Présidence francaise de l’UE: des pistes pour comprendre ?

Euro Le point bas des relations France-UE a été touché lors de la conférence des « pays du oui » à Madrid, selon  le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet (PS). Or, tout le monde sait que notre pays assurera prochainement la présidence tournante de l’UE après le Portugal (et gare aux gaffes, car avec l’UE élargie, on y retournera seulement d’ici 13 ans!); le mini-traité cher à Nicolas Sarkozy sera vraissemblablement ratifié. La problématique centrale (mis à part les cas pathologiques comme EADS) tournera donc autour de la gestion de l’Euro, avec un labyrinthe de textes louvoyant entre une ébauche de politique européenne économique et l’indépendance de la BCE.

Or, avant de relater de l’actualité, tournons-nous un instant vers le passé pour comprendre un peu mieux de quoi il est question là-dedans. Le problème des taux de changes devait etre nivelé par la monnaie unique (reprenez vos vieux journaux des années 90 et vous verrez!); c’était meme un argument massue après l’explosion du SME sous le gouvernement Balladur. La situation actuelle semblerait donc quelque peu surprenante dans cette perspective … jusqu’à ce que l’on observe qui a réellement joué le jeu de l’Euro. Et là, pas de surprises, on comprend la position allemande actuelle! Car ce qui se passe dans l’UE élargie actuellement, c’est une version agrandie de la réunification allemande sous le chancelier Kohl. Grosso modo, on absorbe une économie moribonde, on échange une monnaie papier garantie par rien du tout contre une devise tout ce qu’il y a de plus respectable (cela crée une inflation forte des agrégats monétaires), on monte les taux d’interet (parce qu’il faut bien, sinon le risque est de voir la devise forte se déprécier sur les marchés des changes) et on espère que le marché élargi ainsi créé (le pays est plus grand, donc il contient plus de consommateurs potentiels) « tiendra le coup ». J’entends par là que les salaires seront tirés à  la baisse dans les secteurs de la production lourde par l’afflux de travailleurs bon marché, ce qui devrait permettre de limiter les prix à la consommation. Naturellement, la réalité est un peu plus complexe, car les entreprises ont très envie d’augmenter leurs marges afin de satisfaire leurs actionnaires; les consommateurs sont gentiment priés (par les entreprises et les gouvernements) de s’endetter auprès de leur banque afin de soutenir le marché intérieur. A ce niveau, je m’éloigne un petit peu du cas allemand puisque le gouvernement avait fortement réagi pour tuer dans l’oeuf le début de bulle immobilière outre-Rhin; qui a osé faire de meme ? Pas la France en tous cas …

On souligne à quel point cette idée tranche completement avec celle pratiquée dans les années 80, lorsque l’Espagne et le Portugal sont entrés: à cette époque, le dumping social était une condition suffisante pour stopper l’octroi des fonds européens!

Donc la situation actuelle est la suivante: les Allemands sont d’équerre avec la politique monétaire de la zone Euro (et pour cause, elle n’a rien de nouveau pour eux!), mais personne d’autre en Europe occidentale, ou l’on trouve (en vrac) des taux d’endettement des ménages de 64% de leurs revenus, une spéculation immobilière brulante (ceci expliquant cela; voir les discours gouvernementaux sur la « bonne dette » patrimoniale), et un système universitaire inadapté aux vrais besoins du marché du travail.

Le problème des taux de change provient en grande partie (comme on l’a déjà expliqué) de l’arrimage des monnaies des nations asiatiques exportatrices au dollar US. L’Euro n’est pas arrimé au dollar, donc on a l’impression qu’il s’apprécie; en fait, les cambistes ne sont pas dupes d’une économie européenne encore molle. Néanmoins, les effets néfastes se font sentir sur les entreprises exportatrices non efficacement couvertes contre le risque de change (voir LVMH pour un contre-exemple cinglant à ce discours puisqu’une bonne partie du CA est réalisée aux USA et au Japon), ce qui renforce la mécanique délocalisante, puisque l’on travaille le plus possible « à marges constantes » (sinon bonjour la sanction boursière). Le consommateur, lui, n’a qu’à se débrouiller avec un litre de sans-plomb à 1.45

(3 commentaires)

  1. Tout à fait d’accord Laurent. Mais alors, que faire ? Laisser filer la dette ? Impossible, l’UE veille. Favoriser les exportations françaises en diminuant le coût du travail ? Mais alors il faudra « financer » le manque à gagner par un impôt quelconque (genre… TVA).
    Attention aux lendemains qui déchantent. Le signal sera donné lorsque nous entendrons à la télévision les mots « je vous ai compris »

  2. Je ne prétends pas avoir de solution miracle, sinon je la proposerais volontiers. Je me borne a expliquer ici ce que la majorité des gens autour de moi ne pigent pas du tout sur l’UE. Dans les années 90, on traitait de fasciste les euro-sceptiques. Depuis Tony Blair, on s’est calmé avec ca, mais il n’en reste pas moins que ceux qui pigent un peu ce qui les attend avec une politique monétaire à taux élevés, un crédit immobilier sur 20 ans et des salaires bloqués sont bien rares …

  3. Il me semble que la politique française, toute de lâcheté, était de reprendre par l’inflation ce qui avait été accordé à des lobbies à fort pouvoir de nuisibilité.
    Maintenant que la souveraineté sur la monnaie n’existe plus, il faut une politique responsable ; on peut toujours rêver !

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