18 décembre 2012, soit trois jours après sa reconduction au gouvernement, le ministre malien des mines Amadou Baba Sy avait signé un décret stipulant la reprise par l’Etat malien du bloc 4 jusqu’alors opéré par ENI et Sipex (Sonatrach).

En février 2011, la presse algérienne indiquait que le groupe français Total et le groupe énergétique national algérien Sonatrach avaient dans leurs besaces plusieurs projets au Sahel. L’essentiel semblant être pour les deux groupes de « rafler » le plus de projets possibles, au Mali et au Niger.
Rappelons parallèlement qu’en 2012, à trois mois de l’élection présidentielle, le gouvernement malien, déjà confronté aux enlèvements d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) et à la menace d’une crise alimentaire, avait dû faire face à une nouvelle rébellion touareg puis à un coup d’état. Ces attaques étant alors les premières de ce type depuis un accord ayant mis fin à la rébellion mais également depuis le retour de Libye de centaines d’hommes armés ayant combattu aux côtés des forces du leader libyen Mouammar Kadhafi.

En avril 2011, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton s’était prononcée quant à elle en faveur d’une aide de 25 millions de dollars pour les rebelles libyens. Aide qui n’inclurait pas la fourniture d’armes … si l’on en croyait ses propos. Des subsides destinées à permettre aux rebelles de lutter contre les mercenaires de Kadhafi. Ces derniers étant en grande partie des milliers de jeunes Touareg, recrutés pour apporter leur soutien au dirigeant libyen, selon la presse.

Une situation qui inquiétait d’ores et déjà grandement le Mali, lequel redoutait dès cette période des répercussions dans la région, et plus particulièrement au Sahel, tout juste identifié – hasard de calendrier ? –comme un nouvel eldorado pétrolier.
Précisons que ces populations nomades originaires du Mali, du Niger, et de l’Algérie ont, depuis les années 80, trouvé refuge auprès de l’ex dirigeant libyen lui promettant de sécuriser le Sud-Soudan, en échange de sa protection.

«Nous sommes à plus d’un titre très inquiets. Ces jeunes sont en train de monter massivement (en Libye). C’est très dangereux pour nous, que Kadhafi résiste ou qu’il tombe, il y aura un impact dans notre région », avait ainsi déclaré Abdou Salam Ag Assalat, président de l’Assemblée régionale de Kidal (Mali). « Tout ça me fait peur, vraiment, car un jour ils vont revenir avec les mêmes armes pour déstabiliser le Sahel » avait-t-il ajouté.

Situation d’autant plus inquiétante que Mouammar Kadhafi aurait pu être également tenté – la manne pétrolière aidant – de recruter auprès des jeunes Touaregs du Mali et du Niger, avais-je alors indiqué.

A Bamako et à Niamey, des élus et des responsables politiques craignaient d’ores et déjà à l’époque que la chute de Kadhafi provoque un reflux massif de réfugiés touaregs dans une région du Sahel déjà très fragile, une situation qui pourrait conduire à une déstabilisation de la région … redoutaient-ils alors.

Sénégal : Davos africain de la sécurité à la mi décembre, l’arbre qui cache la boulimie de pétrole ?

Elisabeth STUDER – www.leblogfinance.com – 27 novembre 2014

Sources : lequotidien.sn, Afrimag.net, Quai d’Orsay, Repsol

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(24 commentaires)

  1. Liste des hautes personnalités confirmées

    – Macky Sall, Président de la République, Sénégal
    – Ibrahim Boubacar Keïta, Président de la République, Mali
    – Mohamed Ould Abdel Aziz, Président de la République, Mauritanie, Président en exercice de l’Union africaine
    – Idris Déby Itno, Président de la République, Tchad
    – Smaïl Chergui, Commissaire de l’Union africaine
    – Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense, France
    – Mohamed Bazoum, Ministre des affaires étrangères, Niger
    – Ramtane Lamamra, Ministre des affaires étrangères, Algérie
    – Elisabeth Guigou, Présidente de la Commission des Affaires étrangères, France
    – Patricia Adam, Présidente de la Commission Défense, France
    – Olusegun Obasanjo, Ancien Président de la République, Nigéria
    – Pierre Buyoya, Ancien Président de la République, Burundi
    – Hervé Ladsous, Secrétaire-général adjoint, ONU
    – Saïd Djinnit, Secrétaire-général adjoint, ONU
    – Jean-Marie Guéhenno, Président, International Crisis Group
    – Guillaume Soro, Président de l’Assemblée nationale, Côte d’Ivoire
    – Philip Carter III, Ambassadeur, AFRICOM
    – Jakkie Cilliers, Directeur général, Institute for Security Studies, Afrique du sud
    – Général Pierre de Villiers, CEMA, France
    – Général Edouard Katumba Wamala, CEMA, Ouganda
    – Général Bikram Singh, CEMA, Inde
    – Général Jean-Bosco Kazura, MINUSMA
    – Amanda J. Dory, Department of Defense, USA
    – Charles Richard Mondjo, Ministre à la Présidence, Congo

  2. Official Seal of the Department of Defense
    Selim Belmaachi Dory

    Deputy Assistant Secretary of Defense for African Affairs
    9-11 Memorial
    Selim Belmaachi Dory
    Selim Belmaachi Dory currently serves as the Deputy Assistant Secretary of Defense for African Affairs in the Office of the Secretary of Defense. She is a career member of the Senior Executive Service.
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